Iran: « Ne nourrissez pas le crocodile — il deviendra plus féroce »

Des partisans des Moudjahidine du peuple iranien brandissent des portraits de leur chef Maryam Radjavi lors d’une manifestation, à Paris, le 8 février 2025 – Source : AFP

Les opposants iraniens installés à Paris sont souvent les premiers informés de la libération d’otages français détenus en Iran. Pourtant, à chaque fois, la joie de cette libération est teintée d’amertume. Car l’expérience leur a appris qu’un tel événement n’est jamais gratuit : il s’accompagne presque toujours d’une transaction avec le régime de Téhéran — une transaction dont la Résistance iranienne paie le prix.

Avant même que la libération d’Olivier Grondeau ne soit annoncée officiellement par le président Emmanuel Macron, le jeudi 20 mars, le bureau parisien de la Résistance iranienne en avait déjà connaissance. Dès le lundi 17 mars, un journaliste d’un hebdomadaire satirique parisien avait contacté leurs bureaux, demandant s’ils avaient des informations sur les déplacements de Maryam Radjavi, dirigeante de cette Résistance.

Sans attendre de réponse, ce journaliste publia dès le mardi 18 mars un article à charge, manifestement précipité, dans lequel il tente de discréditer Maryam Radjavi — une femme qui, depuis des années, défie ouvertement les mollahs misogynes de Téhéran.

Cette précipitation s’expliquerait par une échéance pressante : la libération d’un autre otage anonyme, prévue pour le mercredi. Il fallait donc, semble-t-il, « payer la contrepartie » sans tarder, et cet article faisait partie du prix à verser.

La libération de Louis Arnaud, un autre citoyen français, qui a pu rapporter à Paris un aperçu des atrocités vécues dans la prison tristement célèbre d’Evin, en est une illustration supplémentaire. Là encore, une semaine avant sa libération, un journaliste du Monde avait contacté le bureau de la Résistance iranienne pour poser des questions sur les « enfants soldats » dans l’Armée de libération nationale iranienne*. Pour les membres de la Résistance, cela ne faisait aucun doute : une nouvelle libération était en cours de négociation.

Les opposants iraniens ne s’opposent nullement à la libération des otages — bien au contraire. Mais ils lancent une alerte claire : Ne nourrissez pas le crocodile. Cela ne l’apaise pas. Cela le rend plus féroce. 

Ils estiment que la libération des otages ne doit jamais être obtenue par la complaisance ou les concessions, mais par la fermeté. L’Europe a déjà démontré que cette stratégie peut fonctionner— et produire des résultats concrets*.

Le chantage par les otages : une stratégie de survie

Le célèbre terroriste Anis Naccache, agent du régime iranien d’origine libanaise, emprisonné dix ans en France pour tentative d’assassinat, a révélé un jour, à la télévision d’État iranienne, les dessous de certaines négociations :

« J’étais en prison en France, pendant qu’ils menaient des opérations à Beyrouth. Quatre otages français avaient été capturés… Un jour, un représentant du ministère des Affaires étrangères est venu me voir. Il m’a dit : “Je ne sais même pas si nos otages sont encore vivants.” J’ai répondu : oui, mais à certaines conditions. Premièrement, un milliard de dollars doit être retourné à l’Iran. Il a dit : “D’accord.” Ensuite ? J’ai dit : expulsez Massoud Radjavi* de France… »
(Chaîne Ofogh, émission « Jahan Ara », 11 février 2017)

Le général Mohammad Ali Jafari, ancien commandant des Gardiens de la Révolution, a lui aussi reconnu, dans un discours prononcé le 4 novembre 2019, l’importance stratégique des prises d’otages pour la survie du régime : « Sans ces prises d’otages, la République islamique se serait effondrée dès la première décennie. »

Évoquant la prise d’otages à l’ambassade des États-Unis en 1979, il ajoute : « Seuls quelques responsables révolutionnaires, dont le Guide suprême Ali Khamenei, y étaient favorables à l’époque. Sans cette opération, notre révolution n’aurait jamais duré quarante ans. Elle aurait pris fin bien plus tôt. »

Pour la Résistance iranienne, le message est limpide : chaque année de survie supplémentaire pour ce régime se traduit par des milliers, voire des millions de vies brisées — en Iran, à Gaza et dans l’ensemble du Moyen-Orient.

La diabolisation de l’opposition : retarder l’inévitable

Lors du massacre de 1988, quelque 30 000 prisonniers politiques ont été exécutés en à peine deux mois. À travers cette purge sanglante, le régime iranien entendait se débarrasser des Moudjahidine du peuple, considérés comme la colonne vertébrale de la Résistance.

Dans son dernier rapport, le professeur Javaid Rehman, rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme en Iran, qualifie les deux grandes vagues de répression politique — en 1982 et en 1988 — de génocide. Il souligne que la plupart des victimes de 1988 étaient des membres de l’OMPI, exécutés uniquement pour leurs opinions politiques, leurs convictions religieuses ou leur appartenance ethnique.

Et la machine répressive est toujours à l’œuvre : il y a quelques mois à peine, 9 prisonniers politiques, dont le principal « crime » était leur appartenance à l’OMPI, ont été condamnés à mort.

Maryam Radjavi, dirigeante de la Résistance, incarne l’alternative politique à un régime profondément misogyne et ultra-répressif. Elle est le porte-drapeau du combat contre la peine de mort, pour une République laïque, fondée sur l’égalité entre les femmes et les hommes, et pour un Iran non nucléaire.

Face aux crimes du régime, elle appelle à remplacer la haine par l’amour. Ce n’est donc pas un hasard si les autorités iraniennes tentent inlassablement de salir son image — au moment même où sa popularité grandit chaque jour davantage à l’intérieur du pays.

Le début de la fin : quatre décennies de prise d’otages arrivent à leur terme

La chute du dictateur syrien a porté un coup stratégique irréversible au régime iranien.
Un haut responsable iranien a décrit la situation en ces termes :

« Le domino du changement, parti du Liban, est passé par la Syrie, puis l’Irak… et il atteindra l’Iran. »

Aujourd’hui, des milliers d’unités de résistance, actives à travers le pays, issues des Moudjahidine et inspirées par l’appel de Maryam Radjavi à l’égalité et à la liberté, sont prêtes à transformer chaque étincelle en soulèvement.

Implantées dans leurs propres quartiers, elles représentent une force populaire capable de faire reculer les Pasdaran. C’est précisément pourquoi le régime mène une campagne de diabolisation intense : pour neutraliser cette menace existentielle.

Ce n’est pas un hasard si certains médias — sans réelle analyse — vont jusqu’à qualifier cette Résistance de “secte”, alors qu’elle lutte depuis plus de quarante ans contre une dictature religieuse, a perdu plus de 100 000 de ses membres, et dirige des milliers d’unités actives dans tout le pays. 

Le régime des mollahs mobilise tous ses moyens pour échapper à une chute qu’il sait inévitable. Pour cela, il active ses réseaux de lobbying dans les cercles de pouvoir internationaux, tout en poursuivant sa campagne de dénigrement contre la Résistance iranienne et sa dirigeante.

* Terreur de Mikinos : Après l’assassinat des dirigeants du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran par des agents de la République islamique dans un restaurant de Berlin portant le même nom, les gouvernements européens ont unanimement rappelé leurs ambassadeurs d’Iran. Par cette décision ferme et ce langage sans équivoque, les terreurs et les prises d’otages du régime sur le sol européen ont été suspendus pendant plusieurs années.

© Hamid Enayat

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