On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou! Le Billet de Philippe Bilger

Des manifestants protestent contre le limogeage du chef du Shin Bet, Ronen Bar, et la tentative de destitution de la procureure générale, Gali Baharav Miara, par Benjamin Netanyahu. Jérusalem, Israël, 23 mars 2025 © Nir Alon/ZUMA/SIPA

Intégrera-t-on dans la loi française l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme ?

On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou. En tout cas, pas forcément. Flotte dans l’air1 parlementaire l’idée que pour combattre l’antisémitisme, il conviendrait de l’assimiler à l’antisionisme et qu’une loi devrait être votée qui ne distinguerait plus les deux mais les envelopperait dans la même transgression pénale. Il me semble que ce serait une grave erreur.

Bas les masques !

Parce que pour certains, l’antisionisme est le masque d’un antisémitisme qui se sert de ce prétexte politique pour s’exprimer, il faudrait constituer cette perversion comme une généralité et interdire le débat, les critiques sur la politique israélienne et Benjamin Netanyahou ? Au sujet duquel, d’ailleurs, je n’ai jamais entendu dire de bien.

Tout au plus qu’il n’avait pas un autre choix depuis la barbarie du 7 octobre 2023, ce qui peut évidemment être discuté ; au moins dans la durée de la défense considérée comme légitime contre le Hamas, à Gaza. Ces derniers jours il passe « en force contre l’appareil d’État et dans la bande de Gaza » analyse Le Monde.

J’ai conscience de définir l’antisionisme sur un mode commun, banal – le plus courant – en considérant qu’il s’agit de la contestation de la politique israélienne et de celle de ses dirigeants alors qu’au sens propre le sionisme défend le droit à l’existence de l’Etat d’Israël quand l’antisionisme le lui dénie.

En demeurant dans l’acception ordinaire, cette aggravation pénale réduirait un espace de liberté d’autant plus à sauvegarder qu’il se rapporte à un problème géopolitique infiniment sensible. Et même quasiment ingérable, malgré l’accord majoritaire sur une solution à deux États.

La question géopolitique la plus sensible ?

Il serait désastreux, selon une démarche malheureusement usuelle, de ne pas trouver contre le poison de l’antisémitisme d’autre riposte que d’interdire une opinion, contestable ou non, en tout cas admissible, sur les faiblesses d’Israël, seule démocratie dans cette région du monde.

D’une certaine manière, il convient à la fois de banaliser ce pays et de protéger partout les juifs contre les agressions verbales et physiques qui se multiplient à leur encontre, sans la moindre honte – comme à Orléans récemment.

Parce qu’on ne parvient pas, malgré les efforts menés, à réduire les actes antisémites, on s’imagine pouvoir aboutir à un résultat plus satisfaisant en alourdissant l’antisémitisme d’une charge sans commune mesure avec lui.

D’autant plus que, contrairement à ce qu’on prétend, il est facile, dès lors que l’on est honnête, de distinguer le bon grain d’une critique politique de l’ivraie de l’antisémitisme. Il suffit de se référer à des éléments extrinsèques qui seront de nature, sans la moindre équivoque, à révéler l’état d’esprit de celui qui s’exprime sur ce sujet.

Quand on affirme que l’antisémitisme est « résiduel » en France comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, on a le droit de questionner la pureté de ses diatribes politiques sur Israël, accordées de surcroît avec les ambiguïtés sur la définition du Hamas le 7 octobre 2023.

D’autres en revanche ne laissent pas le moindre doute sur la pureté de leurs intentions quand ils émettent des réserves sur Benjamin Netanyahou et sur la stratégie d’Israël. Il serait dramatique, pour la liberté d’expression et l’utilité des débats géopolitiques, d’être inspiré par la fausse bonne conscience de stigmatiser tout de ce qui peut concerner les Juifs, Israël, le Hamas, Gaza et autres sujets dangereux. On ne vaincra jamais les effets délétères de la liberté en réduisant encore davantage la part de celle-ci. Pour ne rien concéder à l’antisémitisme, ignominie morale, il faut sauver le droit à l’antisionisme, contradiction politique.

© Philippe Bilger


1.      « Pour que l’antisionisme ne serve plus de prétexte à l’antisémitisme, c’est à la République de protéger les juifs en intégrant dans sa loi l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme. » Tribune collective publiée dans Le Monde le 21 mars 2025 NDLR ↩︎


Source: Causeur

https://www.causeur.fr/antisionisme-antisem

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8 Comments

  1. Analyse très fine mais très dangereuse car elle permet aux antijuifs d’exprimer leur haine sans risquer d’être catalogué , Être anti Likoud ou anti Netanyahu est peut être admissible mais anti sioniste est le cache sexe des salopards antijuifs !

  2.  » Intégrera-t-on dans la loi française l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme ?  »

    J’ ai l’ impression que cela aggraverair l’ antisémitisme.

    • @Joseph1 Cela permettrait au contraire de traduire en justice de nombreux mélenchonistes et autres antisémites, qui bénéficient d’une totale impunité. Aucun risque pour que cela se produise : le gouvernement français antisioniste/antisémite ne va pas promulguer une loi reconnaissant son propre antisémitisme. Il va au contraire continuer à tout mettre en œuvre pour attiser la haine des Juifs et d’Israël.

  3. M. Bilger, vous mélangez antisémitisme (visant les juifs), antisionisme (visant l’existence de l’État d’Israël et sa disparition des cartes) et opposition au gouvernement Netanyahou (que vous semblez confondre avec l’antisionisme). Être contre Netanyahou est une opinion politique recevable dans le cadre d’un débat démocratique. Mais être ANTISÉMITE c’est un appel au meurtre : liquider les Juifs comme peuple, projet criminel nazi, et être ANTISIONISTE c’est une opinion politique qui reste encore un appel au meurtre : liquider l’État israélien et les Israéliens comme nation, vouloir une Palestine du Jourdain à la mer débarrassée des citoyens Israéliens (sans doute de ses citoyens juifs). C’est un peu comme si quelqu’un se disait hostile à Bayrou et Micron tout en voulant la disparition géographique de la France et physique des Français. Vous trouveriez que c’est exagéré, que c’est passer d’une opinion à un appel au meurtre relevant sans doute, d’un délit d’opinion.

    Cher M. Bilger, il n’y a pas deux termes en jeu mais trois, comptez mieux. Voire quatre si l’on n’oublie pas de rajouter à la liste l’anti-judaïsme chrétien et islamique.

  4. Affligé par l’article de Ph. Bilger, qui nous a habitué à plus de discernement.
    Assimiler antisionisme à la simple critique du gouvernement israélien, est d’une stupidité rare, historiquement et politiquement. Historiquement est simple à comprendre : il suffit de lire l’histoire du sionisme depuis L. Pinsker et T. Herzl ; politiquement, car la quasi-totalité des antisionistes modernes, sont en fait des antisémites déguisés.
    Si l’on veut critiquer la politique du gouvernement israélien, comme on critique la politique du gouvernement américain ou français, il suffit de trouver un autre vocabulaire.
    Dit-on de quelqu’un qui critique la politique d’extrême centre d’E. Macron, qu’il est francophobe (au sens négatif du terme (rejet), et pas seulement de peur) ? Non ; alors pourquoi utiliserait-on le terme d’antisioniste pour celui qui veut critiquer la politique du gouvernement israélien cher P. Bilger ?

  5. Je ne suis pas un spécialiste de la politique israélienne, je ne vis pas en Israël mais il m’a toujours semblé que Benyamin Netanyahu était un authentique chef d’État et qu’il œuvrait pour son pays et non pour lui-même. Je le place parmi les grands dirigeants d’Israël, qu’ils soient « de gauche » (voir David Ben Gourion pour ne citer que lui) ou « de droite » (Menahem Begin pour ne citer que lui).

  6. analyse importante mais la conclusion est erronée
    on peut critiquer la politique israélienne et les acteurs de cette politique.
    par contre l’idéologie portée par le sionisme ne doit pas souffrir d’une attaque.
    il faudrait plutôt toujours redire et réexpliquer aux antisioniste ce qu’a été le sionisme et ce qu’il est aujourd’hui encore.
    la possibilité du retour des juifs dans le monde dans leur patrie ancestrale.
    être antisioniste hier comme aujourd’hui,c’est bien vouloir la fin de ce pays et la fin des juifs dans leur terre.

  7. Philippe Bilger n’a encore, lui aussi rien compris, ou alors il le fait exprès pour se vêtir d’une capuche d’impartialité et d’honnêteté morale.
    A mon avis, c’est sciemment, vu son intelligence politicienne, qu’il fait cette bourde et, de ce fait, il sert la soupe aux nervis pro-palestiniens qui se rabattent aujourd’hui sur le sionisme par tenter une énième fois de plus, de délégitimer Israel de son droit immémorial à l’existence sur sa terre.
    Regardez Mr Bilger les tentatives abjectes des « palestiniens » pour s’approprier, via l’Unesco, Le Caveau des Patriarches à Hebron, les tombeaux de Rachel et de Joseph et surtout du Mont du Temple;;;;
    Mr Bilger reprenez-vous !

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