
Votre serviteur (serviteuse ?) est rentrée dans son village sur la colline. Le voyage retour s’est bien passé, merci. A part que l’on m’a sortie de la file des voyageurs et fait un contrôle de sécurité comme à une terroriste potentielle.
Moi, pas rassurée, à l’agent qui m’accompagnait pour m’empêcher de fuir : « J’ai une tête patibulaire ? J’inspire la peur ? Dites-moi tout monsieur l’auxiliaire à la sûreté des aéroports »
« Absolument pas. C’est un choix aléatoire de votre compagnie, rassurez-vous. »
Aléatoire ?!? J’ai une tête d’aléatoire ? Une gentille dame m’a fouillée de haut en bas, je suis chatouilleuse, je ne pouvais m’arrêter de rire. Très gai tout ça.
Le principal est que je sois arrivée à bon port. J’ai retrouvé ma famille, mes amis, ma voisine wonder woman, ma chienne Duda (elle ne pue pas quand je suis absente. Je commence à me poser des questions…).
Mon pays. La réalité. Très âpre la réalité. Très rude. Un coup de massue. Or, je ne demande pas grand-chose. Seulement quelques jours pour me réacclimater. Être encore ailleurs. Par conséquent, j’ai choisi de résider dans ma petite bulle, ici, en Israël. Pas d’informations. Pas de télé, de journaux, de radio. Je sirote un jus de mangue, goyave et maracuja, installée sur ma terrasse, face au mont Carmel. Le mont du prophète Eli, des Carmélites, de mes randos. Le sommet qui me sourit, chaque matin à mon réveil, qui barbotte les pieds dans la Méditerranée, à Haïfa. Laissez-moi admirer ma montagne verte et penser que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Prolonger de quelques jours les vacances. Ignorer notre Souverain Suprême au pouvoir depuis presque deux décennies. Celui qui accuse les journalistes intègres, les juges impartiaux, ses adversaires politiques, le chef du Shin Beit, d’être des traitres. Celui qui livre le pays au chaos. Lui et son gouvernement d’infâmes, au budget injuste, à la guerre qui condamne les otages.
Laissez-moi me rappeler des rues de Paris arpentées avec mes amis, des rires partagés avec ma famille, des merveilleuses expositions. Dehors ça gronde, je sais. Je reprends tout de suite les manifestation, l’indignation , l’espoir et la lutte. Encore quelques minutes. Je ferme les yeux. Le Carmel m’envoie une brise réconfortante. Lorsque j’ouvre les yeux, je sursaute.
A mes côtés, sur un fauteuil, l’alien. Arrivé sans rien dire.
– Que fais-tu ici l’extra-terrestre ? Je ne me rappelle pas t’avoir invité ?
– Je suis un peu ton personnage principal, non ? Te rappelles-tu notre discussion dans la voiture ? « Alien blasphémateur » le 4 mars 2025, pour être précis.
– Et alors ?
– Figure-toi que je l’ai rencontré votre fameux « créateur du monde ».
– Eh bien figure-toi, cher alien, que c’est moi qui décide ici. Je suis encore en vacances. Alors tu me raconteras tout ça dans le prochain épisode…
© Rachel Darmon
Née à Paris, Rachel Darmon vit en Israël depuis plus de 30 ans. Professeur de français, éducatrice, guide touristique, elle a toujours écrit. Lauréate du « Prix des arts et des lettres » pour sa nouvelle « Le mur du bruit », elle a publié deux romans chez Folies d’encre : « Le gâteau de Varsovie » et « Tâter le diable ».

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