Hagay Sobol. Pourquoi le coup de semonce de Trump à l’Europe est une chance 

Réalisation Le Lab Le Diplo

Le clash entre Trump et Zelensky, et la « pause » de l’aide militaire américaine à l’Ukraine attaquée par la Russie, rappellent, avant qu’il ne soit trop tard, que l’Europe doit se réinventer face à la nouvelle donne mondiale. 

L’Union Européenne (UE) a vécu comme si le bouclier de l’OTAN était éternel. Avec Donald Trump, elle découvre avec stupeur que l’Amérique n’est plus l’allié indéfectible de naguère et que les conflits récents ont rapproché les frontières. L’UE doit désormais oublier ses divisons pour assurer une défense partagée, gagner en autonomie dans de nombreux domaines et repenser ses alliances. Les 27, et au-delà l’Europe, n’ont d’autre choix que de prendre leur destin commun en main.

L’Europe entre « le marteau et la faucille » 

Comme en 1938, avec la Tchécoslovaquie, l’avenir de l’Europe s’écrit aujourd’hui en Ukraine. Le vieux continent est traversé par les mêmes divisions, et la même illusion qu’il est possible d’éviter la guerre en cédant toujours plus à la force. Loin de calmer les ardeurs du maître du Kremlin, l’inaction lors du conflit Géorgien ou face à l’annexion de la Crimée, n’ont fait qu’aiguiser ses appétits. 

Cet affrontement ne se limite pas qu’aux conflits ouverts entre États. L’utilisation de supplétifs à la solde de Moscou, l’assassinat d’opposants sur notre sol, la désinformation, ou la guerre cybernétique représentent autant de champs de bataille. A ces menaces, s’ajoute désormais la convergence entre l’Amérique, de l’imprévisible Donald Trump, et la Russie de l’ancien officier du KGB, Vladimir Poutine. 

L’Europe, prise en étau, entre « le marteau et la faucille », n’est pas un ensemble unifié. Aucune des organisations existantes, que ce soit l’UE ou l’OTAN, ne se superposent. Et les intérêts des États membres varient en fonction de nombreux paramètres dont leur proximité avec les zones de conflits. Il faudra pourtant dépasser ces clivages pour constituer une force politique et militaire crédible, condition de notre survie. Ce qu’a rappelé le Président Emmanuel Macron dans sa récente allocution.

OTAN suspends ton vol ?

Les réformes radicales entreprises par la nouvelle administration US risquent d’avoir des conséquences durables sur le pacte de stabilité qui a prévalu depuis la guerre froide. Le nouveau locataire du bureau ovale demande des comptes aux européens qui se sont contentés jusque-là de bénéficier de l’organisation militaire intégrée à l’OTAN sans s’acquitter de leur quote-part. Cette rente pourrait se tarir rapidement. C’est dans cette perspective que s’inscrit le plan de 800 milliards d’euro révélé par Ursula von der Leyen pour « réarmer l’Europe » et « soutenir l’Ukraine ».

Mais au-delà de l’effort financier, il y a urgence d’établir un plan d’action à court et moyen termes pour que l’UE occupe sa juste place dans le concert des nations et envoyer un message significatif à qui de droit. Cet impératif existentiel revient à d’abord composer avec un écosystème militaire hétérogène et hybride (intégrant conception locale et importations), à optimiser l’existant pour organiser des convergences opérationnelles, puis à prioriser des solutions communes. 

Mais surtout il faut convaincre les populations de cette nouvelle réalité qui impose de se préparer à la guerre, à la fois pour l’éviter, et le cas échéant, pour être en capacité de se défendre. Comme disait Végès : « Si vis pacem para bellum » (qui veut la paix, prépare la guerre). Cela suppose une adaptation de l’économie, de l’industrie et le retour de la conscription.

Nouvelles frontières

Le monde semble avoir rétréci. Nous sommes désormais à portée de tirs des missiles balistiques de l’Iran qui arme la Russie, et la Corée du Nord combat au côté de l’armée du Kremlin. Des pays éloignés sont devenus nos voisins et nos frontières se déploient à l’échèle globale. Le départ des troupes française d’Afrique, la déstabilisation des DOM TOM ou les attaques des voies de navigation internationales par les Houthis yéménites s’inscrivent dans cette dimension. Les alliances de l’Europe doivent se repenser à cette échelle. 

Les ennemis de nos ennemis sont plus que jamais nos amis. A l’exemple des pays des accords d’Abraham (Etats du Golfe, Israël, Maroc) avec qui il existe une communauté d’intérêts et d’expérience. Leur alliance s’est forgée, alors que l’Amérique d’Obama s’était rapprochée de la République islamique d’Iran soutenue par Moscou. Elle s’est matérialisée à plusieurs niveaux, tant économiques que militaires. Ainsi, lors des attaques massives de Téhéran et ses proxys, Jérusalem a bénéficié, en temps réel, des données de suivi des missiles et de drones récoltés par ses partenaires qui combinées aux systèmes « Dôme de fer » hébreux ont assuré une défense hermétique des agglomérations civiles. Cette efficacité éprouvée en temps de guerre a conduit plusieurs pays européens à choisir ces dispositifs, telle que l’Allemagne, la Grèce ou Chypre et d’autres sont en négociation. 

De l’embargo du Général de Gaulle au revirement de Trump 

La coopération étroite entre la France et Israël a porté de nombreux fruits. Du développement conjoint des deux programmes nucléaires, pierre angulaire de la force de dissuasion, à la popularité des mirages tricolores quand les pilotes « bleu et blanc » étaient aux commandes. Paris était le premier fournisseur d’armes de Jérusalem. Ce partenariat pris fin avec la « guerre des six jours », quand le Général de Gaulle décréta l’embargo sur les ventes à Israël. 

Ce fut un coup très dur qui obligea ce petit État, cerné par des pays arabes surarmés par l’URSS, à trouver des solutions sous peine de disparaître. Pour survivre dans cet environnement hostile, l’État hébreu se tourna vers les USA et développa sa propre production avec les performances que l’on sait.

Avec Donald Trump, l’Europe expérimente le même type de situation. Loin d’être une catastrophe, ce revirement arrive à point nommé pour obliger la « belle endormie » à se donner les moyens d’exister par elle-même en tant que puissance politique, économique et militaire. Il ne s’agit pas d’une opposition frontale aux USA qui dans 4 ans aura un autre Président, mais d’une opportunité pour s’imposer comme un partenaire incontournable dans la bonne marche du monde. 

Il est grand temps que l’Europe des lumières illumine à nouveau le monde face à l’obscurantisme. Mais pour cela il faut que nous le décidions collectivement, que nous regardions vers l’avenir et non pas le passé ! 



Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Il est Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».


Source: Le Diplomate

https://lediplomate.media/2025/03/ue-defense-trump/hagay-sobol/monde

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1 Comment

  1. L’Europe des lumières qui, comme son nom l’indique, n’a pas illuminé le monde depuis longtemps, elle s’est endormie, ne se consacrant qu’à des sujets futiles en se renfermant sur elle-même. La France a failli avec Israel, avec les Etats-Unis, avec la Russie, l’Algérie; C’est la France de Macron , la France impuissante.

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