OPINION. L’Iran a été témoin d’un mouvement sans précédent porté par ses femmes, un combat pour la liberté et l’égalité des sexes qui résonne à travers le monde. Par Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI)

Dans l’histoire contemporaine de l’Iran, et peut-être du monde, rares sont les mouvements qui égalent en ampleur et en dévouement celui des femmes iraniennes luttant pour la liberté et l’égalité des sexes. Il y a un siècle, les femmes se battaient pour le droit de vote ; aujourd’hui, elles se soulèvent pour transformer en profondeur l’ordre établi.
L’égalité entre les sexes : un défi majeur de notre époque
Bien que l’égalité entre les sexes soit, en apparence, acceptée et inscrite dans les lois de nombreux pays, elle demeure l’un des défis majeurs de notre temps. Malgré des avancées significatives, les femmes restent largement sous-représentées dans les sphères du pouvoir, y compris dans les pays développés.
Lutter contre la dictature, en particulier contre le fondamentalisme misogyne qui règne en Iran, n’est pas seulement une question de liberté, mais aussi une question d’égalité. Ces deux combats sont indissociables. Un mouvement progressiste qui s’oppose à une théocratie oppressive doit aussi s’attaquer à l’idéologie rétrograde qui alimente la discrimination de genre. Il ne peut tolérer en son sein les vestiges de cette pensée archaïque. Il doit, au contraire, mobiliser celles et ceux capables de résister à une répression implacable.
Pourquoi une répression sans précédent des femmes en Iran ?
Lors du soulèvement de 2022, les étudiantes ont souvent été en première ligne des manifestations, présentes dans 204 universités. Sur les 1 776 écoles dont les élèves ont rejoint le mouvement, 1 186 étaient des établissements pour filles.
Le régime sait que, pour étouffer la société, il doit d’abord briser la volonté des femmes. Les Iraniennes sont instruites, et depuis la révolution contre la monarchie, leur énergie a été libérée. Elles aspirent à jouer un rôle central dans la transformation de la société.
Ainsi, la théocratie au pouvoir leur a retiré tous leurs droits, y compris l’un des plus fondamentaux : la liberté de choisir leur tenue vestimentaire. Ensuite, elle a prétendu que ces restrictions étaient conformes aux préceptes de l’islam. Pourtant, l’imposition du voile, de la religion et de toute contrainte idéologique va à l’encontre de la miséricorde divine.
D’ailleurs, la séparation de la religion et de l’État est l’un des principes fondamentaux de la H iranienne, soutenue par plus de 4 000 parlementaires à travers le monde.
Les conditions nécessaires à l’égalité des sexes
Un système fondé sur l’inégalité entre les sexes, qui relègue les femmes à la marge, engendre des conséquences désastreuses : soif de pouvoir insatiable, despotisme, accaparement des ressources, décisions arbitraires, corruption et répression.
Pour parvenir à l’égalité, il est essentiel de s’opposer à une culture qui réduit les femmes à l’état d’objets et, par extension, plonge aussi bien les femmes que les hommes dans une forme d’esclavage moderne. Il faut, au contraire, instaurer une culture et des relations humaines fondées sur la dignité, l’unité et l’accomplissement personnel.
Une femme ne doit être ni subordonnée à autrui, ni considérée comme une propriété sous quelque forme que ce soit. Elle doit être un individu libre et indépendant, capable de prendre son destin en main et de guider le monde vers un avenir meilleur.
L’élimination de l’idéologie patriarcale
Lorsque nous voulons instaurer l’égalité de manière profonde et durable, une question se pose : ce changement signifie-t-il l’exclusion des hommes ?
Les solutions qui visent à remplacer les hommes par les femmes ne conduiront pas à la libération des femmes. Le message du dirigeant de la résistance iranienne , Maryam Radjavi, est clair : pour faire progresser l’égalité, il ne faut pas simplement redistribuer le pouvoir, mais transformer l’idéologie patriarcale qui le sous-tend.
L’hégémonie des femmes : une révolution silencieuse et nécessaire
La solution à cette crise profonde réside dans la participation active des femmes à la direction des affaires publiques. C’est une transformation inédite et essentielle, qui redéfinira les structures du pouvoir. Nous avons atteint une étape décisive : l’hégémonie des femmes.
Mais ce changement n’est-il pas prématuré ? Ne faudrait-il pas attendre plusieurs décennies, le temps que les sociétés atteignent un niveau de progrès social plus avancé ?
La réponse est non. Briser la malédiction millénaire des inégalités ne peut se faire sans un bond en avant. Ce bond, c’est précisément l’hégémonie des femmes, dont la nécessité s’est imposée comme une évidence dans la lutte des femmes et des hommes iraniens contre une dictature misogyne.
L’implication active et équitable des femmes dans la direction politique et dans d’autres sphères de responsabilité est une exigence historique. De plus, l’expérience de la résistance iranienne a prouvé que lorsque les hommes acceptent le leadership des femmes, leurs relations évoluent vers plus de fraternité et de solidarité.
Dans un monde libre et émancipé, l’épanouissement des hommes et des femmes n’est pas opposé, mais complémentaire et nécessaire.
L’hégémonie des femmes : un changement fondamental de la nature du pouvoir ?
C’est une transformation libératrice, qui responsabilise les femmes tout en libérant les hommes de la domination sur les femmes et sur le monde. Son objectif est de redéfinir le pouvoir afin qu’il ne soit plus un champ de compétition destructrice – une compétition qui, tout au long de l’histoire, a conduit à la tyrannie et à la guerre, sacrifiant les valeurs humaines et écrasant les plus vulnérables.
Le leadership des femmes ne se limite pas à l’accession à des postes de direction ou à la prise d’une part du pouvoir détenu par les hommes. Il vise avant tout à redéfinir la nature même du pouvoir : un pouvoir au service de l’humain, et non un humain asservi par le pouvoir.
© Hamid Enayat
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