
Toujours en voiture – toujours au volant, l’extra-terrestre à mes côtés. A la radio, la journaliste interviewe une femme dont le neveu est revenu de captivité, après 505 jours en enfer. « C’est grâce au Créateur du monde. Lui, le Saint-béni-soit-son-nom, qui voulait qu’il rentre à la maison. C’est grâce à son intervention, son soutien, son action ». L’alien à mes côtés – de sa voix froide, métallique et monotone, a beaucoup de questions aujourd’hui. Il me dérange dans ma conduite chevronnée légendaire.
– Vous le connaissez, ce « créateur du monde » ?
– Pas personnellement, non. Je ne l’ai jamais rencontré.
– Il a l’air très gentil. Cette dame lui en doit une. Mais il y a une chose que je ne comprends pas…
– Parle, Alien, tu peux tout me demander.
– Pourquoi n’a-t-il rien fait pour les petits rouquins. Pour tous les autres enfants ? Pour les femmes et les hommes violés, massacrés, tués, abandonnés. S’il a tellement de force et de pouvoir, la moindre des choses aurait été de sauver les enfants.
– Ce jour-là il ne pouvait pas. Il était occupé ailleurs.
– Où ?
– Il était chez le coiffeur, en train de se faire masser, à un évènement de shopping privé. Je ne sais pas ! Il était absent.
– Il n’aime peut-être pas les kiboutznikim, les enfants, les vieux, les pauvres, les faibles, les malades … Je ne comprends pas pourquoi les gens le remercient et parlent de miracle uniquement quand ça marche. Il est là ou bien il n’est pas là ?
– On peut changer de sujet ? Je crains ne point avoir de réponse. C’est un peu comme l’homéopathie, la réincarnation, les trèfles à 4 feuilles ou l’eau bénite. On y croit ou on n’y croit pas.
– On parle quand-même beaucoup de lui, ici, ces derniers temps. C’est ce que je remarque. Plus il y a de malheurs, de guerres, de catastrophes, de corruption, d’inégalités, de manque d’éducation, de manque de gouvernance, plus on évoque sa grandeur. Plus ily a de désespoir… C’est bizarre. On ne m’avait pas parlé de lui lors de mon stage de préparation de mission. Je vais prendre rendez-vous et lui en tenir deux mots.
– Bonne chance. En fait, c’est quoi, votre mission, cher Extra-terrestre. D’ailleurs, comment vous appelez-vous ?
– Comme le fils d’Elon Mask, X Æ A-Xii. On était ensemble à l’école. Je n’ai pas le droit de vous parler de ma mission. Ou bien il faudra que je vous élimine après. Mais vu votre façon de conduire, je peux tout vous dire…
– C’est gentil.
– Je suis là pour rapatrier de force trois agents de notre galaxie. « Cheveux violets », « cheveux rouges » et « cheveux vodka ». Vous les connaissez sous les noms de Bibi, Trump et Poutine. Ils refusent de monter dans le vaisseau intergalactique qui est à leur disposition. Ils nous font des problèmes. Je suis là pour les régler. Fin du troisième épisode.
© Rachel Darmon
Née à Paris, Rachel Darmon vit en Israël depuis plus de 30 ans. Professeur de français, éducatrice, guide touristique, elle a toujours écrit. Lauréate du « Prix des arts et des lettres » pour sa nouvelle « Le mur du bruit », elle a publié deux romans chez Folies d’encre : « Le gâteau de Varsovie » et « Tâter le diable ».