
On s’interroge à juste titre, ces dernières années, sur l’apparition dans l’espace public, en France tout particulièrement, de multiples indices de ce qu’on appelle la « montée de l’antisémitisme », formule figée qui renvoie à des réalités fort différentes, allant des attentats terroristes d’inspiration jihadiste et des agressions physiques visant des Juifs en tant que juifs à des insultes, des menaces et des appels à la haine ou à la violence contre les Juifs ou les « sionistes ». On s’y réfère ordinairement, dans l’espace public, par des expressions telles que « faits antisémites » ou « actes antisémites ». Le phénomène observable est souvent interprété selon le modèle du « retour de l’antisémitisme » ou de sa « résurgence », ou encore sur celui d’un « réveil » des passions antijuives. On s’inquiète également de l’apparition d’un « antisémitisme d’atmosphère », effet de la banalisation des passions antijuives, qui se remettent à circuler, par-delà l’époque du « plus jamais ça », ouverte par le procès de Nuremberg. Autant de diagnostics impressionnistes, qui remplacent la nécessaire conceptualisation par des images et des métaphores destinées à frapper l’opinion.
Ces représentations de l’antisémitisme comme danger appelant une « vigilance » accrue pêchent par l’absence d’une mise en perspective historique et par leur abstraction. Pour échapper à cette perception ahistorique et politiquement vague du phénomène, il faut tenter de répondre à deux questions préalables et corrélatives : d’où vient cette récente « montée de l’antisémitisme » ? Quelles sont les forces politiques qui y trouvent un intérêt au point de la favoriser et de lui trouver des justifications ? Où peut-on les situer dans le champ politique toujours structuré, tant bien que mal, par le clivage droite-gauche, instabilisé depuis quelques années par la relative « normalisation » de l’extrême droite (Rassemblement national) et la radicalisation de l’extrême gauche (La France insoumise) ?
Les Juifs dans l’ère de leur vulnérabilité
Les Juifs semblent désormais n’être plus protégés par la mémoire de Shoah. De nouvelles justifications des accusations contre les Juifs s’ajoutent aux anciennes. Les constats et l’expression des inquiétudes se suivent et se ressemblent, s’accompagnant d’indignation et de colère. Mais on ne s’interroge guère sur les conditions d’émergence de ce déferlement de la haine antijuive, sur ses multiples origines, ses différentes dimensions, ses fonctionnements variables, ses effets dans la vie politique et culturelle des nations démocratiques. Quoi qu’il en soit, à en juger par les attitudes face aux Juifs dans l’état présent du monde, nous sommes passés du « temps du mépris » à l’âge de la haine.
Simultanément, ce qu’il faut bien appeler la « question antijuive », sous diverses formes et reformulations, a fait irruption dans les débats politiques et médiatiques ainsi que sur les réseaux sociaux. Les Juifs, qu’ils soient désignés comme tels ou non (« sionistes », « Israéliens », etc.), sont redevenus un « problème ». À cet égard, il importe de rappeler l’hypothèse selon laquelle l’émergence de la « question juive » date de la fin du XVIIIe siècle et constitue une réaction négative au mouvement d’émancipation des Juifs. Une réaction négative paradoxale puisqu’elle paraissait prendre à la lettre le credo des Lumières selon lequel tout devait être accordé aux Juifs « en tant qu’individus » et rien « en tant que nation ». C’était là faire le pari de l’assimilation sans réserve des Juifs, celui de leur totale intégration dans le corps de la nation républicaine, où le civisme implique de transcender les particularismes liés aux origines. Ce qui en a été finalement retenu, c’est qu’il fallait à tout prix ne pas reconnaître les Juifs comme formant un peuple aspirant à devenir une nation. Les Juifs étant fantasmés comme des êtres parasitaires, ils étaient voués à être traités en tant que tels, en « intrus » dangereux, sauf à accepter de rejeter leur identité collective et les liens de solidarité qu’elle implique. Un « État juif » ne pouvait être qu’un « État dans l’État », et donc une menace pour l’État-nation « envahi » par les Juifs.
Un pas de plus, et tous les Juifs étaient jugés inassimilables, donc indésirables quoi qu’ils puissent penser et faire. D’où un désir d’épuration du corps social, impliquant de les exclure, de les chasser, voire de les exterminer. Les nationalistes ont repris l’argument contre les Juifs, traités comme d’irrémédiables et dangereux étrangers-ennemis, en le fusionnant avec les vieilles accusations transmises par l’antijudaïsme chrétien (insociabilité et « haine du genre humain », cruauté, etc.), tandis que les socialistes et/ou les communistes appelaient les Juifs à se déjudaïser pour devenir enfin des membres à part entière du genre humain. Mais nombre de militants et d’idéologues révolutionnaires étaient convaincus de l’inassimilabilité radicale des Juifs, auxquels ils attribuaient une impérieuse propension à la domination du monde et un goût immodéré pour l’argent, dont témoignerait leur rôle majeur dans le capitalisme et la « haute finance ».
Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la figure négative du « Juif » ayant pris le visage du « sioniste », l’antisionisme est devenu une forme respectable d’antisémitisme, partagée par les droites et les gauches extrêmes ainsi que par la plupart des musulmans ayant épousé inconditionnellement la « cause palestinienne », mais aussi par un nombre croissant de Juifs dits « de gauche » ou « progressistes », postulant que la création d’Israël avait été une « faute », voire un « crime ». L’accusation criminalisante a été formulée d’une façon naïvement polémico-religieuse par certains propagandistes antisionistes faisant référence au « péché originel d’Israël » qui aurait été commis en 1948, au moment de la naissance de l’État juif : « l’expulsion des Palestiniens », dite « Nakba » (« catastrophe » en arabe) par les nationalistes palestiniens, pour qui ladite « Nakba » est toujours en cours. L’accusation de « nettoyage ethnique » de la Palestine en constitue une courante retraduction. Les intellectuels d’extrême gauche ralliés au postcolonialisme et au décolonialisme ont intégré au discours antisioniste l’accusation de « racisme colonial » ou de « colonialisme raciste », déjà présente dans les textes de propagande de l’OLP et de l’Union soviétique au cours des années 1960 et 1970, ainsi que celle d’« islamophobie », afin de disqualifier les réactions négatives suscitées par l’islamisation croissante de la « cause palestinienne », illustrée par des groupes comme le Hamas ou le Jihad islamique.
Il faut souligner le fait que l’imaginaire communiste survit dans les multiples groupes composant la nouvelle extrême gauche ou la gauche gauchiste défilant sous le drapeau de l’antisionisme. Le militant d’extrême gauche, toujours en quête de substituts de son cher « prolétariat » disparu, justifie son islamophilie, qui vire à l’islamismophilie, par sa conviction idéologique que l’islam est « la religion des faibles », donc des dominés, des exclus, des exploités. Dans cette configuration idéologique, le type du « Palestinien musulman » incarne la victime maximale. Corrélativement, le type du « Juif sioniste » incarne l’ennemi principal, caractérisé par un ensemble d’accusations criminalisantes empruntées à la langue politique occidentale : « nettoyage ethnique », « apartheid », « génocide ».
L’antisionisme fonctionne désormais comme une religion politique, avec ses dogmes, ses rituels et ses objectifs, proches ou lointains. C’est ainsi que la « question juive », un siècle et demi après son invention, a été reconfigurée autour du rejet du sionisme et de l’État d’Israël. Le visage répulsif du Juif est désormais celui du « sioniste », incarnation du Mal. Dans l’idéologisation de ce rejet, on rencontre divers processus qui souvent s’additionnent ou se croisent : diabolisation, pathologisation, criminalisation. Naguère, « le Juif » était jugé étranger au genre humain, et objet de mépris plus que de haine. Aujourd’hui, « le sioniste » reste perçu comme un étranger, mais qui, ayant pris la figure d’un ennemi redoutable, est plus objet de peur et de haine que de mépris.
Nazification des « sionistes » et d’Israël
Le principal effet de ce traitement négatif des Juifs-sionistes a été la nazification d’Israël, qui, après le méga-pogrom du 7 octobre 2023 et la riposte militaire de l’État juif contre le Hamas à Gaza, s’est exprimée par une accusation rapidement sloganisée : Israël serait en train de « perpétrer un génocide des Palestiniens à Gaza ». Accuser un État de mettre en œuvre un génocide, c’est l’accuser d’être raciste, et plus précisément de racisme à visée exterminatrice, ce qui autorise à l’assimiler au nazisme. Le « racisme colonial », racisme d’exploitation attribué aux sionistes, est ainsi transformé en racisme d’extermination. Le 27 janvier 2025, le jour de la commémoration mondiale de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, l’eurodéputée de La France insoumise Rima Hassan a posté sur les réseaux sociaux une affiche du journal suisse Le Courrier barrée du titre : « D’Auschwitz à Gaza, plus jamais ça ! », assortie de la mention se voulant ironique : « bonne journée ».
Certains ennemis radicaux d’Israël, situés à l’extrême gauche, tout en continuant d’accuser l’État juif de « nettoyage ethnique en Palestine », ont lancé une nouvelle accusation hyperbolique sur le thème « Gaza pire qu’Auschwitz ». Lors d’un colloque gauchiste d’orientation « décoloniale » organisé à Paris, les 25 et 26 janvier 2025, par deux associations juives antisionistes – fondées par des communistes néo-staliniens et des trotskistes – sur le thème « 80 ans après la libération d’Auschwitz, penser le fait génocidaire – Histoire, Mémoire, Actualité », l’historien trotskiste Enzo Traverso n’a pas manqué de réjouir le public militant présent en lui garantissant qu’« il y a un lien organique évident entre Gaza et Auschwitz », tandis que le militant antisioniste Rony Brauman, plus radical encore, a osé déclarer : « La mémoire d’Auschwitz apparaît comme une espèce de crachat à la figure des Palestiniens. […] C’est tout de même relativement mérité. […] Gaza va supplanter Auschwitz dans ce qui relève de la métaphore de la cruauté absolue. » Sur l’échelle hiérarchique des actes de cruauté génocidaire, l’État juif est ainsi placé au-dessus de l’État nazi. De l’accusation d’« apartheid », qui permettait l’assimilation polémique d’Israël à l’Afrique du Sud d’avant 1991, à l’accusation de « génocide », voire de « super-génocide », la diabolisation d’Israël a fait un grand bond en avant, preuve qu’il y a des degrés dans le processus de diabolisation. La nouvelle propagande antijuive a intégré le cliché accusatoire selon lequel le prétendu « palestinocide israélien » serait pire que le « judéocide nazi ».
L’endoctrinement antisioniste est désormais centré sur cette accusation impliquant une inversion victimaire sur un double registre : d’une part, le Hamas agresseur est présenté comme agressé, et les islamo-terroristes comme des « résistants » ; d’autre part, les Juifs, victimes du plus grand génocide de l’histoire, et les Israéliens menacés en permanence d’attaques meurtrières par leurs voisins, sont dénoncés comme des criminels commettant le génocide des Palestiniens dont ils auraient « volé les terres », exprimant ainsi leur « impérialisme » et leur « colonialisme ». Les accusateurs du sionisme et d’Israël se présentent donc comme des anticolonialistes, des antiracistes et des antifascistes, voire, d’une façon croissante, comme des antinazis, dans un contexte où Benyamin Netanyahou, comme Ariel Sharon l’avait été avant lui, est nazifié.
Dans les premières variantes de l’antisémitisme moderne, l’hostilité à l’égard des Juifs allait de pair avec la défense de l’Occident supposé menacé par les Juifs, un Occident défini comme civilisation ou culture (dite en général chrétienne), sur la base de traits ethno-raciaux (le principal étant la couleur blanche de la peau des Occidentaux). Le vieil antisémitisme des Modernes était pro-occidental, occidentaliste ou hespérophile. Aujourd’hui, les passions antijuives sont indissociables des passions anti-occidentales. La haine des Juifs ou des « sionistes » fait couple, avec la haine des Occidentaux et de leur civilisation. Judéophobie rime désormais avec hespérophobie. La traduction géopolitique la plus significative de ce jumelage idéologique et passionnel est l’apparition de ce qu’on appelle le « Sud global » en lutte contre les démocraties occidentales et contre Israël, ou encore la mise en place de l’« Axe de la résistance » pro-iranien avec ses alliés plus ou moins déclarés (Russie, Chine, Corée du Nord, etc.) et ses « proxys » (Hamas, Hezbollah, Houthis, etc.).
Le Rassemblement national dédiabolisé
Concernant le Rassemblement national, les deux principaux critères de sa dédiabolisation réussie sont les suivants : en premier lieu, être identifié et reconnu publiquement comme un « parti républicain » refusant le recours à la violence et respectant les institutions républicaines ; en second lieu, être lavé du soupçon d’être un parti antisémite. La dédiabolisation du parti doit se traduire par sa désextrémisation reconnue par des autorités intellectuelles et politiques légitimes extérieures à son champ d’influence. Prenons deux exemples d’interventions allant dans ce sens, celles de Serge Klarsfeld et de Nicolas Sarkozy, à la suite des élections européennes du 9 juin 2024.
Contrairement à LFI et au président Macron, le RN, représenté notamment par Marine Le Pen et Jordan Bardella, a participé à la « grande marche civique » dont le mot d’ordre était « Pour la République, contre l’antisémitisme », organisée à Paris et dans d’autres villes de France le 12 novembre 2023. Alors qu’il avait longtemps combattu le FN, Serge Klarsfeld en a aussitôt conclu que le RN était « devenu un parti fréquentable ». Le 15 juin 2024, interrogé par Darius Rochebin sur LCI, l’historien et avocat, reconnaissant que « le RN a fait sa mue », a déclaré qu’il voterait « sans hésitation » aux élections législatives pour le RN en cas de duel avec LFI désormais intégrée au carnavalesque Nouveau Front populaire dont elle constitue le noyau dur. Il s’en est ainsi expliqué : « Aujourd’hui, le RN soutient les Juifs, soutient l’État d’Israël et il est tout à fait normal, vu l’activité que j’ai eue ces 60 dernières années, qu’entre un parti antisémite et un parti pro-Juifs, je vote pour un parti pro-Juifs », car « l’axe de ma vie, c’est la défense de la mémoire juive, la défense des Juifs persécutés et la défense d’Israël ». Or, ajoute-t-il, « je suis confronté à une extrême gauche qui est sous l’emprise de la France insoumise avec des relents antisémites et un violent antisionisme ». Pour lui, le RN s’inscrit dans un mouvement d’ensemble affectant les partis dit d’extrême droite en Europe occidentale et centrale, qui « ont renié l’antisémitisme et soutiennent les Juifs ». Fin mai 2024, il avait affirmé à l’AFP que le RN était « progressivement entré dans le cercle des partis républicains ». À la mi-juin 2024, il précise qu’à ses yeux, le RN est un « adversaire politique » alors que LFI est un « ennemi politique ».
Quant à Nicolas Sarkozy, dans un entretien publié le 16 juin 2024 par Le Journal du Dimanche, il a reconnu qu’on ne pouvait pas traiter le RN comme s’il était resté une copie fidèle du FN des années 1970 et 1980 :
« Le Rassemblement national a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s’il n’avait pas changé, comme s’il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen du “détail”, serait une erreur grossière. Il est impossible d’atteindre une cible en visant à côté ! (…) Réduire le Rassemblement national à l’extrême droit classique est un raccourci et une facilité. C’est un procès en sorcellerie qui revient à insulter des millions de Français qui votent pour eux sans être “fascistes”. (…) La réponse au Rassemblement national n’est pas dans sa diabolisation. »
L’ancien président de la République évoque LFI d’une tout autre manière, ne cachant pas son inquiétude devant les orientations mélenchoniennes : « LFI, par son communautarisme, ses propos aux limites de l’antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique au regard des règles républicaines que le risque fantasmé de “peste brune”. » Et de pointer le goût de la violence révolutionnaire qu’on rencontre dans les rangs de LFI : « Les mots repris par La France insoumise sont ceux qu’on entendait au temps de la Commune ou de la Terreur. »
Il faut souligner que les positions prises par Serge Klarsfeld vont dans le sens de l’opinion ultra-majoritaire chez les Français de confession juive, 92% d’entre eux considérant, selon une enquête de l’Ifop publiée le 6 juin 2024, que LFI contribue à faire monter l’antisémitisme. Ils sont 60 % à penser que le parti écologiste EE-LV est aussi responsable de cette montée, alors que le RN n’arrive qu’en troisième position, avec 49%. Outre les déclarations anti-israéliennes enflammées des dirigeants de LFI, sa captation clientéliste du vote communautaire musulman (au premier tour de la présidentielle de 2022, Mélenchon avait obtenu 69% des voix des électeurs musulmans) et sa promotion politico-médiatique de l’activiste franco-palestinienne Rima Hassan ont joué un rôle important dans la peur suscitée par le parti mélenchonien. Les Juifs de France n’ont pas oublié le message posté le 26 mai 2024 sur X par Rima Hassan : « Israël est une monstruosité sans nom. »
La réaction de Manuel Bompard, coordinateur de LFI, aux positions prises par Serge Klarsfeld a consisté à jouer la carte de l’indignation face à une prétendue entreprise de « diffamation » dont son parti aurait été la victime pendant la campagne des élections européennes : « Notre combat contre l’antisémitisme, contre le racisme, contre l’islamophobie est au cœur de nos engagements. » Mais ce qui fait problème, c’est précisément cette manière routinisée d’effacer la spécificité de la haine antijuive en la mettant sur le même plan que « le racisme » (lequel ?) et « l’islamophobie » (qui, prenant la place traditionnelle occupée par la xénophobie, reste à définir). À la suite de son refus de participer à la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023, l’apparatchik mélenchonien s’était justifié en reprenant l’accusation nazifiante standard consistant à évoquer le passé de certains co-fondateurs du FN en 1972 : « Lutter contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de racisme est impraticable aux côtés d’un parti qui trouve ses origines dans l’histoire de la collaboration avec le nazisme. » Mais il avait aussi, jouant à l’ironiste, dénoncé une « manif de “l’arc républicain” du RN à la macronie de Braun-Pivet », accusant ses participants d’être des soutiens du « génocide » en cours à Gaza : « Les amis du soutien inconditionnel au massacre [des Palestiniens] ont leur rendez-vous. » Ces déclarations ont eu au moins le mérite de clarifier les positions de LFI sur la guerre opposant Israël, criminalisé comme « État raciste », et le Hamas, célébré en tant que « mouvement de résistance ».
La secte islamo-gauchiste qu’est LFI a basculé dans l’antisionisme radical et la défense de l’islamo-palestinisme. On comprend dès lors la position prise par Alain Finkielkraut dans son interview publiée le 11 juin 2024 par Le Point : « Jamais je n’aurais imaginé voter en faveur du Rassemblement national pour faire barrage à l’antisémitisme. » Dans les milieux de gauche qui refusent les dérives mélenchoniennes portant notamment sur la guerre entre Israël et le Hamas, le mot d’ordre « faire barrage à l’islamo-gauchisme » tend à s’imposer, faisant apparaître l’appel à « faire barrage à l’extrême droite » comme une vaine tentative de rejouer la carte du vieil antifascisme. Les manifestations « antifascistes » constituent des rituels magiques sans autres effets que de susciter des violences ponctuelles, de produire du désordre local et de provoquer de furtives réactions de peur envers les « antifas », dont les clowneries engagées, par leur esprit de sérieux, font surtout rire.
Qui incarne aujourd’hui la « bête immonde » ?
La « bête immonde », reconnaissable à sa haine des Juifs travestie en « antisionisme », est de retour. Mais elle a fait un nouveau détour, par une gauche « antifasciste » aussi conformiste que dévoyée, regroupée autour du démagogue autoritaire Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier et ses semblables nous ont habitué à la perversion du sens des mots et au retournement des idéaux. Ils appellent « résistants » les pogromistes du Hamas, célébrant ainsi des jihadistes fanatiques et criminels comme des libérateurs allant dans le sens de l’Histoire. Ils vont jusqu’à oser affirmer, avec le député LFI Aymeric Caron, animateur médiatique et écolo-animaliste militant, que ceux qui soutiennent Israël n’appartiennent pas à « la même espèce humaine » que les propalestiniens islamo-gauchistes dont il est l’un des représentants les plus caricaturaux.
Cet énergumène inventé par les médias (lancé par l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché ») a précisé son message sur X le 2 juin 2024 : « Celles et ceux qui n’appartiennent pas à la même humanité sont celles et ceux qui ont oublié l’empathie minimale qui fait l’honneur de notre espèce morale, et qui soutiennent depuis plus de 7 mois la barbarie qui tolère les tortures et les assassinats d’enfants. » Ici encore, il faut décrypter le message, en ce qu’il puise dans l’un des plus vieux mythes d’accusation contre les Juifs. Si les Israéliens sont bien les descendants des Juifs cruels et sanguinaires qui, selon cette mythologie antijuive, pratiquaient des meurtres rituels, en choisissant de préférence des enfants chrétiens, remplacés aujourd’hui par des enfants palestiniens musulmans, ils sont totalement étrangers au genre humain, tout comme leurs complices ou leurs comparses dans le monde, qui ferment les yeux sur le « génocide des Palestiniens » en cours de réalisation. Le député Caron avait résumé sa pensée sur la question en affirmant à l’Assemblée nationale, le 4 juin 2024, que « Gaza est aujourd’hui un ghetto où l’armée israélienne extermine un peuple que la France a abandonné ».
C’est pourquoi le mot d’ordre « tout sauf LFI » – et donc « tout sauf le NFP » – pourrait devenir celui d’une majorité de citoyens français décidés à empêcher ce nouveau parti de la haine d’accéder au pouvoir. On peut bien sûr objecter, conformément au poncif, que cela « ferait le jeu du RN », un parti dont le programme n’est pas moins démagogique ; et aussi qu’il est pour le moins risqué d’attendre du RN qu’il protège les Juifs de France. Seul l’avenir pourrait en apporter la preuve. C’est pourquoi il me semble que la position la plus sage se définit par la conjonction négative « ni RN ni LFI (c’est-à-dire ni NFP) ». Ce serait commencer à sortir du monde politique manichéen dans lequel nous sommes aujourd’hui emprisonnés. Il est sûr cependant qu’une telle position ne peut qu’exaspérer les amateurs de « radicalité », nombreux dans les deux principaux camps rivaux et ennemis. Mais comment ne pas renvoyer dos-à-dos les admirateurs de Poutine et les adorateurs du Hamas ? Certaines figures de l’intelligentsia, en France, tels Serge Klarsfeld ou Alain Finkielkraut, ont cependant refusé de mettre en équivalence le RN et LFI, en précisant qu’au cas où ils seraient contraints de choisir entre ces deux partis lors d’une élection, ils voteraient RN, pour « faire barrage à l’antisémitisme » désormais porté par LFI. Ils ne peuvent qu’être suivis sur ce point par de nombreux Juifs de France, légitimement inquiets devant l’explosion des actes antijuifs depuis le 7 octobre 2023 – insultes, menaces, agressions physiques, viol compris.
© Pierre-André Taguieff
Source: Article paru dans la revue Front populaire, n° 20, mars-avril-mai 2025, pp. 80-88.
https://frontpopulaire.fr/articles/le-choc-de-

Pierre-André Taguieff , directeur de recherche au CNRS (désormais à la retraite), est philosophe, politiste et historien des idées. Il est l’auteur de plus d’une cinquantaine d’ouvrages. Derniers livres parus : Le Nouvel Opium des progressistes. Antisionisme radical et islamo-palestinisme (Paris, Gallimard, coll. « Tracts », 2023) ; Les Protocoles des Sages de Sion des origines à nos jours (entretien avec Roman Bornstein, Paris, Hermann, 2024) ; L’Antisémitisme (3e éd. mise à jour, Paris, Que sais-je ?, PUF / Humensis, 2025) ; L’Invention de l’islamo-palestinisme. Jihad mondial contre les Juifs et diabolisation d’Israël (Paris, Odile Jacob, 2025).
Les » juifs de France » ont un pays .

C’est un constat catastrophique de notre situation que nous décrit Mr Taguieff. Il faut réfléchir aussi au fait de notre « triste sort » entretenu et bien propagé dans les esprits que le Juif est en danger permanent, que des partis politiques des personnes soucieuses de notre bien-être tremblent pour nous à tel point que nous en sommes terrorisés au point que nous pourrions en arriver à ne plus sortir de chez nous ,ici en France. Evidemment nous ne pouvons nier les actes antisémites qui perdurent depuis des siécles, la compassion que nous inspirâmes aprés la choa n’a duré qu’un temps ,celle du 7 octobre pareillement.Néanmoins nous arrivons à vivre ,nos familles savent très bien comment se comporter pour ne pas alimenter la haine, mais nous vivons, pour ceux qui sont religieux comme nous le faisons depuis toujours, avec courage . Il y a des villes en France ou la situation est extrèmement difficile voire invivable et beaucoup de nos compatriotes juifs font leur alya ; toujours est-il qu’il est hors de question que nous vivions cachés comme pendant la dernière guerre. Nous n’en sommes pas encore là.
Daniela,il existe des gens, peu nombreux certes, qui soutiennent et continueront de soutenir le peuple juif.Mon mari et moi en faisons partie.puissent ces mots vous apporter du réconfort et vous aider à vous sentir moins seule. Hélène.
Merci Hélène pour votre gentillesse,mais je ne suis pas seule, nous,les Juifs du monde avons appris à nous soucier les uns des autres, à apporter notre aide aux démunis,nous sommes soudés, responsables les uns des autres et pour les religieux, comme beaucoup de membres de ma famille,nous avons la lumière,le réconfort du Maître de l’Univers,notre D.ieu .nous lui adressons nos prières pour le retour de tous les otages la victoire d’Israel contre les forces du mal. C’est celà que nous voulons le plus au monde.