Libéré, Eli Sharabi, affamé, voulait du Jah’noun גיחנון ! Par Daniel Sarfati

Eli Sharabi, un ex-otage, a perdu plus de 25 kgs pendant sa détention dans les geôles du Hamas. 

Il raconte qu’il était régulièrement battu et ne recevait qu’une demi-pita par jour, pour toute nourriture. 

Lorsqu’on lui a demandé, après sa libération, ce qu’il rêverait manger plus que tout, il a répondu : 

« Je veux du Jah’noun גיחנון ! »

Le Jah’noun est un plat typiquement yéménite, qui se mange le samedi matin. 

C’est une sorte de pâtisserie salée qui se déguste en apéro ou en dessert, après l’office du Shabbat. 

La pâte, très fine, à base de farine complète se prépare 24 heures avant. 

C’est un peu gras, il y a beaucoup d’huile. 

C’est servi avec un œuf dur, et on peut tremper le rouleau de Jah’noun dans des tomates concassées ou une décoction de piments. 

En dessert, le Jah’noun se mange avec de la halva. 

C’est délicieux. 

Plus précisément, le Jah’noun est une spécialité des juifs d’Aden. 

Ne dites pas à un juif d’Aden qu’il est yéménite, il le prendrait mal. 

La synagogue de la communauté juive d’Aden, rue Lilienblum à Tel Aviv, abrite un musée qui retrace leur histoire. 

On y est accueilli chaleureusement et très vite un membre de la communauté se propose pour vous guider. 

Ce jour là, j’étais chanceux, je n’avais pas eu droit à un guide retraité. 

« Nous ne sommes pas d’origine yéménite car Aden était sous protectorat britannique et nous en avons reçu la nationalité », m’avait dit fièrement une jeune fille très brune, au teint mat, et aux longues jambes. 

« Et puis notre communauté était très diverse.

Beaucoup venaient d’Inde et d’Iran, d’autres du Yémen, bien sûr. Certains étaient même séfarades ! Après l’expulsion des juifs d’Espagne, certains seraient allés à Aden. »

Cette jeune fille parlait un hébreu magnifique, guttural avec un ע qui fait vibrer la glotte. 

On dit que l’accent yéménite est celui qui se rapproche le plus de l’hébreu biblique, l’hébreu des origines. 

J’aurai tellement aimé qu’elle perfectionne mon hébreu teinté d’accent parigot. 

En 1947 après le vote de l’ONU sur le plan de partage de la Palestine, un pogrom a fait 82 morts parmi les juifs d’Aden. La plupart ont émigré en Israël.

Parmi eux, la famille d’Eli Sharabi. 

Pendant la cérémonie des César, l’ovation qui a été faite à Jonathan Glazer, par un public de bonnes consciences morales et subventionnées, quand il a évoqué « le nettoyage ethnique » à Gaza, m’a laissé un goût amer, bien loin de celui du Jah’noun. 

Je commence a avoir de sérieux doutes sur ce réalisateur, sur sa compréhension de ce qu’a été la Shoah. Son film sur Auschwitz m’apparaît soudain vide de sens. 

Jonathan Glazer est au cinéma ce que Rony Brauman est à la médecine. 

Cette jeune fille yéménite m’avait invité dans sa famille, manger du Jah’noun. 

J’avais succombé définitivement à son charme. 

Je m’étais dit, un peu comme Michel Blanc, que « peut-être… sur un malentendu… »

Elle m’avait vite précisé qu’en hébreu, il y avait deux façons de dire un ami. 

Haver חבר, un ami cher, un petit ami. 

Yedid ידיד, un simple ami, une connaissance. 

Pour elle, j’étais plutôt un Yedid. 

J’ai voulu lui traduire le mot « râteau » en hébreu. Elle n’a pas compris.

© Daniel Sarfati

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