La conclusion principale est que les commandants n’ont pas déployé suffisamment de forces malgré les alertes

Flash 90
Seize mois après le massacre du 7 octobre, l’armée israélienne a dévoilé jeudi les principales conclusions de ses enquêtes militaires. Au cœur de ces révélations : ce qui s’est passé durant cette nuit fatidique, veille de la fête de Simchat Torah, la dernière nuit avant que la réalité ne bascule.
Les rapports de renseignement produits la veille indiquaient sans ambiguïté : « La branche militaire du Hamas est en routine ». Lorsque plusieurs cartes SIM ont été activées à Gaza les jours précédents, cela n’a pas éveillé les soupçons des services de renseignement, qui n’ont pas considéré cela comme une alerte. Même le vendredi, le rapport mentionnait : « Le Hamas maintient sa routine : réunions, cours et entraînements ».
Ce vendredi soir, veille de Simchat Torah, de nombreux commandants avaient quitté leurs postes pour rentrer chez eux et célébrer les fêtes — les effectifs dans la division étaient minimaux. Mais de l’autre côté de la barrière, les préparatifs battaient leur plein.
Selon les preuves découvertes par Tsahal à Gaza, jusqu’à 16h ce jour-là, le plan du massacre n’avait été partagé qu’avec dix personnes : le conseil exécutif et les commandants de brigade. Plus tard, 42 responsables supplémentaires ont été informés. À 19h, 250 terroristes connaissaient les détails du plan. Le Hamas avait compris : avec l’entrée des fêtes, Israël ne se précipiterait pas pour mobiliser ses forces.
Minute par minute : comment le système de défense a interprété les alertes
Vendredi, 21h00 : Les officiers de renseignement du Commandement Sud sont informés par le Shin Bet de l’activation de plusieurs dizaines de cartes SIM dans certaines zones de Gaza. Ils en informent immédiatement le commandant du Commandement Sud, le général Yaron Finkelman. Après consultation avec ses homologues du Shin Bet, la conclusion est : « Rien d’anormal — cela s’est déjà produit plusieurs fois auparavant ».
Vendredi, 23h30 : Des indications d’activité inhabituelle des terroristes à Gaza sont reçues. L’information est transmise aux agents de renseignement du commandement et de la division. Mais les vérifications concluent : ils sont en routine. Cette fois, ils décident également de vérifier la branche militaire du Hamas. Pour tous, c’est « routine ». Rétrospectivement, ce sera un détail glaçant, mais ils se sont surtout concentrés sur les unités antichars qui pourraient se déployer le long des routes, et sur la force Nukhba. Aucune activité inhabituelle n’a été détectée chez eux non plus.
Minuit, nuit du 6 au 7 octobre : Une nouvelle information est reçue — un autre terroriste du Hamas se comporte de manière suspecte. L’officier de renseignement du Commandement appelle le commandant pour le mettre à jour. C’est la première fois qu’ils évoquent la possibilité que le Hamas planifie quelque chose de surprenant, localisé, non étendu. Parallèlement, il mentionne également la possibilité d’une action préventive israélienne ou d’un exercice du Hamas. L’évaluation de la situation est fixée à 10h00 le lendemain matin. Finkelman ordonne : « Si des renseignements sont reçus — convoquer immédiatement une évaluation ».
Samedi, 02h30 : D’autres cartes SIM sont activées, plusieurs terroristes continuent de se comporter de manière suspecte. Les informations sont écartées l’une après l’autre. Mais à 02h30 arrive la quatrième alerte : des « mouvements étranges » sont identifiés dans l’arsenal de roquettes du Hamas. Ici aussi, l’évaluation reste focalisée — pas d’événement significatif. Des mois plus tard, Tsahal révélera des images de Sinwar descendant dans les tunnels avec sa femme et ses affaires. Au Commandement Sud et à la Division Gaza, on procède à des vérifications approfondies du système d’armement du Hamas, qui concluent que celui-ci est en routine. À ce moment, le commandant du Commandement Sud décide de tenir une évaluation à 03h00.
Les dernières heures avant la catastrophe
Samedi, 03h00 : Trois heures et demie avant le massacre, le chef de la Direction des opérations est informé pour la première fois. Le général Oded Basiuk ordonne d’augmenter les moyens de collecte et de frappe à Gaza, mais rétrospectivement, rien ne s’est produit. L’essentiel des signes est transmis au quartier général opérationnel de l’armée de l’air.
Samedi, 03h10 : L’information parvient pour la première fois au chef de la recherche et au commandant de l’unité 8200. Le chef du renseignement militaire, le général Aharon Haliva, se réveille et après un briefing, conclut : « Mettez-moi à jour s’il y a des développements inhabituels ». Parallèlement, une évaluation se tient avec les responsables du renseignement militaire et du Shin Bet au Commandement Sud. L’officier de renseignement présente l’image du renseignement et déclare : « Il y a quelques anomalies, mais l’événement ne ressemble pas à une alerte à court terme ». Tous les organismes de renseignement, y compris le Shin Bet, sont d’accord avec cette évaluation.
Les options envisagées sont :
– Un exercice du Hamas
– Une préparation face à une possible initiative israélienne
– Des préparatifs pour une action du Hamas, l’accent reste mis sur un raid localisé
Personne ne pense qu’une guerre éclatera dans trois heures.
Samedi, vers 04h00 : Presque tous les responsables sont au courant de l’événement étrange qui se déroule à Gaza. Pas un seul, témoignera plus tard un officier supérieur qui a enquêté sur cette nuit de combat, n’a pensé que ces informations conduiraient à une guerre.
Samedi, 04h30 : Le Shin Bet est convaincu qu’il y a une probabilité d’infiltration et mobilise une force « Tequila » à la frontière. Le chef des opérations est informé mais décide de ne pas mobiliser de forces supplémentaires, estimant que ce qui a été mobilisé est suffisant. Sept d’entre eux seront tués dans des combats face à face avec les terroristes.
Samedi, proche de 05h00 : Le chef de la recherche s’entretient avec le chef des opérations et ne lui fait pratiquement aucune mise à jour : « Rien de nouveau dans les détails », dit-il, « cela ne semble pas urgent ».
Les deux heures suivantes seront consacrées au quartier général, au Commandement Sud et dans les bases de renseignement à collecter des données et produire du renseignement, presque comme à l’accoutumée. Dans l’une des bases de la Direction du renseignement, l’équipe du petit matin a même été réduite.
Samedi, 7 octobre, 06h29 : Début de l’attaque terroriste au cours de laquelle 1 163 personnes ont été assassinées, dont des femmes, des personnes âgées et des nourrissons. 251 personnes ont été enlevées à Gaza. Israël entre dans le conflit le plus difficile et le plus long de son histoire.
Les principales conclusions de l’enquête
Erreur d’évaluation fondamentale : Les services de renseignement israéliens étaient convaincus que le Hamas était dissuadé et cherchait uniquement un arrangement diplomatique.
Interprétation erronée des signes : Durant la nuit, les activités suspectes ont été interprétées soit comme un simple exercice du Hamas, soit comme une mise en alerte face à une possible action israélienne. La possibilité d’une attaque imminente du Hamas n’a été considérée qu’avec une très faible probabilité. Les services de renseignement ont donc totalement échoué à donner l’alerte.
Sous-estimation de l’imminence de la menace : Tous les hauts responsables partageaient la conviction que le Hamas ne préparait pas une action immédiate. Cette certitude a conduit à ne pas réveiller certains officiers clés.
Absence d’analyse coordonnée : Aucune évaluation complète et structurée des renseignements n’a été réalisée tout au long de la nuit, malgré l’accumulation de signaux d’alerte.
Fragmentation des informations : Les renseignements étaient dispersés entre différentes entités sans être centralisés. Les commandants n’avaient pas connaissance de toutes les anomalies détectées – certains connaissaient les mouvements suspects dans le système aérien, d’autres les anomalies dans les unités antichars, mais personne n’avait une image complète de la situation.
Auto-limitation excessive : Les commandants se sont imposé de nombreuses restrictions dans l’utilisation de la force, bien qu’aucune directive ne les y obligeait, notamment par crainte de compromettre des sources de renseignement.
La conclusion finale et la plus importante de l’enquête sur la nuit du 7 octobre est sans équivoque : « Face au scénario le plus grave qui se dessinait, il aurait fallu déployer une force beaucoup plus significative. »
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