
Etat des lieux
Nous sommes confrontés à plusieurs défis qui s’interpénètrent et les rendent d’autant plus complexes et préoccupants. La guerre en Ukraine gronde à nos portes (il faut comprendre à la porte de nos voisins frontaliers avec Russie et Ukraine), les attentats terroristes sont devenus notre quotidien et se banalisent. Les meurtres à l’arme blanche (on finit par dire « au couteau ») ne se comptent plus. Les marches blanches qui les suivent non plus. Le narco-terrorisme se développe dans toutes nos villes, y compris celles réputées paisibles autrefois. Le passé est révolu. Nous sommes dans une nouvelle ère où des victimes innocentes ont la malchance de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Le vocabulaire voit se multiplier l’utilisation de mots qui se faisaient plus rares, jadis : OQTF, dissolution, motion de censure, sidération, remigration( !) nos valeurs républicaines (elles ont bon dos). Le double défi, c’est celui d’assumer notre démocratie et de tout changer pour continuer à la revendiquer. Il est, peut-être, encore temps de rappeler un certain nombre de points majeurs pour essayer d’y voir clair.
L’État de droit peut se définir comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. Dans l’état de droit, les organes de l’état ne peuvent agir que sur la base et dans les limites des règles qui s’imposent à eux tandis que le concept d’État de droit s’oppose à la notion de pouvoir arbitraire. Il désigne un État dans lequel la puissance publique est soumise aux règles de droits. Or à l’heure actuelle, la règle de droit est contestée et battue en brèche par ceux qui veulent imposer leur loi en remplacement, en tirant avantage des faiblesses inhérentes au système en place.
Selon Robert Badinter : « L’État de droit n’est pas l’État de faiblesse ». Le terrorisme d’aujourd’hui, où l’on tue « au nom de Dieu », sera le plus difficile à vaincre et de poursuivre, les démocraties ne doivent « jamais renoncer à leurs principes« , en excluant un modèle comme le Patriot Act américain, une « honte ». Sur France 2, il affirmait que « l’État de droit n’est pas l’État de faiblesse ».
« A quel niveau doit se situer la modification (de la constitution) à venir ? (…) Il faut maintenir les valeurs fondamentales de notre démocratie. Encore faudrait-il être clair sur ce qu’elles sont devenues – par « NOS » valeurs, que comprenons-nous ? L’hésitation n’est plus de mise. Alors que ce sont les états d’âme qui pèsent de plus en plus ! Ne pas hésiter devant les mesures nécessaires à prendre, à la condition qu’elles ne méconnaissent jamais ce qui est au cœur de notre société, c’est-à-dire les Droits de l’Homme« .
Soit, mais nous ne pouvons pas continuer à creuser notre propre tombe. Si nous sommes en guerre, Il faut une législation d’exception qui réponde à la situation. Il faut suspendre l’Espace Schengen qui fait de l’Europe une passoire et rend la France plus vulnérable que jamais. Il faut d’urgence mettre en place une politique migratoire stricte et appliquée en Europe, à défaut en France. Il faut enfin avoir une politique claire et réelle sur les clandestins, les demandeurs d’asile, même si humainement cela conduit à des décisions difficiles, même cruelles. On ne peut pas en permanence gesticuler, enchainer les déclarations superlatives, et détourner le regard des vrais problèmes.
Depuis des années nos gouvernements successifs ont accepté des situations conflictuelles et pas toujours cohérentes. On ne connaît que trop l’origine des mouvements salafistes, djihadistes et islamistes. Ils sont financés depuis des lustres par des pays arabo-musulmans en lien avec la France, autant de soutiens des mouvements qui nous attaquent. Le Hezbollah totalement interdit par certains pays de l’UE reste autorisé en France. Il était déjà manchot avant l’intervention israélienne. La branche « politique » oui, la branche militaire non. Ces pays représentent un chiffre d’affaires déterminant dans nos ventes d’armes ; certains, à travers des fonds souverains, investissent en France et bénéficient d’exemptions fiscales exceptionnelles, subventionnent des associations, financent des mosquées et des imams. Le temps des influenceurs est venu.
L’état dispose des moyens de clarifier la situation, On pourrait dejà commencer par reclasser la majorité, des centaines, voire même des milliers d’associations dites loi de 1901 en loi de 1905. Ensuite on devrait instaurer et appliquer le contrôle que cela suppose. Mais voilà, le Conseil d’Etat a aussi son mot à dire. En somme, contrairement à ce qui se fait en médecine, c’est-à-dire contre l’empoisonnement on fournit l’antidote, On parle de contre-pouvoir, Le Conseil d’état fournit les dérogations et d’autres moyens de nature à permettre des voies alternatives.
Pour éclairer notre compréhension :
Associations culturelles ou cultuelles pour contourner la loi de 1905 ?
Ce qui semblait n’être qu’une petite entorse à la loi de 1905 devient une bombe à retardement. Entre 2007 et 2008, le Conseil d’État a rendu 5 arrêts sur des pourvois enregistrés en contentieux qui interprètent la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’État.
Le Conseil d’État permet le contournement des interdits de la loi de 1905 sur le financement des cultes sur fonds public en acceptant la confusion entre usage cultuel et usage culturel des lieux de culte.
La création d’une organisation unique du culte musulman est un serpent de mer qui resurgit à chaque mandature.
En 1999, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur, indiquait son souhait de « parvenir à trouver les modalités pratiques de nos rapports [avec le culte musulman], ce qui suppose l’existence d’un interlocuteur légitime, ou du moins considéré comme tel par le plus grand nombre.
De compromis en dérogations puis en compromissions, on en arrive à la résignation. A force de rejeter le rôle de l’état sur l’organisation des cultes, nous en sommes toujours à la même situation. On rappelle au passage que le ministre de l’Intérieur est aussi le ministre des Cultes.
L’historique
À la suite des législatives de mars 1993, le nouveau ministre de l’intérieur Charles Pasqua souhaitait donner un « visage » à l’Islam de France.
Plusieurs décisions témoignent de cette nouvelle orientation : en 1993, mettant fin au système des habilitations administratives délivrées par les préfectures pour désigner les personnes habilitées à tuer les animaux selon l’abattage rituel musulman, le ministère de l’Intérieur déléguait cette compétence à la seule Grande Mosquée de Paris. Sur le modèle du Consistoire central du culte israélite, il tentait ainsi d’accorder un monopole à cette institution afin de fonder sa légitimité.
Créé en 1993, le Conseil représentatif des musulmans de France, qui a adopté en décembre 1994 une « Charte du culte musulman » en 37 articles, voit ainsi placer à sa tête le recteur de la Grande Mosquée.
Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur à partir de 1997, initiait une nouvelle procédure.
D’une part, l’État admettait la diversité de la « communauté musulmane » en incluant notamment l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) qui acceptait de participer afin d’éviter de rester en marge du processus. Elle changea de nom en 2017, devient « Musulmans de France ».
D’autre part, l’État écartait l’idée d’un organe à coloration administrative. Un texte est accepté mais au prix d’un compromis. La mention du droit de changer de religion est notamment retirée à la demande de l’UOIF. La laïcité souffrait déjà.
Le respect
Malgré sa politique étrangère traditionnelle avec le monde arabo-musulman, la France découvre brutalement qu’elle n’est pas respectée, Ses rapports (autrefois on parlait de « relations ») avec l’Algérie en témoignent.
Quel choc, certains de « nos amis » des pays arabo-musulmans et d’autres au Maghreb et ailleurs, se permettent des déclarations qui sont autant d’ingérences insupportables. Mais qui donc parle encore d’ingérence ? Pas JF Kennedy à Berlin : « Ich bin ein Berliner », pas le général de Gaulle au Quebec, « Vive le Quebec libre » ! B. Kouchner désigné père du « devoir d’ingérence »?
L’heure des choix est arrivée. Selon une formule attribuée au juge anti-terroriste Marc Trevedic: « On ne peut lutter contre les nazis et inviter Hitler à dîner ».
S’il est vrai que gouverner c’est prévoir, c’est aussi choisir même dans la douleur: rappelons-nous l’adresse de W. Churchill à N. Chamberlain de retour de Münich: « Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur, vous aurez la guerre et le déshonneur ». Après le drame de « Charlie », rappelons-nous aussi la déclaration du président de la république: « Je comprends qu’on puisse être choqué par des caricatures, mais je n’accepterai jamais qu’on puisse justifier la violence. Nos libertés, nos droits, je considère que c’est notre vocation de les protéger ».
Nous qui sommes si prompts à adopter le principe de précautions, il est grand temps d’appliquer le principe de réalités. Mais voilà, sommes-nous encore capables de discerner la réalité ?
Quand une organisation terroriste, le 7 octobre, enlève femmes, enfants et vieillards, viole, assassine, brûle et fait défiler ses otages encore vivants sur une estrade, quand les mêmes ont assassiné « à mains nues » des enfants de 4 ans et de 8 mois, (un triste euphémisme que permet la langue française !) sans soulever d’autres protestations que de principe.
Quand certains représentants politiques et médias nous expliquent qu’au Hamas, ce ne sont pas des terroristes mais des « résistants », sommes-nous devenus le pays de la violence ordinaire où on assassine au couteau, où on tire sur nos policiers ? La banalisation de la violence est telle que parfois nous nous demandons: Qui sommes-nous et Où sommes-nous ?
Ainsi va le monde.
© Francis Moritz
Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion. Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps
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