TRIBUNE – Le retour de la guerre ! Par Hagay Sobol

Alors que l’Europe vit sa plus longue période sans conflit majeur, les relations internationales se tendent et les menaces contre la paix se multiplient. Pourtant, la guerre qui se rappelle à nous reste un impensé à la fois par les gouvernants et les populations du vieux continent. Il y a urgence !

Il est souvent difficile de se projeter dans l’avenir, surtout si les évènements s’enchainent de manière progressive. Deux séries télévisées scandinaves viennent nous avertir, que le mode de vie que nous tenions pour acquis, ne tient qu’à un fil. La première, « Conflicts », narre l’invasion de la Finlande par une nation voisine via des proxys. L’autre, « Families like ours » décrit l’évacuation du Danemark menacé de submersion. Saurons-nous éviter que la fiction devienne réalité ?

Les empires contre-attaquent !

Les deux conflits mondiaux et leur prix exorbitant auraient dû sonner définitivement le glas des empires. Pourtant les voilà de retour. La Russie, la Chine, l’Iran ou la Turquie et leurs kyrielles de supplétifs renversent les codes et les équilibres. Les rapports de force semblent désormais prendre le pas sur la diplomatie, les échanges internationaux ou la course à l’innovation.

Lorgnant sur des richesses convoitées, l’« espace vital » et autres « routes de la soie », les nouveaux César n’hésitent pas à recourir à l’intimidation ou au conflit armé pour arriver à leurs fins. Il n’est qu’à citer les guerres menées par Moscou contre la Géorgie et l’Ukraine, les menaces d’invasion de Pékin contre Taïwan, la déstabilisation du Moyen-Orient par Téhéran, la politique offensive d’Ankara en Lybie et en Syrie ou les renversements d’alliance en Afrique via des milices privées. Sans parler des campagnes massives de désinformation qui mettent en danger les démocraties.

A ce concert dissonant, se joint à présent Donald Trump et son MAGA (Make America Great Again), flanqué de son inséparable Elon Musk. Sur cet « autel du renouveau », l’Europe est accusée de tous les maux. Couvent désormais le spectre d’une guerre commerciale et celui d’un recul de l’aide de l’OTAN face aux appétits du Kremlin et de bien d’autres.

Le grand déplacement !

Depuis l’aube de l’humanité, notre histoire s’est bâtie sur une succession interrompue de migrations et de rencontres. Notre patrimoine génétique et nos cultures en témoignent. L’immigration est souvent une chance pour les pays d’accueil car les nouveaux venus représentent un fabuleux moteur qui n’est pas qu’économique.

Non maitrisée ou instrumentalisée, ce peut être une arme destructrice pour la cohésion interne, sur laquelle surfe l’extrême droite, ou par son utilisation contre d’autres pays. Ainsi, la Turquie a fait céder l’Europe en brandissant la menace migratoire des réfugiés syriens.

Mais il est un danger bien plus grand. Celui engendré par le dérèglement climatique et les catastrophes naturelles. Avec la montée des eaux, la carte du monde sera entièrement redessinée, avec les terribles conflits que cela provoquera. Si rien n’est fait, d’ici quelques décennies, nous européens irons grossir les rangs de ceux que nous appelions migrants.

L’Europe, combien de divisions ?

Malheureusement, face aux nombreux défis énoncés, l’Union Européenne (UE) ne cesse de se déliter et d’éroder ses principes fondateurs. L’UE est tiraillée entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, la tentation illibérale et la gageure de constituer des coalitions de gouvernement stables. Dirigeants et populations font comme s’il n’y avait pas péril en la demeure.

Pourtant, ceux qui l’ont quitté comme le Royaume Unis, avec la désillusion du Brexit, ou ceux qui aspirent à y enter, nous démontrent qu’il y a peu d’alternatives à ce modèle, même s’il est perfectible.

Le bruit des canons est tout proche, à nos frontières. A Kiev, se joue notre destin. Pour épauler Poutine qui a bien du mal à en finir avec Zelensky, Xi Jinping et Khamenei arment leur allié, et Kim Jong-un envoie des troupes. S’ils gagnent, ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin.

Ce ne sont pas les illusions nationalistes, la coalition des extrêmes ou l’isolationnisme qui éviteront la relégation ou l’absorption. Bien au contraire, cela nous rendra plus vulnérables et ne fera qu’enhardir nos adversaires. Aujourd’hui l’absence d’une défense européenne se fait cruellement sentir.

« L’éducation européenne »

Mais sans valeurs communes, celles des lumières, pour nous fédérer rien ne sera possible. L’Union ne se décrète ni à Bruxelles ni à Strasbourg. Elle s’incarne dans une vision partagée qui doit trouver son aboutissement dans le concret, dans le vécu des européens.

A l’esprit de conquête des tyrannies, il faut opposer une perspective de combat, au sens noble, fondée sur des projets d’envergure auxquels s’identifier. Tout d’abord, contre les éléments, en mettant en œuvre une politique volontariste de grands travaux et d’innovations technologiques, à l’échelon continental, pour protéger nos côtes et prévenir l’avancée des flots. Isolément, au niveau des nations, ce serait impossible. A l’image du succès d’Airbus, bâtissons ensemble le projet « Neptune », pour maîtriser les dangers de la mer.

Et face aux ambitions hégémoniques néo-impériales qui ne disparaitront pas spontanément, même si cela peut paraître choquant, il est indispensable de réintégrer la guerre dans le champ des possibles et s’y préparer. Car sans dissuasion crédible, il n’est point de diplomatie efficace.

Il faut à nouveau penser la guerre, non parce qu’elle est inéluctable, mais pour l’éviter en démontrant à nos ennemis potentiels tout ce qu’ils auraient à perdre.

C’est à ces seules conditions que nous aurons un avenir.

crise européenne et sécurité mondiale — **Hagay Sobol**

Hagay Sobol, Professeur de Médecine est également spécialiste du Moyen-Orient et des questions de terrorisme. A ce titre, il a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les individus et les filières djihadistes. Ancien élu PS et secrétaire fédéral chargé des coopérations en Méditerranée. Il est Président d’honneur du Centre Culturel Edmond Fleg de Marseille, il milite pour le dialogue interculturel depuis de nombreuses années à travers le collectif « Tous Enfants d’Abraham ».