Il y a encore aujourd’hui des enfants juifs qu’on assassine. Daniel Sarfati

Je ne savais pas que le racisme anti-roux existait. 

J’ai examiné une gamine à qui on avait cassé le nez. 

Qu’est-ce qui s’est passé ?

Elle pleure, elle renifle, sa morve est teintée de sang. 

« Ben, pendant la récréation, il a dit qu’il aimait pas les roux et qu’il allait me faire tomber toutes les taches que j’ai sur la figure… »

Elle porte des nattes, elle ressemble à Fifi Brindacier, elle n’a pas dû se laisser faire. 

Et alors ?

« Ben, il m’a tapée … mais il a pas réussi à faire tomber mes taches … Il m’a fait tomber mon nez… »

Mais non, il est pas tombé ton nez. Juste un peu tordu. On va te le remettre droit. Il va être plus beau qu’avant. 

« J’en veux pas un plus beau. J’veux que tu m’remettes le même ».

Ok, ok ça sera le même. 

…

A la cafétéria, j’ai raconté cette histoire à mon collègue pneumo-pédiatre. 

Il s’occupe d’enfants porteurs de maladies pulmonaires rares. 

Il m’a dit que lui, ne savait pas que des enfants pouvaient être antisémites aussi jeunes. 

T’exagère, je lui ai répondu. 

« Si, si. J’ai vu un petit garçon, il portait un maillot de foot et il avait, tu sais, cette coupe de cheveux avec une petite houppette en haut et rasé autour des oreilles. Je lui ai demandé quel métier il voulait faire plus tard. J’étais sûr qu’il allait me dire joueur de foot.  Non. Il m’a dit « je veux être soldat ».  Et partir en Palestine tuer des juifs.  Les parents étaient un peu gênés, ils lui ont demandé de la boucler ».

J’ai fini mon café, il avait un goût de cendres, comme si j’avais avalé un fond de marc. 

…

J’ai dit à mon collègue: Il y a encore aujourd’hui des enfants juifs qu’on assassine. Des enfants roux. 

Il m’a regardé fixement. 

Il a remarqué mes yeux rouges. 

« Ça va ? »

C’est rien. J’ai juste avalé de travers. 

Non, ça va pas. 

© Daniel Sarfati

Dessin de Shoshke Engelmayer