
Atlantico : Donald Trump a provoqué une onde de choc en annonçant sa volonté de faire partir les Palestiniens de Gaza pour y construire une Riviera. Diriez-vous qu’il s’agit d’un total dérapage politique incontrôlé aux conséquences funestes (notamment par la négation frontale du droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes) ou d’une posture pouvant malgré tout pousser les acteurs régionaux à dépasser hypocrisies et blocages qui empoisonnent le Proche-Orient depuis des décennies ?
Dov Zerah : Voilà plus de 100 ans que dure le conflit proche oriental. Six mois après la déclaration Balfour reconnaissant le droit des Juifs à un foyer national en terre sainte, Haïm Weizmann s’est rendu à Aqaba, en juin 1918, pour rencontrer l’émir Fayçal, un des fils du chérif Hussein Ibn Ali, et trouver un terrain de cohabitation entre les deux communautés.
Malgré l’opposition de son père, la réaction de l’émir Fayçal fut positive ; ils se retrouvèrent plusieurs fois et finirent par signer un accord le 3 janvier 1919 à Paris en marge de la conférence de la paix. Le pacte Weizmann-Fayçal, ou accord Fayçal-Weizmann) constituait un engagement réciproque des Arabes au projet sioniste d’une part, et des Juifs à la volonté d’indépendances des Arabes, d’autre part. L’opposition du chérif Hussein Ibn Ali et l’expulsion de Damas de Fayçal par les Français en 1920 rendirent l’accord caduc.
A ainsi débuté une nouvelle « guerre de 100 ans » !
La complexité du sujet exige d’avancer avec précaution. Quelle que soit l’importance et l’influence de l’Oncle Sam, on ne règle pas ce vieux problème avec des déclarations intempestives. Tout ne s’achète pas. Visiblement, Donald Trump n’a pas improvisé ; il a lu un document préparé sur la base, semble-t-il, d’un travail d’un think tank américain. Benjamin Netanyahou a donné l’impression de découvrir le projet sur le moment et s’est senti obligé de faire une déclaration et vanter la démarche consistant à avancer de nouvelles idées.
Il n’empêche ! Non ! On ne s’adresse pas ainsi à un million de personnes, voire plus, qui viennent de vivre 15 mois de guerre et ont été déplacées à plusieurs reprises, avant de s’installer sous des tentes.
Atlantico : Au-delà des souhaits et des postures des uns et des autres, quel futur concret parait le plus probable à court et moyen terme pour les Gazaouis ?
Dov Zerah : Donald Trump a soulevé un véritable problème sur lequel il conviendrait de trouver une solution. Aujourd’hui, les Gazaouis vivent dans les décombres de leurs immeubles. Les services publics de l’eau et de l’électricité ne fonctionnent pas de manière satisfaisante. Ayant abrité des terroristes et caché des armements, les capacités hospitalières ont été diminuées… Cette situation risque de favoriser la propagation de maladies, voire d’épidémies.
La reconstruction de Gaza prendra du temps, beaucoup de temps. Au-delà qu’il faudra éviter la reconstitution des infrastructures HAMAS, le programme est complexe avec le désamorçage des bombes non explosées et le recours à des moyens techniques spécifiques pour construire sur un véritable « gruyère ». De très nombreuses habitations ont été détruites et il sera très difficile de les reconstruire, car les carcasses d’immeubles ou de villas sont sur des terrains non sécurisés avec les nombreuses strates de tunnels superposées, enchevêtrés.
On ne peut reprocher à Donald Trump de s’en préoccuper. Mais que pensent les Gazaouis, l’autorité palestinienne, les pays arabes ?
À Gaza, le Hamas ne pense qu’à se reconstituer, comme après chaque confrontation, avec l’argent de l’aide humanitaire ou des donateurs qataris. Il a acquis la conviction qu’Israël est battable et qu’il faut préparer le nouveau round. De son côté, l’Autorité palestinienne cherche à profiter de l’opportunité pour se réinstaller dans la bande côtière. La situation n’est pas plus positive du côté des pays arabes. On a enregistré depuis le pogrom du 7 octobre les nombreux refus égyptiens, jordaniens et saoudiens d’accueillir des Gazaouis, même temporairement.
Rappelons-nous. À l’issue de la guerre de 1948, le royaume de Transjordanie a occupé et annexé Jérusalem-Est, les collines de Samarie et le désert de Judée qu’il a rebaptisés Cisjordanie en écho au nom de Transjordanie. Le roi Abdallah a aussi récupéré les lieux saints.
Alors que la résolution n° 181 des Nations Unies avait prévu la création d’un État palestinien, les Jordaniens ne l’ont pas traduite dans les faits. Cette annexion a été condamnée par la communauté internationale, sauf par la Grande-Bretagne. En revanche, les pays arabes ont admis que la Jordanie assurait l’administration des territoires annexés. En 1949, pour marquer ses modifications territoriales, le royaume hachémite change de nom pour devenir le Royaume Hachémite de Jordanie. Parallèlement, l’Égypte a pris le contrôle de Gaza. Dans leur refus du partage territorial, ni la Ligue arabe, ni aucun État arabe, et encore moins la Jordanie n’a proposé et défendu la création d’un État palestinien. Il faut reconnaître au Président Habib Bourguiba le courage, dans son fameux discours prononcé à Jéricho le 3 mars 1965, d’avoir critiqué la Jordanie pour s’être appropriée la Cisjordanie et avoir écarté la création d’un État de Palestine. Pour avoir mis « les pieds dans le plat », la Tunisie a été exclue de la Ligue arabe.
Au-delà des postures des une et des autres, près de 150.000 Gazaouis ont déjà quitté la bande de Gaza, en passant par l’Égypte au prix de 10 000 $ la famille. Ce sont les personnes les plus fortunées qui ont un appartement ou un compte bancaire en Egypte, en Turquie, en Jordanie, à Chypre ou en Grèce…
Atlantico : Les Israéliens sont toujours renvoyés à la question du jour d’après, celui qui suivrait un véritable accord de paix et sa mise en œuvre mais selon vous, personne ne demande aux Palestiniens de préciser ce que serait la vision de leur propre avenir ? Serait-ce parce que les Palestiniens n’ont pas de véritable réponse à fournir ?
Dov Zerah : « Le jour d’après » ne fait pas partie des objectifs affichés du gouvernement israélien. Cela explique qu’à aucun moment, et malgré les nombreuses interpellations, il ne se soit prononcé sur ce qu’il aurait envisagé après avoir récupéré les otages, dernier objectif non encore atteint.
Au-delà de cette position israélienne, il est étonnant que personne n’interroge les Palestiniens sur ce fameux « jour d’après ». Une explication tient probablement dans le fait que la réponse est connue d’avance :
- Le Hamas a pour programme la destruction d’Israël et le pogrom du 7 octobre 2023 en a apporté la preuve éclatante
- Pour ce qui est de l’Autorité palestinienne, sa seule position connue est le rejet de la proposition en 2007 du premier ministre Ehud Olmert qui prévoyait le retrait d’Israël de 93 % de la Judée et de la Samarie et des compensations territoriales.
On ne sait même pas si l’Autorité palestinienne se retranche derrière la proposition saoudienne de 2000 défendue par la ligue arabe, à savoir retour sur la « ligne verte » des armistices de 1949 et le partage de Jérusalem. Dans le même temps, Ramallah verse des indemnités aux familles de terroristes tués ou emprisonnés et finance les livres scolaires ouvertement antisémites ; parallèlement, Mahmoud Abbas multiplie les déclarations négationnistes.
Atlantico : Donald Trump est perçu comme un puissant soutien des Israéliens en général et de Benyamin Netanyahu en particulier. Sa manière de pratiquer la diplomatie et de préférer le rapport de force au droit international ne représente-t-elle pas aussi une menace pour Israël ?
Dov Zerah : La méthode de Trump n’aide pas Israël et ne permet pas de régler dans l’immédiat le problème. Néanmoins, elle oblige les pays arabes à réagir, et il finiront bien par s’impliquer compte tenu de l’aide américaine à l’Égypte et la Jordanie.
Pour aider toute la région à enfin sortir de cette ornière de « la guerre de cent ans », et surtout dans l’immédiat, gérer la vie au quotidien à Gaza, Donald Trump aurait intérêt à réunir à Washington des représentants de l’Arabie saoudite, de l’Égypte, des Émirats arabes unis (EAU), d’Israël, de la Jordanie, du Qatar et de l’Autorité palestinienne.
Les EAU ont apporté la preuve qu’il est possible de faire de zones désertiques des paradis touristiques. Pourquoi pas Gaza ? Donald Trump a raison de vouloir faire sortir les responsables arabes et palestiniens de leur zone de confort.
© Dov Zerah
Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d’OSEO.
Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.
Ce n’est pas la faute d’Israel si Gaza est en ruine. Mais cela n’a rien règlé puisque les otages ne sont pas rentrés, hamas n’est pas tout à fait mort et fanfaronne encore. Nous verrons ce qu’il en sera demain en ce qui concerne les otages dont la vie désormais ne tient qu’à un fil. La Jordanie, l’Egypte, le Soudan, la Syrie ne veulent pas pour l’instant accueillir les « palestiniens » mais il est hors de question qu’ils reviennent à Gaza. reconstruit(on ne sait quand) et reprennent leur but principal, c’est à dire la destruction d’Israel.Que faire de ces gens?
je respecte les idées de Mr Zerah mais il oublie que a ce jour aucun pays arabes n’a pris ses responsabilités quand aux défaites de leurs armes (48, 6 jours,et 73) leurs responsabilités quand au déplacement de 600 a 800 milles arabes vivant en Palestine nouvellement Israël pour les parker dans des camps dans les conditions que l’on sait il est vrai que si ces derniers avaient ete intégrés ils n’auraient a ce jour plus de statut de réfugiés donc plus de conflit larvé .
Israël a toujours été tenu pour responsable les choses doivent changer