Il y a dix ans, l’attentat terroriste et antisémite de l’Hyper Cacher frappait au cœur de Paris, nous laissant tous profondément ébranlés. Le 9 janvier 2015, cette tragédie n’a pas seulement endeuillé des familles, elle a marqué à jamais la communauté juive et la nation tout entière. Sandra Ifrah appelle à la mobilisation pour lutter contre l’antisémitisme.
Pour moi, cet événement a une résonance particulière : je trouvais dans ce même magasin la veille, à la même heure. Ce souvenir me hante, comme un rappel de la fragilité de nos vies face à la barbarie. Dix ans plus tard, nous ne pouvons pas oublier. Se souvenir des victimes, c’est aussi reconnaître que l’antisémitisme et la haine, insidieux ou criants, continuent de menacer notre société. Pas plus tard que cette semaine, des étoiles de David ont été taguées à proximité de ce même Hyper Cacher, ce qui ressemble à une énième menace en ce moment de recueillement. Même s’il faut rester prudent, une enquête est en cours.
Se souvenir ne suffit pas : il faut agir. Agir pour protéger, éduquer, punir et surtout prévenir. Agir pour bâtir une société où chacun peut vivre librement, sans crainte ni menace. Mais aussi espérer. Espérer que 2025 soit une année d’apaisement et de renouveau, où l’unité et la tolérance triompheront sur les divisions et la haine. Le 9 janvier n’est pas qu’une date dans le passé, c’est un appel permanent à construire un avenir meilleur.
L’année 2025 commence avec un constat glaçant : Aurore Bergé, ministre chargée de la Lutte contre les discriminations, vient d’annoncer que près de 1 500 faits d’antisémitisme ont été recensés entre le 1er janvier et le 30 novembre 2024 dont 63 % d’atteintes à la personne.
À l’aube de cette nouvelle année, malgré l’espoir de changement, de nombreuses questions se mélangent dans nos esprits : Quel avenir pour les juifs de France ? Sommes-nous condamnés à l’autodéfense ? Que se passera-t-il après la guerre de Gaza ? Peut-on espérer que le nouveau gouvernement puisse apporter de l’apaisement ?
Des inquiétudes renforcées par les dernières déclarations d’Aurore Bergé
C’est à nous tous de trouver les réponses à ces questions, toutes fondées sur un constat, une réalité pesante qui persiste : être juif en France aujourd’hui signifie devoir faire face à une menace insidieuse et croissante. Nous en sommes là… Le besoin de se défendre. Et bien au-delà de l’autodéfense physique ! Pour un Français juif, apprendre à se défendre est devenu une nécessité, une évidence. Ce n’est évidemment pas normal en 2025, mais c’est une constatation.
Ce sont les jeunes qui nous le réclament et il est impossible de leur refuser de telles formations au vu de l’inquiétude qui nous envahit lorsqu’ils vont à l’école ou à la fac.
Inquiétudes renforcées par les dernières déclarations d’Aurore Bergé, qui a parlé d’étudiants « empêchés d’aller en cours » ou « qui vont entendre scander juste à côté d’eux des slogans absolument insupportables », avec un « sentiment de solitude absolue ». La ministre a regretté au passage le « manque de courage des autres étudiants ».
Dans cette ambiance, le besoin de défense des jeunes juifs dépasse les simples réflexes physiques :
Autoprotection physique : des formations en autodéfense, souvent proposées par des associations comme l’Organisation juive européenne (OJE), permettent de développer les compétences nécessaires pour se protéger dans des situations de danger immédiat.
Éducation et sensibilisation : être armé intellectuellement est essentiel pour déconstruire les discours haineux et se défendre face à la propagande antisémite.
Solidarité communautaire : tisser des liens au sein des familles, des écoles juives et des associations permet de partager des outils concrets pour mieux se protéger.
Outils numériques : signaler les contenus haineux en ligne via des plates-formes comme Pharos et maîtriser les techniques de protection de la vie privée sont indispensables face à la haine numérique. Il faut également connaitre les outils juridiques : savoir porter plainte, demander protection ou obtenir réparation sont des étapes essentielles pour lutter contre les actes antisémites, qu’ils soient physiques ou verbaux. L’OJE joue également un rôle clé dans la formation juridique, en aidant les victimes à connaître et à faire valoir leurs droits.
La fin proche de la guerre à Gaza, un accélérateur des tensions ?
Que se passera-t-il pour la communauté juive en France et dans le monde si les tensions au Moyen-Orient s’apaisent, même après une intervention en Iran ?
Chaque conflit de cette ampleur entraîne une guerre de communication, avec des images et des récits souvent manipulés pour alimenter les discordes. Ces narratifs, relayés par une partie de l’extrême gauche et des mouvances “islamo-gauchistes”, risquent de renforcer les amalgames et de désigner les juifs comme coupables également des conséquences de la guerre. Doit-on se résigner ? Bien sûr que non.
Cette réalité impose une exigence : la communauté juive doit se préparer à se défendre, se mobiliser et faire bloc. Nous croyons en les armes de la République : sécurité et justice, peut-être enfin une véritable coordination. Au-delà de cette mobilisation, le courage du gouvernement sera déterminant pour affronter ces enjeux et assurer la sécurité des citoyens. Il ne faut pas baisser la garde, d’autant plus que le gouvernement aura bien d’autres préoccupations. De la qualité de cette mobilisation et des actions à venir dépendra l’évolution de notre quotidien : soit une baisse des actes antisémites, soit au contraire une nouvelle vague de violences. Pour répondre efficacement à la menace croissante de l’antisémitisme, une coordination étroite entre les ministères de l’Intérieur et de la Justice est indispensable.
Les attentes sont élevées envers Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, et Gérald Darmanin, garde des Sceaux, pour garantir une réactivité accrue dans le traitement des plaintes pour actes antisémites ; des sanctions exemplaires et rapides contre les auteurs d’agressions : tout acte d’agression physique avéré, qu’il soit antisémite ou autre, doit conduire à la case prison immédiatement, même pour une courte durée. Une sécurité renforcée et durable dans les lieux sensibles comme les synagogues, les écoles juives et les centres communautaires.
Pédagogie et discrimination : un véritable défi
L’éducation reste un outil central pour déconstruire les préjugés et lutter contre la haine. Aurore Bergé évoque même le « chantier prioritaire de l’université ».
Sous l’impulsion d’Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, le défi est immense : développer des programmes pédagogiques ambitieux pour sensibiliser dès le plus jeune âge à la tolérance, à l’histoire de l’antisémitisme et à la lutte contre les discriminations ; rappeler à chaque enseignant que ses élèves n’ont pas à connaître son opinion politique ; former les enseignants pour mieux détecter et gérer les actes de haine ou de discrimination en milieu scolaire ; collaborer avec des plates-formes comme Signal Écoles pour encourager le signalement systématique des dérives dans les établissements scolaires et universitaires. Ce défi éducatif ne peut être relevé qu’avec une volonté politique forte et des moyens à la hauteur des enjeux.
Les assises de lutte contre l’antisémitisme : un premier pas à concrétiser
Les assises de lutte contre l’antisémitisme, menées intelligemment par Aurore Bergé il y a quelques mois, ont été un premier pas important pour mettre ce combat au centre des priorités nationales. Elles ont permis de rassembler des propositions concrètes et de sensibiliser sur l’ampleur de cette menace, mais elles ne doivent surtout pas rester un simple exercice de communication. Leur succès repose sur la mise en œuvre effective des engagements pris : renforcer la sécurité dans les lieux sensibles, sensibiliser la société dans son ensemble et appliquer des sanctions exemplaires contre toute forme d’antisémitisme. La continuité et la cohérence des actions seront les clés pour garantir des résultats tangibles.
Aurore Bergé a annoncé que ces assises reprendront le 13 février prochain, jour anniversaire de la mort d’Ilan Halimi, assassiné par un gang antisémite en 2006.
Un combat national pour l’avenir de la République !
Se défendre n’est pas un choix : c’est malheureusement devenu une nécessité quotidienne pour les juifs de France. Mais cette lutte dépasse la communauté juive. La montée de la haine et de l’antisémitisme menace directement les idéaux républicains de liberté, d’égalité et de fraternité.
Le gouvernement saura-t-il répondre avec fermeté ? Aura-t-il le courage d’affronter les mouvances extrémistes et les discours incendiaires qui gangrènent notre société ? Si rien n’est fait, la haine finira par déstabiliser toute la nation.
Agir maintenant, c’est protéger non seulement une communauté, mais l’avenir de la République tout entière.
© Sandra Ifrah
Sandra Ifrah est la porte parole du Collectif Women United for Peace.
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