TRIBUNE COLLECTIVE – Depuis le 16 novembre, l’écrivain détenu en Algérie voit son état de santé se détériorer et ses droits élémentaires bafoués. Il y a urgence à ce que les autorités nationales et européennes utilisent tous les leviers pour le faire libérer, plaident les membres du comité de soutien à Boualem Sansal.
Alors qu’il annonçait voici quelques semaines vouloir gracier en signe d’apaisement près de 2400 prisonniers, parmi lesquels huit détenus dont les accusations en sont au stade de l’instruction, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, n’a laissé entrevoir dans son discours du 30 décembre, que fort peu d’illusions quant au sort réservé à notre ami et compatriote, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. Arrêté à l’aéroport d’Alger le 16 novembre 2024 pour être aussitôt incarcéré sans autre forme de procès, ce dernier n’a toujours pas reçu, près de deux mois plus tard, la visite de son avocat français, dont le visa a été refusé par les autorités algériennes. Du jamais vu, d’autant qu’il est accusé des crimes les plus graves prévus par l’article 87 bis du code pénal algérien, à savoir l’atteinte à la sûreté de l’État et l’atteinte à l’intégrité territoriale ! De telles incriminations, pour un romancier qui a eu le seul tort d’exprimer des vérités qui gênent le pouvoir en place, évoquent tragiquement les procès de l’ère sombre du stalinisme.
Après vingt-quatre heures de rumeurs contradictoires faisant miroiter une libération possible, l’attitude du chef de l’État algérien confirme s’il le fallait le statut de prisonnier politique de celui qui est l’otage d’un pouvoir de plus en plus prompt à museler, menacer, voire incarcérer, non pas seulement ses opposants, mais ses simples critiques.
S’agissant d’un intellectuel de 80 ans, gravement malade et qui exige les soins essentiels qu’il ne reçoit pas, le président algérien aurait pu saisir l’annonce de cette grâce présidentielle pour sortir par le haut d’une crise sans précédent dans les relations franco-algériennes. Bien au contraire, et délibérément, le pouvoir algérien multiplie les attaques frontales contre la France : depuis la demande d’édifier à Paris une statue d’Abdelkader jusqu’à celle pressante exigeant de notre pays de renier ses engagements vis-à-vis du Maroc sur le Sahara occidental, en passant par le déchaînement haineux d’influenceurs algériens appelant sur les réseaux sociaux à commettre des actes de violence dans notre pays. Tout se passe comme si, pour le régime du président Tebboune, la France était devenue l’ennemi numéro un…
De manière incompréhensible, les autorités algériennes ont opté pour porter à leur comble les tensions entre nos deux pays. La fin de non-recevoir opposée de manière inédite à la demande de notre poste à Alger d’accorder une protection consulaire à laquelle Boualem Sansal a le droit le plus strict n’en est qu’une illustration, il est vrai caricaturale. Pire encore : au bout de pratiquement deux mois de séquestration, nous ne sommes toujours pas informés de l’évolution de l’état de santé de notre compatriote, contrairement à la déontologie médicale et au respect des droits humains les plus élémentaires, alors que l’Algérie a ratifié tous les traités de l’ONU sur les droits de l’homme.
Il y va de la vie et du respect d’un homme de bien dont la bonté est à l’opposé de l’image que le pouvoir algérien tente de renvoyer pour les besoins de sa politique interne ; il y va de l’honneur de la France et de l’Europe de ne pas accepter des procédés arbitraires de la part d’un État qui par ailleurs s’attache à se présenter comme un partenaire respectable et digne de confiance
Le Comité de soutien de Boualem Sansal, composé de plus de 1200 membres d’une vingtaine de nationalités et de sensibilités diverses, associant hautes personnalités politiques, intellectuels et représentants de la société civile, ne peut que condamner avec la plus extrême fermeté la détention arbitraire dont est victime l’un de nos plus grands romanciers francophones contemporains. À cette fin, il se mobilise tous les jours tant en France qu’à l’étranger pour obtenir sa libération.
Fort des paroles du président de la République qui vient de demander instamment cette libération, mais craignant chaque jour davantage pour la vie de Boualem Sansal, le comité estime qu’il est grand temps que les autorités françaises, mais aussi européennes – présidents de la Commission, du Parlement et du Conseil ainsi que haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité – utilisent tous les leviers diplomatiques, politiques, financiers et autres à leur disposition pour qu’il soit mis fin à l’indignité de cet embastillement d’un autre âge ! Il y va de la vie et du respect d’un homme de bien dont la bonté est à l’opposé de l’image que le pouvoir algérien tente de renvoyer pour les besoins de sa politique interne ; il y va de l’honneur de la France et de l’Europe de ne pas accepter des procédés arbitraires de la part d’un État qui par ailleurs s’attache à se présenter comme un partenaire respectable et digne de confiance ; il y va tout simplement du rappel à un devoir d’humanité de la part du président algérien et du respect des principes au fondement de nos valeurs démocratiques.
Signataires :
Noëlle Lenoir, présidente du Comité de soutien à Boualem Sansal,
Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de la « Revue politique et parlementaire »,
Georges-Marc Benamou, producteur,
Jean-Michel Blanquer, ancien ministre,
Catherine Bréchignac, membre de l’Académie des sciences,
Xavier Driencourt, ancien ambassadeur,
Alexandre Jardin , écrivain,
Thibault de Montbrial, avocat,
Stéphane Rozès, politologue.
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