Enterré aujourd’hui à Damas, juste avant que son rêve ne se réalise. Après avoir subi des sévices innommables dans les geôles du régime, il avait miraculeusement survécu et été libéré lors d’un échange de prisonniers.
Aux Pays-Bas, où il avait demandé l’asile, il s’exprime à visage découvert et n’a de cesse d’alerter et de dénoncer la monstruosité du régime de Bachar al-Assad. Il donne des conférences à travers l’Europe, dévoile des noms et de multiples détails sur le fonctionnement du système carcéral syrien.
Mazen est un survivant, marqué par les stigmates des pires tortures et profondément traumatisé. Le système d’asile néerlandais estime toutefois qu’il devrait se mettre au travail, nettoyer les rues, ou effectuer d’autres tâches lui permettant de continuer à bénéficier des prestations qu’il reçoit.
Ses déplacements hors des frontières néerlandaises pour donner des conférences commencent à être mal perçus: il se ballade et ne travaille pas.
Son état psychique l’empêche pourtant d’évoluer dans des espaces ouverts très fréquentés. Le jeune homme se sent incompris, plonge encore davantage dans la dépression et perd les prestations sociales dont il bénéficiait.
Dans ces conditions, il annonce à ses proches vouloir repartir en Syrie. Une promesse du régime selon laquelle il jouerait un rôle de médiateur, des menaces à l’égard de sa famille restée au pays, les motivations qu’il avance sont floues.
Le système de l’asile a achevé de le broyer, et ce retour tient plus du suicide que du départ volontaire. Ne pouvant plus payer son loyer, il est mis à la rue, ses quelques affaires, dont son laptop, rempli de fichiers confidentiels et de souvenirs, sont jetées aux ordures.
À peine atterri à Damas en 2020, il disparaît. On retrouvera son corps mutilé dans « l’abattoir humain » de Saydnaya.
On aurait pu sauver Mazen, l’écouter, lui apporter l’attention qu’il méritait et le soutenir dans son combat contre le régime de Bachar. On ne l’a pas fait. Pardonne-nous, Mazen, et repose en paix. Tes funérailles aujourd’hui sont dignes du héros que tu étais.
© Line Golestani
Line Golestani est sociologue des religions et ethnologue, Spécialiste des questions de migrations et de l’Afghanistan.
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