Erick Lebahr. Lettre d’Adieu au Barreau

Clap de fin! Rideau !

Mes chers confrères,

C’est la dernière fois que j’use de cette formule confraternelle qui aura bercé mon activité professionnelle durant plus de trois décennies.

A l’orée d’un départ à la retraite imminent, juste avant de tirer ma révérence, je tenais à vous exprimer ma gratitude.

Au fil du temps, se sont tissées de belles amitiés, des relations humaines très harmonieuses avec de nombreux avocats.

En proie à des sentiments mêlés, délivrer son ressenti, en une telle occurrence, n’est pas chose aisée.

Subsistera, dans les tréfonds de la conscience, ce plaisir infini éprouvé dans l’art de la plaidoirie.

Un plaisir sans doute à rebours de certaines évolutions, mais …

J’aurai adoré cet espace de liberté, où l’on peut essayer de déployer une parole ailée, une forme d’esthétisme dans le choix des mots.

Un cocktail de juridique et de factuel, agrémenté d’humour, de culture, de poésie, de lyrisme.

Décliner la richesse des mots, c’est peindre un dossier avec une palette de mille nuances.

Il me semble qu’en cette époque éruptive, convulsive, le culte du Beau, dans un savant alliage du fond et de la forme, constitue une bulle salvatrice.

Il convient de ne pas galvauder ce privilège unique de pouvoir faire tinter, résonner la musique des mots , cette chance singulière d’exalter ce trésor inouï qu’est la langue française.

Le temps est un sablier parfois corrupteur de passions. Mais à l’épreuve du temps, cette passion des mots ne s’est jamais démentie.

Je mentirais si je disais que ce plaisir aristocratique, cette forme de noblesse qui s’évince des joutes écrites et oratoires, ne me manqueront pas.

Ainsi que ce caractère chevaleresque qui émane des salutations courtoises entre plaideurs adverses d’un jour.

Durant toutes ces années, j’aurai vécu de grands moments. D’autres plus âpres, plus difficiles. Des aubes mirifiques, des aurores féeriques.

Mais aussi, parfois, des « matins blêmes », comme le dit si bien Verlaine. Des crépuscules clairs, également. La vie d’un plaideur est faite de cela. C’est une école d’humilité.

La vie tout court charrie aussi son lot de joies et de déceptions, d’épreuves. Aux pétales de roses se mêlent parfois des épines.

Le 19 mars 2012 fut plus qu’une épine. Une empreinte indélébile, gravée au plus profond de l’âme et du cœur.

Heureusement, le temps l’a édulcorée , sans toutefois l’effacer définitivement. Parfois, affleurent encore des réminiscences d’images funestes.

Mais dominent à présent les retours de flammes … Au moment de clore le dernier chapitre de ce livre, une douce lumière se profile à l’horizon.

Un nouveau livre s’ouvre, empli de belles promesses. Disposer d’un temps infini pour assouvir mes passions, multiples. Pouvoir choyer nos enfants, petits-enfants , leur prodiguer toute mon affection.

Mes chers confrères, je vous souhaite une pléthore de joies et de satisfactions dans votre vie professionnelle. Mais aussi, plus important encore, dans votre vie personnelle.

Ceux qui le souhaitent pourront me croiser, parfois, au Florida ou au Solène ou autres bars restaurants du centre ville. Avec un tel patronyme , on ne se refait pas.

Il me plait assez, en guise d’épilogue, de titiller la blagounette.

Ne comptez pas sur moi, en revanche, pour vous gratifier de cette formule désormais obsolète , « votre bien dévoué confrère ».

Une fois encore, merci à vous. Merci pour tout!

© Erick Lebahr

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