Une feuille de route pour parvenir à la paix au Moyen-Orient. Par Hamid Enayat

Un portrait imprimé lors d’une manifestation de soutien a Copenhague de la jeune Kurde Mahsa Amini, 23 ans, assassinée par la police des mœurs en Iran, et qui a insufflé le mouvement de protestation dans différentes villes d’Iran
MAXPPP – Thibault Savary / Le Pictorium

Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI). Pour La Dépêche, il analyse la situation de guerre au Proche-Orient et notamment le rôle que joue l’Iran depuis plusieurs années. Aujourd’hui, focus sur la feuille de route de l’opposition iranienne pour la paix au Moyen-Orient.

Le régime iranien est depuis des décennies l’un des principaux facteurs d’instabilité au Moyen-Orient. Qu’il s’agisse du soutien aux milices en Syrie et en Irak, de l’armement des Houthis au Yémen, du financement du Hamas, ou de l’appui logistique au Hezbollah au Liban, la politique étrangère de Téhéran repose sur l’expansion de son influence régionale par des moyens coercitifs et violents.

Parallèlement, à l’intérieur de ses frontières, le régime continue de violer systématiquement les droits humains, de réprimer la démocratie et d’imposer des mesures répressives extrêmes à sa propre population.

Face à cette situation, le mouvement de la Résistance iranienne se présente comme une alternative démocratique et un espoir pour un avenir meilleur, non seulement en Iran, mais aussi dans toute la région. Ce mouvement ne se contente pas de lutter pour la liberté et l’égalité en Iran : il propose également un modèle pour mettre fin à la dictature, à l’extrémisme religieux et à la violence au Moyen-Orient. La communauté internationale a aujourd’hui l’occasion et la responsabilité de mieux comprendre ce mouvement et de le soutenir activement.

Le rôle déstabilisateur du régime iranien au Moyen-Orient

Malgré des accords de cessez-le-feu et des initiatives diplomatiques dans la région, les forces par procuration du régime iranien continuent d’agir de manière agressive. Par exemple, des milices soutenues par l’Iran attaquent régulièrement Israël et des cibles américaines, y compris après l’accord de trêve au Liban.

L’Iran persiste également dans son ingérence en Syrie. Récemment, Abbas Araqchi, ministre iranien des Affaires étrangères, a déclaré que l’Iran serait prêt à envoyer des renforts en Syrie si Damas en faisait la demande.

Sur un plan plus large, il existe un consensus parmi les experts internationaux sur le fait que la voie vers une paix durable au Moyen-Orient repose sur la création de deux États indépendants, Israël et la Palestine, coexistant pacifiquement. Cependant, dès les accords d’Oslo, le régime iranien a été le premier à s’opposer violemment à cet objectif en soutenant des actes de terrorisme. Par exemple, l’assassinat de Rafic Hariri au Liban et l’ingérence iranienne via le Hezbollah ont profondément déstabilisé le Liban.

Historiquement, la stratégie du régime iranien s’apparente à un expansionnisme impérialiste, visant à maintenir son pouvoir en exportant la violence au-delà de ses frontières. Basé sur des dogmes religieux archaïques, ce régime est en totale contradiction avec les valeurs du XXIe siècle. Pour se maintenir au pouvoir, il s’appuie sur une double stratégie : la répression brutale à l’intérieur de ses frontières et la création de crises à l’extérieur.

Depuis sa création, ce régime a perpétré des actes tels que la prise d’otages à l’ambassade américaine en 1979, et continue aujourd’hui à utiliser le terrorisme et la séquestration comme instruments de pression politique. À l’intérieur, les pratiques extrêmes comme l’amputation, l’aveuglement forcé ou l’exécution systématique de prisonniers sont des exemples choquants de son recours à des méthodes moyenâgeuses.

Aussi longtemps que ce régime restera en place, la paix et la coexistence au Moyen-Orient resteront une illusion. De même, les notions de démocratie et de liberté en Iran n’auront aucune chance d’émerger sous sa domination.

Une feuille de route pratique vers la paix

Face à un régime aussi oppressif, la réponse naturelle du peuple iranien a été de s’organiser en une résistance généralisée. En tant que premières victimes de ce régime, les membres de la Résistance iranienne incarnent une alternative crédible, fondée sur les idéaux de liberté, d’égalité et de démocratie.

La Résistance iranienne ne se limite pas à lutter pour la liberté en Iran ; elle propose un modèle pour mettre fin à des décennies de dictature, de guerre et de violence dans une région marquée par l’autoritarisme et les politiques d’apaisement.

Voici les éléments clés de la feuille de route proposée par la Résistance iranienne :

1. Expansion des unités de résistance :

Les unités de résistance, composées de petits groupes de trois membres ou plus, ont été créées en 2015 pour coordonner des actions contre le régime. Aujourd’hui, des milliers de ces unités opèrent dans tout l’Iran, enracinées dans leurs communautés locales. Cette connexion sociale leur permet de fonctionner de manière sécurisée tout en augmentant leur capacité d’expansion.
Leur mission principale est de contrecarrer la répression du régime en maintenant un climat de défiance et en empêchant la société de sombrer dans la peur. Actuellement, ces unités mènent en moyenne 20 actions anti-répression par jour, ce qui démontre leur efficacité.
Ces groupes jouent également un rôle crucial dans la transformation des protestations sociales en véritables soulèvements nationaux. Lors du soulèvement de 2019, par exemple, ces unités ont formé l’épine dorsale des manifestations, forçant le régime à recourir à une répression sanglante qui a fait plus de 1 500 morts.
Contrairement à la propagande du régime, qui prétend qu’une chute de son pouvoir entraînerait une guerre civile ou la fragmentation de l’Iran, la présence et l’organisation des unités de résistance assurent la capacité à maintenir l’intégrité territoriale du pays tout en neutralisant les forces répressives comme les Gardiens de la Révolution.

2. Le rôle central des femmes dans la Résistance :

Maryam Akbari Monfared, incarcérée depuis plus de 15 ans, est un symbole de la résilience des femmes iraniennes face au fondamentalisme religieux.
Les femmes occupent une place centrale dans la Résistance iranienne, notamment en dirigeant de nombreuses unités de résistance. Leur lutte illustre non seulement leur quête pour l’égalité des sexes, mais aussi leur rôle clé dans la mobilisation et la transformation de la société iranienne.
Le soulèvement national de 2022, marqué par la forte participation et le leadership des femmes, a démontré leur pouvoir et leur détermination à bâtir une société juste et égalitaire.

3. L’expérience historique et organisationnelle des Moudjahidine du Peuple :

L’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI/MEK), avec près de 60 ans de lutte contre les dictatures successives du Chah et des mollahs, constitue la colonne vertébrale de la Résistance iranienne.
Ses membres, ayant souvent survécu à des années de torture et d’incarcération, sont regroupés aujourd’hui dans le camp Ashraf 3 en Albanie. Leur expertise organisationnelle et leur expérience unique les rendent essentiels à la gestion de ce mouvement.

4. Le Conseil National de la Résistance Iranienne, une alternative démocratique :

Le CNRI est une coalition politique unique en son genre, rassemblant divers courants avec une ligne directrice claire : ni chah, ni mollahs.
Avec 457 membres, dont plus de 50 % sont des femmes, le CNRI reflète un engagement envers l’égalité et la diversité. Sa politique de discrimination positive garantit une représentation significative des femmes dans la direction politique de l’Iran futur.

Le programme en dix points du CNRI inclut la séparation de la religion et de l’État, l’égalité entre les ethnies et les confessions, l’abolition de la peine de mort, et un Iran non-nucléaire. Ces valeurs démocratiques universelles forment le cœur de son projet politique.

La Résistance iranienne constitue une alternative viable et humaine à la dictature des mollahs. Avec un soutien accru de la communauté internationale, elle peut non seulement libérer l’Iran, mais également instaurer la paix et la stabilité dans une région en proie à des décennies de violence. Le moment est venu de se tenir aux côtés de ce mouvement porteur d’espoir.

© Hamid Enayat

Politologue, spécialiste de l’Iran, Hamid Enayat est dans TJ la voix de l’opposition démocratique iranienne (CNRI).

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