Selon les informations de la défense de Boualem Sansal, l’écrivain aurait été transféré jeudi dernier à la prison de Kolea, située à 35 km d’Alger.
Son avocat, Me François Zimeray, va demander sa remise en liberté lors de l’audience du mercredi 11 décembre: « Cette incarcération ne fait que magnifier son courage qui transcende toutes les prisons et échappe à tous les murs », déclare François Zimeray, qui se dit inquiet pour la santé de l’écrivain et la loyauté d’une procédure qui paraît très opaque ».
« Les autorités judiciaires n’ont pas cru devoir en informer sa défense en temps réel », indique le communiqué de la défense de Boualem Sansal.
Témoignage
« Algérie : enfermé à Koléa comme les pontes de l’ère Bouteflika »
Inaugurée en 2015, la prison algérienne est célèbre pour abriter de nombreux dignitaires déchus. Mais beaucoup de détenus de droit commun ou de personnes accusées de terrorisme y sont aussi incarcérés. Témoignage.
À l’époque où la prison de Koléa a ouvert ses portes, en 2015, elle avait été présentée comme l’une des plus grandes et des plus modernes d’Afrique et comme un modèle de la réforme carcérale engagée sous le régime de l’ancien président Bouteflika.
Ce 14 septembre 2021, quand nous arrivons à Koléa, il est un peu plus de minuit et nous sommes accueillis par des gardiens aux cris de Khawana ! Khawana ! (« Traîtres ! Traîtres ! »). C’est mon premier contact avec cette prison dans laquelle je vais passer un peu plus d’une année », raconte Mourad, enseignant à la retraite dont la vie va subitement basculer au moment où il s’y attend le moins. Au milieu d’une journée caniculaire de septembre, il s’apprête à faire une sieste lorsque des escouades de gendarmes en tenue et en civil font irruption dans sa modeste maison. Munis d’un ordre de perquisition et d’un mandat d’amener, les hommes signifient à Mourad qu’il figure sur une liste de terroristes recherchés.
Au bout de neuf jours d’interrogatoires, Mourad et une dizaines d’autres prévenus, dont un homme sans jambes cloué sur un fauteuil, sont présentés devant le procureur du pôle antiterroriste d’Alger puis devant le juge d’instruction du tribunal de Sidi M’Hamed. Ils sont accusés d’appartenir au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), une organisation qualifiée de terroriste et jugée porter « atteinte à l’intégrité du territoire national et à la sureté de l’État ». Mandat de dépôt pour tous à la prison de Koléa, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d’Alger.
Il est minuit passé quand les prisonniers arrivent au portail de ce désormais célèbre pénitencier. Avec ses 2 000 places et ses 18 hectares, il accueille journalistes, opposants au régime, anciens hauts dignitaires et grands patrons, prisonniers de droit commun ou terroristes. Dans une aile, un pavillon spécial est réservé aux anciens membres de gouvernement et Premiers ministres du président Bouteflika tels qu’Abdelmalek Sellal ou encore aux oligarques comme Mahieddine Tahkout, les frères Kouninef ou l’industriel Laid Benamor. Mourad et les nouveaux arrivés ne croiseront jamais la route de ces anciens puissants tombés en disgrâce.
Lumière allumée 24 heures sur 24
Les formalités administratives évacuées, chaque prisonnier reçoit deux couvertures, une assiette, un verre et une cuillère en plastique avant d’être dirigé vers sa cellule avec deux compagnons. « Nous avons reçu une baguette de pain chacun et de l’eau. Comme il n’y avait pas encore de matelas, nous avons dû dormir à même le sol », raconte Mourad. Très vite, les prisonniers apprennent une règle qui se transmet de bouche à oreille. Ceux qui transgressent le règlement intérieur ou se rendent coupables de « fautes » sont attachés et roués de coups de bâton par les gardiens dans un cachot insonorisé qui étouffe leurs cris.
© Akli Tansaout
Publié le 31 octobre 2022
Source: Jeune Afrique
https://www.jeuneafrique.com/1389214/s
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