« Allemagne, comment devient-on citoyen : mode d’emploi ». Par Francis Moritz

Nouvelle loi : Droit du sol, droit du sang, naturalisation, double nationalité 

L’Allemagne, premier pays de l’Union Européenne riche de ses 83 millions d’habitants et de sa puissance industrielle, est l’exemple même d’une démocratie, gouvernée par une coalition qui vient d’éclater et avec seize véritables régions disposant de la plupart des pouvoirs sauf régaliens. Elle a traité ces sujets, même dans cette période de turbulence politique. Elle aura sa motion de censure avant Noël et des élections avant mars. C’est le fonctionnement d’une démocratie parlementaire. Ce qui n’est pas le cas de la France actuelle.

Sur la citoyenneté,

Un enfant acquiert la nationalité a sa naissance si l’un de ses parents en dispose déjà. Si seul le père a la nationalité et n’est pas marié à la mère, la loi allemande exige une reconnaissance effective ou une détermination de paternité avant l’âge de 23 ans.

Depuis l’année 2000, les enfants nés en Allemagne, de parents étrangers, acquièrent automatiquement la nationalité si l’un des parents réside de façon continue en Allemagne depuis au moins huit ans, y constitue sa résidence principale et dispose d’un permis de séjour en vigueur.

Même si les deux parents n’ont pas la nationalité allemande, les règles suivantes s’appliquent : Si l’enfant est né en Allemagne, il est automatiquement allemand à la naissance si certaines conditions sont remplies. L’un des parents doit :

  • Résider habituellement et légalement en Allemagne depuis au moins huit ans et
  • être titulaire d’un permis de séjour ou d’un permis de séjour de l’UE ou être citoyen de l’Union bénéficiant de la libre circulation ou ressortissant équivalent d’un État de l’EEE (Islande, Liechtenstein, Norvège) ou citoyen suisse bénéficiant de la libre circulation.

Si le père ou la mère remplit ces conditions, aucune demande supplémentaire n’est nécessaire. L’enfant devient automatiquement allemand à la naissance. 

A propos du droit du sol

Le droit du sol qui fait couler tant d’encre se retrouve sur le continent américain, au Pakistan, au Soudan, en Tanzanie et avec diverses restrictions en Allemagne (voir ci-dessus), en France, en Grande Bretagne, en Irlande, en Australie et en Nouvelle Zélande. Son application est devenue une énorme source de problèmes en Guyane et à Mayotte. On voit bien que la seule véritable réponse sera le passage au droit du sang. Le droit du sol est donc loin d’être une valeur universellement partagée.

Naturalisation, nouvelle loi Allemande de juin 2024

C’est un sujet qui interpelle l’ensemble de l’Union. L’Allemagne fait preuve d’un grand sens des réalités et d’efficacité, dont nos experts en col blanc devraient très utilement s’inspirer au lieu de spéculer pour inventer « un modèle français » ingérable.

  Naturalisation ET intégration 

Extraits du texte légal :
Si vous résidez de manière permanente en Allemagne mais que vous n’êtes pas devenu Allemand à la naissance d’une des manières décrites ou pour d’autres raisons particulières en vue d’une activité lucrative, vous pouvez vous faire naturaliser. Cela ne se produit jamais automatiquement, mais uniquement sur demande.

Le droit à la naturalisation naît si les conditions suivantes sont remplies :

  • Au moment de la naturalisation, vous disposez d’un permis de séjour allemand ou de l’UE, valide, ou vous êtes un citoyen de l’Union bénéficiant de la libre circulation ou un citoyen équivalent d’un État de l’EEE (Islande, Liechtenstein, Norvège) ou un Suisse citoyen ayant droit à la liberté de mouvement.
  • Vous résidez légalement et habituellement en Allemagne depuis huit ans.
  • Vous pouvez subvenir à vos besoins et à ceux des membres de votre famille à votre charge sans aide sociale ni allocation de chômage II.
  • Vous avez une connaissance suffisante de l’allemand.
  • Vous n’avez subi aucune condamnation (les condamnations mineures ne sont pas pertinentes).
  • Vous confirmez votre attachement à l’ordre fondamental de liberté et de nature démocratique de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne.
  • Vous ne devez plus renoncer à votre ancienne citoyenneté avec la nouvelle loi.

Si l’une de ces conditions légales fait défaut, il n’existe aucun droit légal à la naturalisation. 

La preuve de la connaissance de l’ordre juridique et social et des conditions de vie en Allemagne a été récemment introduite comme condition préalable à la naturalisation. Toutefois, cette connaissance ne doit être prouvée qu’au moment de la naturalisation.

Maîtrise de la langue allemande
Une parfaite connaissance de la langue allemande, tant parlée qu’écrite, n’est pas requise pour la naturalisation. Une connaissance suffisante de la langue est requise si vous pouvez vous déplacer en allemand dans la vie quotidienne, y compris les contacts normaux avec les autorités, et – en fonction de votre âge et de votre niveau d’éducation – soutenir une conversation en allemand. Cela implique d’être capable de comprendre des textes de la vie quotidienne et de les reproduire oralement. 

Depuis le 28 août 2007, une preuve de compétences linguistiques orales et écrites au niveau du test de langue pour le certificat d’allemand (du Cadre européen commun de référence pour les langues) est régulièrement exigée. Cela s’applique à la fois à la naturalisation avec droit et à la naturalisation du conjoint. Des exceptions ne s’appliquent que si une personne ne peut pas acquérir les compétences linguistiques requises en allemand en raison d’une maladie ou d’un handicap physique, mental ou émotionnel ou en raison de son âge.

L’engagement en faveur de l’ordre fondamental libre-démocratique

C’est le cœur de la Constitution allemande, la Loi fondamentale. Certains principes y sont particulièrement protégés. Il s’agit par exemple des droits de l’homme, de la souveraineté populaire, de la séparation des pouvoirs de l’État, de l’État de droit et du droit à une opposition parlementaire. Ces principes visent à garantir qu’il n’y a pas de tyrannie, que les décisions de l’État, par exemple concernant les élections et le parlement, sont légitimées par la volonté du peuple, que les droits s’appliquent à chacun et que des opinions et des partis multiples sont possibles. Quiconque souhaite se faire naturaliser doit s’engager à respecter ces principes et déclarer qu’il n’a pas participé à des efforts anticonstitutionnels. Si l’autorité estime qu’une personne a agi de manière anticonstitutionnelle et a mis en danger l’ordre fondamental libre-démocratique, elle ne peut pas devenir citoyenne allemande. Avant chaque naturalisation, les autorités de naturalisation doivent introduire à cet effet une demande auprès des autorités de protection constitutionnelle. Si une personne avait auparavant des convictions anticonstitutionnelles, cela ne l’empêche pas nécessairement de se faire naturaliser. Il y a une chance de convaincre l’autorité de naturalisation que vous vous êtes éloigné de cette voie. Des témoins pourront éventuellement être cités à cet effet. Si les autorités peuvent être convaincues que l’attitude de la personne a changé, elle peut toujours être naturalisée. Voilà peut-être un héritage des Lumières version allemande. En France il conviendrait évidemment d’ajouter la laïcité.

L’exception dans la loi fédérale

Le Land de Saxe-Anhalt ( ex Allemagne de l’Est), autonome dans l’application de la loi, fait exception en exigeant que les candidats souscrivent une clause supplémentaire reconnaissant l’existence de l’état d’Israël [1]. Cette clause problème car rien ne prouve qu’elle diminuera l’antisémitisme. Elle nourrit le débat public et exacerbe les antagonismes politiques. Il existe également une naturalisation dite discrétionnaire. Les autorités se donnent la possibilité de prendre une décision si certaines conditions sont remplies, elle existe partout, de fait.

Les points forts de la nouvelle loi du 19/01/2024

Réduction de 8 à 5 ans du séjour préalable. 

Naturalisation après 3 ans sous réserve de satisfaire à certaines obligations : obtention d’un certificat CI de langue allemande, justificatifs concrets d’une intégration exceptionnelle, dont bénévolat, pompier volontaire, activités sociales, qualifications et réalisations professionnelles ou universitaires particulières, documentées par l’employeur.

Pour la génération précédente des Gastarbeiter, travailleurs temporaires, une procédure très largement allégée s’applique.

La double nationalité est conservée.

Rien dans ces textes n’est en opposition avec les aspirations de la société française. Encore faudrait-il qu’on cesse de toujours prétendre à la création d’un « modèle français » unique mais rarement simple. Ainsi va le monde.

Note 

[1] Le droit à l’existence de l’État israélien est la raison d’être de l’État allemand », précise le décret, dont l’agence de presse allemande a obtenu une copie. « L’obtention de la nationalité allemande exige l’adhésion au droit d’existence d’Israël ».

C’est pourquoi les candidats doivent confirmer par écrit, juste avant la naturalisation, « qu’ils reconnaissent le droit d’existence d’Israël et qu’ils condamnent tout effort dirigé contre l’existence de l’Etat d’Israël « .

Lors des naturalisations, il convient de vérifier « s’il existe des termes concrets. Si les candidats refusent de faire une déclaration, le décret de naturalisation ne peut pas être délivré. Cela doit être mentionné dans le dossier et la demande de naturalisation doit être rejetée, est-il précisé.

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


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