Tribune. Marek Halter: « La paix demain »

Dans la tribune libre du dimanche de Nice Matin, l’écrivain Marek Halter propose l’organisation sur les Champs-Elysées d’ « une marche de dix mille personnes, Juifs et musulmans réunis ».

Marek Halter by Bruno Lévy

Goethe, le grand poète allemand, disait que les Juifs sont le thermomètre du degré d’humanité de l’humanité. Ce thermomètre semble être sur le point d’exploser.
Regardons autour de nous. En France comme ailleurs, les enfants juifs ont peur d’aller à l’école. Les religieux retirent leurs kippas pour éviter de se faire tabasser dans la rue.
Malgré la protection renforcée de la police, les synagogues flambent: Rouen, La Grande-Motte… Les Juifs se font agresser dans les transports en commun. À Londres, par sécurité, un bus direct a été mis en place pour relier les deux quartiers juifs de la ville.

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur et de la SPCJ(1), les faits antisémites ont augmenté en France de 284 % en un an!
Tout a commencé le 7octobre 2023. Des jeunes pacifistes israéliens avaient organisé, comme chaque année, le festival de musique Nova, sous le signe de la paix avec les Palestiniens. Celui-ci s’est déroulé non loin de la bande de Gaza, administrée par le mouvement islamiste Hamas. Ce jour-là, profitant de l’absence de l’armée israélienne à la frontière, un commando palestinien a déferlé sur le festival, massacrant environ 1.200 personnes, violant les femmes, arrachant même des fœtus du ventre de certaines pour jouer au football. Et, après avoir tout saccagé sur leur passage, ils sont repartis avec 240 otages.

Cet événement aurait dû scandaliser le monde entier; il se passa juste le contraire. Comme si ces scènes d’horreur, filmées et photographiées par les assaillants eux-mêmes, avaient libéré la haine du Juif qui bouillait dans nos marmites recouvertes hermétiquement par la chape de la mauvaise conscience entretenue par le souvenir de la Shoah. « Mort aux Juifs » se sont mis à crier des jeunes qui n’avaient jamais entendu parler d’Auschwitz.

Comme si, à la recherche d’une cause que nous n’étions pas capables de leur fournir, ils s’identifiaient à celle des Palestiniens, reprenant à leur compte la haine des Juifs.
Tout s’entremêle: le rejet séculaire des Juifs, l’ignorance de l’Histoire et les cris de détresse des Gazaouis. Et personne pour parler de paix. Or la paix entre les deux peuples a été signée le 13 septembre 1993. On se souvient de la poignée de main entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le chef de l’OLP Yasser Arafat sur le perron de la Maison Blanche à Washington. J’y étais.

Une « Marche des drapeaux » 

Bien sûr, ceux qui dirigent Israël ou dominent la rue palestinienne aujourd’hui y étaient déjà opposés. Doit-on pour autant désespérer, baisser les bras?

Avec un groupe d’imams conduit par mon ami Hassen Chalghoumi, et le Grand Rabbin Moché Lewin, nous nous sommes rendus à Amsterdam pour déposer des fleurs devant la maison d’Anne Frank. Sous les applaudissements de milliers de Hollandais, nous avons ainsi dit notre solidarité avec la communauté juive qui, depuis Spinoza et en dépit de l’Histoire, n’a pas quitté cette ville.

Je propose aussi une marche de dix mille personnes, Juifs et musulmans réunis, chacun portant un immense drapeau israélien ou palestinien. Cette « Marche des drapeaux », je l’ai prévue sur les Champs-Élysées à Paris, Avenue qui, depuis celle du général de Gaulle à la Libération, a connu tant d’autres marches par le passé. Une telle image, reprise par toutes les télévisions du monde, montrera mieux que tous nos articles le chemin à prendre.

C’était le rêve de deux autres amis: Mahmoud Darwich, grand poète palestinien, et Amos Oz, grand écrivain israélien, tous deux nés dans ce pays que Dieu a, paraît-il, choisi parmi tous les autres. Paix!

1. Service de protection de la communauté juive.

© Eric Neri  

Source: Nice-Matin

https://www.nicematin.com/opinion/tribune-

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