L’appel de trente lauréats du grand prix de l’Académie française pour Boualem Sansal : « Nous ne pouvons concevoir qu’un écrivain soit arrêté »

Boualem Sansal. François GUILLOT / AFP

TRIBUNE. – L’écrivain Boualem Sansal, détenu depuis plus d’une semaine en Algérie, a reçu en 2015 le grand prix du roman décerné par l’Académie française. Les autres lauréats de ce prix prestigieux lancent un appel pressant au président algérien Tebboune.

En 2015, l’écrivain Boualem Sansal recevait le grand prix du roman de l’Académie française pour son livre, 2084 : la fin du monde. Ce prix littéraire créé un siècle plus tôt récompense un roman écrit en français, quelle que soit la nationalité de son auteur. Il est décerné par l’ensemble des membres de l’Académie française présents en séance le jour du vote final avant d’être remis solennellement sous la Coupole quelques semaines plus tard. Par son ancienneté autant que son prestige, ce prix établit une sorte de généalogie littéraire entre chaque lauréat vivant et ses prédécesseurs disparus, dont certains des plus grands écrivains du XXe siècle.

Il suffit de citer François Mauriac, Joseph Kessel, Georges Bernanos, Antoine de Saint-Exupéry ou encore Jean d’Ormesson pour s’en convaincre mais, au-delà, cette distinction instaure une sorte de parenté littéraire entre tous ceux qui ont eu l’honneur de voir leur livre ainsi récompensé. La République des Lettres aussi a ses Grandes Familles et c’est ce qui, aujourd’hui, nous pousse à prendre la plume et à signer cette tribune pour en appeler à la sauvegarde d’un de nos compagnons des lettres.

Le samedi 16 novembre, Boualem aurait été arrêté à l’aéroport d’Alger dès sa descente de l’avion. Depuis, son téléphone mobile ne répond plus, ses proches en France n’ont plus la moindre nouvelle et personne ne l’a revu en Algérie. Les autorités françaises assurent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir la sécurité de notre compatriote, car Boualem a reçu la nationalité française il y a quelques mois à peine ; d’autres écrivains et plusieurs responsables politiques français ont déjà fait part de leur inquiétude et de leur émotion.

Notre démarche n’est ni politique ni diplomatique. Nos œuvres sont différentes, nos styles ne se ressemblent pas, nos univers sont uniques et nos prises de position sont parfois diamétralement opposées mais nous ne pouvons concevoir qu’un écrivain qui n’est coupable de rien, sinon d’écrire et de penser, soit arrêté et disparaisse.

Aussi en appelons-nous aux autorités algériennes et à la plus haute d’entre elles, le président Abdelmadjid Tebboune, pour qu’elles s’assurent de la sauvegarde physique et du respect des droits élémentaires de notre ami. Cet appel solennel n’est pas une agression contre l’État algérien car il lui est lancé au nom de la langue française qui nous a été donnée en partage par l’Histoire et que cet écrivain franco-algérien manie avec tant de talent et de bonheur.

Il y a vingt ans de cela, Boualem Sansal a survécu au séisme de Bourmerdès grâce à un appel lancé par la télévision algérienne qui permit de le retrouver sous les décombres. Aujourd’hui encore, seule l’Algérie peut empêcher qu’il soit à nouveau enseveli. Nous l’en conjurons.


*Signataires : Patrick Modiano (1972), Prix Nobel, Louis Gardel (1980), Patrick Besson (1985), François-Olivier Rousseau (1988), Paule Constant, de l’académie Goncourt (1990), Franz-Olivier Giesbert (1992), Frédéric Vitoux, de l’Académie française (1994), François Taillandier (1999), Amélie Nothomb (1999), Éric Neuhoff (2001), Marie Ferranti (2002), Jean-Noël Pancrazi (2003), Jonathan Littell (2006), Marc Bressant (2008), Pierre Michon (2009), Éric Faye (2010), Sorj Chalandon (2011), Joël Dicker (2012), Christophe Ono-dit-Biot (2013), Adrien Bosc (2014), Hédi Kaddour (2015), Adélaïde de Clermont-Tonnerre (2016), Daniel Rondeau, de l’Académie française (2017), Camille Pascal (2018), Laurent Binet (2019), Étienne de Montety (2020), François-Henri Désérable (2021), Giuliano Da Empoli (2022), Dominique Barbéris (2023), Miguel Bonnefoy (2024).

Source: Le Figaro

https://www.lefigaro.fr/vox/culture/nous-ne-po

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