« Contre les airs déprimés, la joie juive et l’action ». Par Daniel Sibony

La situation est plutôt bonne, et doit en inciter beaucoup à bannir la mine contrite, leurs airs déprimés, le visage abattu (j’exagère, car une fois que ces visages tristes se rencontrent et se mettent à parler, la joie fondamentale revient, la joie increvable d’une transmission symbolique qui a réussi à porter notre petit peuple sur trois mille ans, dans un voyage qui n’est pas près de se terminer contrairement à ce qu’ont pensé les nazis qui avaient fait des chambres à gaz notre terminus. Et contrairement à ce qu’ont projeté des fervents de l’islam un 7 octobre. Car qu’ont-ils fait ? ils ont programmé que le Hamas attaquerait par le sud, le Hezbollah par le nord, ce qu’il a fait, et que l’Iran arriverait à la rescousse pour finir le travail. Ce qui s’est passé est tellement loin de ce plan, et a montré de telles faiblesses et incohérences,  que ce n’est même pas une esquisse d’application malgré les souffrances provoquées, et que cela révèle presque chez eux, une volonté inconsciente d’être eux-mêmes sacrifiés, pourvu que cela fasse souffrir le juif.

 Autrement dit, ce énième djihad antijuif est en train de foirer après celui de 48, de 67, de 73, des intifada et autres attaques Gazaouies ; on n’a pas vu de brigades internationales ou des groupes d’experts venir prêter main forte aux trois instances susnommées. Le monde arabe est resté coi, et même s’il se raccroche à l’idée « pas de dialogue ou de coopération sans un État palestinien », celui-ci semble frappé d’une étrange irréalité et condamnerait tous ces États à flirter avec l’irréel ou le déni de réalité.

Reste la prétendue solitude d’Israël et des juifs de diaspora. De fait, il n’y a pas que les juifs ; des hordes entières d’individus se plaignent de solitude, ne voyant pas qu’elle exprime surtout à quel point ils sont pris par eux-mêmes, enroulés autour de leur vide intérieur ou de leur refus inconscient de s’altérer, c’est-à-dire de mettre de l’autre dans leur moteur, dans leur motivation, bref, d’ouvrir l’espace de jeu avec les autres, en étant exigeants sur ces tiers. 

Or Israël et les juifs sont en meilleur position : même  enroulés sur eux-mêmes, c’est loin d’être autour d’un vide intérieur, car ce vide est rempli de petits réacteurs symboliques qui carburent dans tous les sens, qui aident à maintenir le cap, à poursuivre son chemin sans se laisser, sans se laisser influencer par des exigences de séduction, des fraternités de façade, des complicités faciles. Israël et les juifs sont actif sur les  plans où ils évoluent qui sont nombreux. Bien sûr, il y a des ennemis, et j’explique leur nature depuis mon livre La juive(1981)jusqu’à Les non-dits d’un conflit en passant par Les trois monothéismes (1992). La charte antique de haine envers les juifs je l’ai décortiquée et j’en ai montré la raison. Si le Coran nous fait maudire par son Dieu, Allah, c’est aux termes de petits dialogues conçus par lui, d’où les juifs ressortent noircis ; j’ai retrouvé dans mes Trois monothéismes des exemples où le Coran fait dire aux juifs des choses absurdes pour mieux les fustiger ; les juifs lui disant qu’ils savent déjà le contenu de son message, puisqu’il est pris dans leur Bible, il leur fait dire : « nous savons tout », pour pouvoir leur rétorquer : mais non, c’est Allah qui sait tout, et avoir encore une raison pour les maudire. Ou leur faire dire : la main de Dieu est trop courte, alors qu’ils n’ont jamais dit ça, pour pouvoir les maudire encore. Ce dispositif rappelle des montages connus qui alimentent la clinique des perversions. 

De même aujourd’hui ceux qui nourrissent la haine des juifs en parlant des victimes civiles avec de nombreux bébés morts, produisent un montage pervers où les juifs ont voulu faire ces victimes pour démarrer un plan génocidaire ; preuve qu’ils méritent cette haine. Or c’est le Hamas  qui a monté le dispositif, qui a fait de ces civils le moyen de faire médire des juifs par « tout le monde ». Il a même mêlé le compte de ses victimes à celui des pertes civiles, de sorte que lorsqu’on déplore celles-ci, on déplore aussi les morts du Hamas, ce qui referme la boucle perverse : nous forcer à pleurer sur les morts du Hamas. Cela devrait alerter des esprits honnêtes, tout comme devrait les alerter le fait qu’il y a eu partout durant les guerres récentes, des pertes civiles énormes qu’on n’a jamais mises en avant. C’est aux juifs actuels que l’on doit d’en parler, parce que certains veulent les leur mettre sur le dos.

Il faut donc qu’à la joie d’être ce que nous sommes, s’ajoute, la décision d’agir, de combattre cette infamie, cette manière de reconduire l’accusation de déicide en celle de génocide. Il faut obtenir que soit interdite dans les espaces publics toute réunion antisémite, donc toute réunion avec drapeau palestinien car il est devenu l’emblème du djihad antijuif, ou s’exprime intacte, et où prétend se mettre en acte la haine coranique des juifs.

Cette haine est la vraie cause du conflit, c’est elle qui a poussé les arabes de Palestine à s’en faire en l’instrument et à refuser successivement toutes les propositions possibles, au profit chaque fois d’un djihad supplémentaire.

Le pourquoi de cette haine coranique et par la même islamique qui s’exprime sur le terrain  envers les juifs, je le réexplique dans Les non-dits d’un conflit. Et si je dis haine islamique, cela ne veut pas dire que tous les musulmans sont sur la brèche contre les juifs, ils ont assez de problèmes par ailleurs ; cette haine est confiée, comme le fait le Coran lui-même, aux plus zélés des fidèles. Ces zélés émergent des couches les plus variées et peuvent performer un 7 octobre 2023, un 11 septembre 2001 ; mais après cet acte pieux, c’est toute la Oumma qui applaudit, modérés ou extrémistes confondus.

Mes analyses interpellent le montage islamique comme tel, comme structure, elles sont donc lues avec distance ou suspicion dans des milieux pondérés, y compris juifs, comme si elles allaient couper toutes les chances d’un dialogue, alors qu’on peut fort bien parler et vivre côte à côte avec des gens dont le credo profond voire inconscient, c’est que nous devons disparaître, mais qui refoulent ce credo, car ils trouvent, généreux comme ils sont, que nous méritons de vivre. Mais ces analyses sont reprises de plus en plus, à faible dose, par d’autres auteurs[1].

En attendant, il faut dégonfler le mythe de l’antisémitisme universel ; il est au contraire très délimité, essentiellement musulman, et s’il draine avec lui des gens qui voient dans l’islam et l’immigration une force révolutionnaire, on ne peut pas dire que le quidam occidental soit enthousiasmé par l’islam au point d’épouser sa malédiction sur les autres, et spécialement sur les juifs (pour des raisons que l’on trouvera dans les Non-dits. D’autant que cette malédiction revient peut-être sur la Oumma et que c’est sans doute ce qui l’a plombée mentalement, à son insu, du point de vue de l’évolution historique et culturelle.

©  Daniel Sibony


[1] Sans me citer, ce n’est pas grave ; ce ne sera pas par eux que nous viendra la délivrance si l’on en croit cette phrase du Talmud : Celui qui rapporte une parole au nom de celui qui l’a dite, apporte au monde la délivrance, car il est dit : « Esther parla au roi au nom de Mardochée« .


Ouvrages parus en 2024 

« Les non-dits d’un conflit, le Proche-Orient, après le 7 octobre ». « Cinéma ou réalité ? Entre perception et mémoire ». « L’entre-deux sexuel ».


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1 Comment

  1. La réaction de Mr Sibony est sa réaction, la mienne et beaucoup de personnes qui se désespèrent de la situation en Israel est différente , les massacres du 7 octobre j’ ai du mal à m’en remettre,les soldats qui meurent tous les jours, les israéliens qui ont tout perdu, les otages qui ne sont pas rentrés à la maison. Oui je suis triste, déprimée, impuissante .Le monde entier est contre Israel(espérons qu’il y aura du mieux avec le Psdt Trump)en attendant je continue à dire qu’Israel est seul.

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