CHRONIQUE. Les accusations de « génocide » contre Israël se multiplient, révélant la dérive antisioniste d’une partie de la gauche radicale.
Quand Guillaume Meurice a fait et refait sa très mauvaise et nauséabonde blague sur France Inter, affublant Netanyahou du titre de « nazi sans prépuce », certains n’ont voulu y voir qu’une blague de potache sans comprendre ce que cela pouvait signifier au-delà de la simple personne du Premier ministre israélien. J’avais, ici même, écrit le 15 mai dernier qu’un dangereux glissement s’annonçait : « Netanyahou a été élu dans un État démocratique et que c’est au nom de la souveraineté populaire israélienne et majoritairement juive que ce Premier ministre mène sa politique, nazie pour Meurice et donc nécessairement génocidaire, contre ses ennemis, le Hamas et les Palestiniens. Et si les Israéliens élisent un nazi, c’est donc qu’ils le sont aussi. »
De fait, aujourd’hui, ce glissement a eu lieu. Nous observons, depuis le début de l’intervention israélienne à Gaza en réponse aux attaques terroristes du 7 octobre 2024 et à la prise en otage de 250 personnes, l’application avec laquelle les militants propalestiniens et des élus LFI utilisent, de manière systématique, le terme de « génocide » pour qualifier cette intervention militaire.
Une accusation de génocide martelée
Peu importe que la CIJ ( Cour internationale de justice ) ait répondu à la saisine de l’Afrique du Sud qu’il n’y avait pas génocide, peu importe que les faits ne répondent pas à la définition de la convention sur le crime de génocide du 9 décembre 1948 ou que, malgré les morts quotidiennes, ils ne correspondent en rien à ce que furent les génocides de l’Histoire comme celui des Tutsis au Rwanda en 1994, celui des juifs en Europe entre 1941 et 1945 ou celui des Arméniens en 1915-1916. Peu importe que le nombre de victimes civiles, évidemment trop élevé, soit le triste résultat d’une terrible guerre urbaine entre l’armée d’Israël et les forces armées du Hamas qui évoluent au milieu de la population et n’offrent jamais ses tunnels comme abris aux Gazaouis. Peu importe que si demain le Hamas dépose les armes et libère les otages, la guerre s’arrête immédiatement. Tout cela ne compte pas.
Les appels pour la paix et la fin des bombardements à Gaza sont nombreux dans les universités du monde entier, comme ici à la Swiss Federal Institute of Technology de Lausanne, le 7 mai 2024.
Ce qui compte en revanche, c’est de marteler l’accusation de « génocide », dans chaque prise de parole, dans chaque tweet, accusant indistinctement les dirigeants israéliens, l’armée composée des citoyens du pays et, finalement, le pays lui-même.
Des tags aux entraves
C’est donc fort logiquement que les propos ont peu à peu dérivé vers une mise en accusation de tous les Israéliens, devenus collectivement coupables du « génocide » à Gaza. Mais aussi des Juifs du monde entier, légitimement attachés au seul pays à majorité juive de la Terre qui, le plus souvent, cherchent juste à rappeler que cet État minuscule (quand il y a 22 États arabes) joue sa survie à chaque guerre. Rappeler cela c’est donc, pour la gauche radicale, soutenir les « génocidaires ».
Ils sont ainsi nombreux, militants et élus, à glisser vers une essentialisation des Français juifs solidaires d’Israël comme « soutiens du génocide », à l’image des affiches d’un collectif propalestinien qui a voulu empêcher la convention nationale de l’Union des étudiants Juifs de France (UEJF) de se tenir à Toulouse le 8 novembre. Il arguait du fait que les « génocidaires et racistes » devaient se tenir « hors de Toulouse », tout comme des tags rappellent régulièrement que les « sionistes » devraient se tenir « hors des facs ». L’immense majorité des juifs sont attachés à Israël et donc sionistes, mais « juifs hors des facs » ça ferait mauvais genre. Et puis ces militants ont tous, bien sûr, un ami juif…
Pas de génocide sans idéologie raciste
Aymeric Caron , quant à lui, fait des listes de gens qu’il accuse de soutenir « un génocide multi-documenté et confirmé » (par qui ? on ne sait pas…) établissant des listes presque exclusivement de juifs, évidemment coupables à ses yeux. Mais comme les autres, il pense le faire au nom du Bien, alors tout va bien, il n’est pas d’extrême droite, lui. Il n’est pas raciste, car en réalité, croit-il, ce sont ces Juifs « sionistes » qui sont racistes. C’est ce que dit aussi Jean-Luc Mélenchon qui, pris à partie le 16 octobre 2024 par le collectif « Nous vivrons » lors d’une réunion publique à Chevilly-Larue, qualifie les membres de celui-ci d’« amis du génocide ». Or, il n’y a jamais eu, dans l’histoire, de génocide sans idéologie raciste.
C’est exactement ce que dit cette députée, Marie Mesmeur , que personne ne connaissait et qui gagnait visiblement à ne pas être connue, expliquant dans un tweet hallucinant que les supporteurs du Maccabi Tel-Aviv, « ces gens-là » dit-elle…, agressés par des jeunes visiblement islamistes à Amsterdam le jeudi 7 novembre , « n’ont pas été lynchés parce qu’ils étaient Juifs [c’est sûrement pour cela que les agresseurs demandaient aux gens s’ils étaient Juifs avant de les frapper…], mais parce qu’ils étaient racistes et soutenaient un génocide ». Cette élue du peuple français nous explique donc que ces supporteurs l’ont bien mérité.
De Toulouse à Amsterdam, les tags anti-Israël se multiplient, tout comme les violences perpétrées contre des Juifs.
Justifications des violences
C’est bien la culpabilité collective de tout un peuple qui justifierait le passage à l’acte, devenu légitime, des agresseurs, au nom de la lutte contre l’oppresseur, car, de toute évidence, la violence s’impose face aux « génocidaires ».
D’Israël aux Israéliens et aujourd’hui aux Juifs en général, voici le glissement auquel nous assistons, qui non seulement encourage, mais justifie également les violences à leur encontre. Les nazis étaient convaincus de se battre contre le « judéo-bolchévisme » qui menait, croyaient-ils, une « guerre d’extermination » contre l’Allemagne. Si la guerre ne cesse pas, nous entendrons bientôt parler, si cela n’existe pas déjà, de la « guerre d’extermination » menée à Gaza par Israël, soutenue par le « lobby judéo-sioniste » contre lequel il faudra lutter par tous les moyens…
L’éternelle haine antijuive
Tout en niant bien évidemment l’antisémitisme et les appels à la violence, c’est au nom du bien et de l’antiracisme que la gauche radicale reproduit, aux côtés des islamistes, l’éternel procès en inhumanité des Juifs. Cette haine antijuive qui en fait, depuis l’Antiquité, des ennemis du genre humain, comme l’explique parfaitement le Dictionnaire historique et critique du racisme dirigé par Pierre-André Taguieff .
Drôle d’époque qui voit l’affirmation, depuis le 7 octobre 2024, d’une nouvelle gauche de plus en plus éloignée de son histoire et de ses fondements, marquée par l’ignorance, la bêtise et l’aveuglement idéologique. Une gauche pogromiste.
© Ioannis Roder
Source: Le Point
https://www.lepoint.fr/tiny/1-2575164
Iannis Roder, Enseignas et auteur, a publié entre autres “Iannis Roder ; “Les défis de la démocratie”, “Préserver la laïcité, Les 20 ans de la loi de 2004”, “Tableau noir, La défaite de l’école” ·
« La gauche est une salle d attente pour le fascisme »
(Léo Ferré)