Amos Oz était un pacifiste mais il n’était pas naïf.
J’aime sa métaphore de l’immeuble.
Le Moyen-Orient est un grand immeuble.
Israël n’y a qu’un petit deux-pièces, dont elle se veut propriétaire.
Le seul compromis que lui accordent les autres copropriétaires, les État arabes, c’est d’être un simple locataire avec un bail limité et reconductible sous conditions.
“Le peuple juif mène une guerre suprêmement juste, qui est l’idée sioniste : être un peuple libre dans notre pays. Ne pas avoir de maîtres. Ne pas être une minorité. Ne pas être persécuté. Ne pas faire l’objet de discrimination.
Nous faisons la guerre parce que nous voulons juste deux-pièces dans l’immeuble, aux dépens de notre voisin”.
Un voisin, à qui il a été proposé un autre deux-pièces, et qui a refusé. C’est un quatre-pièces qu’il veut ou rien. Il a demandé notre expulsion.
“Si le peuple juif ne possédait un grand et puissant bâton, nul d’entre nous ne serait là, nous serions morts, nous serions de toute façon empêchés par la force d’être ici. Nous sommes ici parce nous avons un gros bâton”.
…
Lors de la première intifada en 1987, Itzhak Rabin, avait donné l’ordre aux forces de police de “briser les os” des manifestants palestiniens.
Il n’était pas encore cette icône pacifiste, et je me souviens que la presse internationale l’avait cloué au pilori, bien pire que Netanyahu aujourd’hui.
Rabin était un militaire mais, à la différence de Netanyahu, c’était aussi un véritable homme d’état pour qui l’intérêt de la nation passait avant son intérêt propre.
Il avait compris que la situation ne pouvait pas rester figée dans le désespoir de deux peuples.
À Jérusalem, où je vivais, j’écoutais à la radio en boucle, les informations désespérantes et la chanson de Sy Heyman יורים ובוכים, “Tirer et pleurer”. Nous sommes obligés de faire la guerre. De tirer puis de pleurer les victimes innocentes.
La suite a été les Accords d’Oslo, puis l’assassinat de Rabin par un extrémiste juif le 4 novembre 1995.
…
J’étais en voiture, le 4 novembre 1995, quand j’ai appris la mort de Rabin.
Je me suis arrêté sur le bas-côté, et j’ai pleuré.
Jusqu’à aujourd’hui, nous payons les conséquences de cet assassinat.
Nous voulons juste un deux-pièces dans cet immeuble, pas plus.
Il faut convaincre le reste de la famille que nous n’aurons pas plus grand.
Il faut que les autres copropriétaires nous acceptent et que nous puissions, enfin, déposer notre gros bâton.
© Daniel Sarfati
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