De BRICS et de broc. Par Liliane Messika

En janvier 2024, le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) s’est élargi à cinq nouveaux pays : l’Arabie saoudite, l’Egypte, les Emirats arabes unis et l’Ethiopie
[©Marco LONGARI/AFP]

24 octobre 2024

Avec des briques on peut construire des foyers ou lapider des femmes adultères.

Avec les BRICS aussi, on peut construire un avenir ou détruire des civilisations.

Les BRICS, étaient, au départ, un marché commun des pays du sud. Même ceux qui étaient à l’est, même ceux qui étaient au nord.

BRICS, l’autre nom des non-alignés ? Oui, mais NOM.

En 1961 s’est créé le « mouvement des non-alignés », comprendre « ni-ni », ni dans le giron des États-Unis, ni sous la faucille et le marteau de l’URSS.

L’URSS ayant implosé au bout de 70 ans sous la pression (façon cocotte-minute) des ressentiments qu’elle avait fait naître chez les citoyens des pays « frères », on aurait pu croire qu’en effet, les non-alignés représentaient une troisième voie. 

Cet espoir a vécu ce que vivent les roses, l’espace d’un matin : après des louvoiements entre NOEI (pas le Père Noël, le Nouvel ordre économique mondial) et GRILA (rien à voir avec les barbecues, mais tout avec le Groupe de recherche et d’initiative pour la libération de l’Afrique), les damnés de la Terre montrent surtout une aversion profonde pour l’Occident et en particulier pour deux de ses produits phare : la démocratie et la liberté de culte.

En 2000, le B (Brésil), le I (Inde) et le C (Chine) des non-alignés ont créé les BRIC en s’alignant avec la Russie. Ils ont été rejoints en 2011 par S (South Africa) pour devenir BRICS, puis en 2024, par l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, l’Éthiopie et l’Iran. 

Plutôt que de rendre leur sigle imprononçable sur le modèle des LGBTQIA (qu’ils haïssent), ils ont pris un raccourci : BRICS+. 

Ils auraient pu aussi choisir G9, car ils concurrencent le G7, notamment avec la création de la NBD, la Nouvelle Banque du Développement qui leur permet de faire la nique à la Banque mondiale. Et toc ! 

Les BRICS+ cumulent 37% du PIB mondial, mais ils représentent la moitié des Terriens, alors que le G7 est plus riche en PIB (44%), mais moins en populations adhérentes.

L’islamogauchisme capitalise sur les BRICS

Dans toutes les organisations, qu’elles soient étatiques ou commerciales, la taille est un enjeu majeur. Les BRICS+ cherchent donc à recruter des adhérents.

Cela tombe bien, car la Turquie, qui a géographiquement un pied (de nez) dans l’Occident et un pied (qu’elle prend) en Orient, a frappé à la porte le 2 septembre 2024 : « La Turquie peut devenir un pays fort et prospère en améliorant ses relations avec l’Est et l’Ouest simultanément »,  a déclaré le Boss, Recep Tayyip Erdogan, qui montre ainsi à l’Union européenne qu’il n’a pas besoin d’y adhérer pour bénéficier abondamment de ses largesses.

En effet, candidate depuis 1987, la Turquie est de plus en plus loin de remplir les conditions d’entrée dans le club. Ce recul se manifeste au plan de la démocratie, incompatible avec la charia, pour qui l’homme est supérieur à la femme et le musulman est supérieur à tous les autres. Cela n’est pas beaucoup mieux dans le registre de la politique extérieure : la moitié de Chypre est occupée depuis 1974 par la Turquie. Des réserves de gaz y ayant été découvertes, l’UE a vertueusement condamné les activités illégales de forage de l’occupant et l’a respectueusement invité à respecter la souveraineté de tous les États membres de l’UE. 

Puis elle a ouvert son porte-monnaie en 2015, et en déjà a sorti 6 milliards d’euros pour aider le gentil Erdogan à faciliter la vie des 4 millions de réfugiés qu’Erdogan stocke pour son compte. Elle a ainsi, masochistement, offert au Führer de la Sublime Porte un moyen de chantage, qui n’est pas près de s’affaiblir.

La Turquie tient l’UE par la barbichette des migrants et les milliards continuent de tomber dans l’escarcelle de son berger, sans le faire dévier d’un poil de la trajectoire vers le Moyen-Âge qu’il a définie pour son troupeau. 

Un milliard de petits Chinois, et quoi, et quoi et quoi ?

Le rapprochement entre la Chine et l’Afrique, où l’Empire céleste remplace peu à peu la Françafrique, fait peu parler de lui dans l’Hexagone : on n’aime les mauvaises nouvelles que quand elles mettent en scène Israël, de préférence comme attaqué et toujours comme accusé.

Pourtant, le Forum sur la coopération sino-africaine, qui s’est tenu à Pékin du 4 au 6 septembre 2024, à Pékin est le neuvième de sa triennale espèce. 

Ils étaient venus, ils étaient tous là : les chefs d’État, de gouvernement et de délégation de la Chine et de 53 pays africains, ainsi que le président de la Commission de l’Union africaine et leurs ministres des affaires étrangères et de la coopération économique, explique le site du ministère chinois des affaires étrangères : « Il a suivi la tendance dominante de la paix, du développement et de la coopération gagnant-gagnant, a surmonté les défis posés par l’environnement international changeant et turbulent, la lenteur de la reprise économique mondiale et la pandémie de grippe aviaire, et a promu le développement global et approfondi de l’amitié et de la coopération entre la Chine et l’Afrique. Il est devenu une plateforme efficace pour la coopération Sud-Sud et un exemple brillant de catalyseur de la coopération internationale avec l’Afrique.[1] » Vous avez remarqué la pandémie de grippe aviaire ?

Le gagnant-gagnant, c’est surtout la Chine, qui fait main basse sur les ressources géologiques africaines : depuis 2007, elle est devenue usufruitière de la majorité des mines (cuivre, cobalt, or, lithium, métaux rares…) de la République démocratique du Congo et elle prospecte les voisins. 

L’Afrique donne, la Chine investit

Pékin a annoncé « un soutien financier d’un montant de 360 milliards de yuan (soit 50,7 milliards de dollars) » sur trois ans pour le continent africain. Il fut un temps où l’aide à l’Afrique était payée en francs CFA (aujourd’hui abrégés en XOF). 

Cela a changé depuis l’euro : les sommes importantes à l’international sont maintenant calculées en dollars. Sont ? Non, étaient calculées : l’annonce de Xi Jinping montre que ce qui est dépensé en yuan par Pékin ne reste pas à Pékin. C’est çui qui paie qui définit la devise. `

Cette fois, les yuan développeront des infrastructures (voies ferrées, routes, ports, aéroports, réseaux de télécommunication…) et les énergies vertes, ce qui devrait entraîner la création d’au moins un million d’emplois… et de millions de dettes nigérianes, éthiopiennes, angolaises, kényanes et zambiennes dans les banques chinoises. 

Un autre « cadeau » promis à ceux qu’on appelait « pays en voie de développement » du temps du XOF et qui sont devenus les PMA, les pays les moins avancés : « La Chine élargira, de sa propre initiative et de façon unilatérale, l’ouverture de son marché. Nous avons décidé d’accorder à tous les PMA ayant des relations diplomatiques avec la Chine, y compris 33 pays d’Afrique, un traitement nul pour 100% des lignes tarifaires[2] », toujours en Xi Jinping dans le texte.

Prête-moi ta montre, je te donnerai l’heure

C’est un peu le marché conclu de BRICS+ et de broc entre la Chine et ses obligés africains : elle importe leurs matières premières et leur exporte ses produits finis bas-de-gamme.

En août 2023, Xi Jinping avait participé au premier sommet post-Covid des BRICS+, qui se tenait en présentiel en Afrique du sud. Lors de sa conférence de presse, le  porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois avait dégainé l’inévitable « avenir radieux » et conjugué au conditionnel futur du wokisme les verbiages obligés de l’inclusif et du GIEC :

« Sous le thème “Les BRICS et l’Afrique : Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif”, le sommet poursuivra la dynamique de coopération engagée lors de l’”Année de la Chine” des BRICS en 2022 et tracera les grandes lignes d’un avenir plus radieux pour les BRICS.[3] » 

La nature a horreur du vide et l’inconscient est structuré comme un langage. Le vide moral et atone de la France a été comblé par le dynamisme et l’estime de soi de la Chine et les mots pour le dire sont venus aisément à son représentant pour traduire en politiquement correct la colonisation des esprits avec celle des territoires.

© Liliane Messika


Notes

[1] www.mfa.gov.cn/eng/xw/zyxw/202409/t20240905_11485719.html

[2] www.agenceecofin.com/actualites/0609-121327-commerce-la-chine-accorde-un-traitement-tarifaire-nul-a-33-pays-africains

[3] www.fmprc.gov.cn/fra/xwfw/fyrth/lxjzzdh/202308/t20230820_11129251.html#


Initialement paru sur Dogma


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