2 novembre 2024
Mayday, mayday[1] !
À J moins trois de l’élections américaine, tous les renforts se précipitent au chevet de Kamala Harris, à qui on avait donné le bon dieu sans élection, le jour où Biden lui a passé le témoin. Mais au moment de la confession, il faut admettre que son challenger grignote la distance qui les sépare.
Biden n’a pas raté une occasion de lui tresser des lauriers… ce qui n’est pas forcément à l’avantage de la candidate. Obama à la rescousse n’a pas suffi : black opinion matters, mais la couleur ne suffit plus à assurer le vote.
tatsDu coup, l’équipe démocrate a rameuté un blanc plus-que-quinquagénaire et hétéro de surcroît. Bill Clinton, dont le bilan ne se résume pas à une pipe sous la table, a mis à profit son expertise ès-processus de paix pour sauver Harris d’elle-même dans l’État du Michigan, où plusieurs villes vivent à l’heure de la charia.
Il ne suffit pas de promettre la Palestinopalestiniens
Malgré son empressement à le faire, Harris est encore soupçonnée de soutien à l’État juif. Elle a été surprise à marmonner plusieurs fois qu’Israël a le droit de se défendre.
La situation est grave : le maire de Dearborn Heights, Bill Bazzi, et celui de Hamtramck, Amer Ghalib, ont fait la Une en affirmant publiquement leur soutien à Trump.
Il s’agit d’empêcher le virus isolé de se muer en épidémie, d’où le recours aux gloires vintage.
Clinton a montré à cette occasion qu’il n’est pas que “le mari d’Hillary”. Les plus de vingt ans se souviennent qu’il a failli attraper le Nobel de la paix, en 2000 avec le duo Arafat-Rabin. Malheureusement, l’un de ses deux co-futurs-lauréats n’était pas aussi motivé que Sadate et Bégin, qui l’ont obtenu en 1978.
C’est sur cet épisode que Clinton se fonde pour tenter de convaincre les musulmans américains de voter pour Harris, sans transiger avec la vérité historique.
Exercice de voltige
“Laissez-moi vous parler du sujet le plus difficile ici dans le Michigan: le Moyen-Orient. Je pense que nous allons devoir recommencer le processus de paix de zéro. Je comprends pourquoi les jeunes Palestiniens et les Arabes américains dans le Michigan trouvent que trop de gens ont perdu la vie depuis. Mais ceux qui habitaient dans ces kibboutzim, juste à côté de Gaza, ces gens étaient les plus favorables à une amitié avec les Palestiniens, les plus favorables à la solution à deux États dans tout le public israélien. Et le Hamas les a massacrés.[2]“
Chapeau bas, l’artiste… et huées dans le public.
Mais l’ancien président américain n’est plus candidat, aussi peut-il rester dans le réel au lieu de s’envoler dans la propagande mensongère.
Depuis l’échec des négociations de Camp David, en juillet 2000[3], il n’a jamais changé son discours, aussi impopulaire qu’il fût devant certains publics. Ainsi en 2016, dans le New Jersey[4], il a fait un cours sur la duplicité du Hamas tout en insistant sur l’intelligence et l’ingéniosité du mouvement terroriste : “Le Hamas est vraiment très rusé, quand il veut bombarder les Israéliens, il s’insinue au milieu des civils dans les hôpitaux, les mosquées, les écoles des quartiers les plus peuplés, acculant les Israéliens à un dilemme entre ne pas se défendre ou tuer des innocents. Les gens qui critiquent Israël disent “oui mais regardez combien de gens ont été tués en retour”. Mais qu’auriez-vous fait si c’était votre famille qui avait été massacrée ? Si vous aviez toujours été en faveur d’une patrie palestinienne et un jour, ils viennent et massacrent les gens de votre village ? Le Hamas utilise les civils pour se protéger. Il vous force à tuer des civils si vous voulez vous défendre”.
Clinton a expliqué, devant un public plus ou moins hostile, ce qui s’est passé en 2000 lorsqu’il a, lui-même, mouillé sa chemise pour faire accepter au Premier ministre israélien de l’époque des concessions léonines… qu’Arafat a refusées : “Cet accord donnait un État aux Palestiniens sur 96% de la Cisjordanie et ce serait eux qui décideraient où seraient les 4% qui iraient à Israël. Les Palestiniens obtenaient aussi Jérusalem Est comme capitale avec deux des quatre quartiers de la vieille ville et un contrôle sur les tours de sécurité d’Israël en Cisjordanie. Tout cela avait été approuvé par le Premier ministre israélien, Ehud Barak, avec son cabinet. Et Arafat a dit non. Je pense que c’est parce que le Hamas n’a que faire d’une patrie pour les Palestiniens, il veut juste tuer des Israéliens et rendre Israël inhabitable. Eh bien, j’ai des nouvelles pour vous : les Juifs étaient là avant, avant que leur nation (aux Palestiniens, ndlr) existe. Ils étaient là, du temps du Roi David, en Judée-Samarie.[5]“
“Je vous ai compris, mais…“
Bill Clinton n’est pas sexuellement correct, mais textuellement, rien à redire. Et politiquement, c’est un poids lourd. À l’écouter, on regrette qu’il ne soit pas candidat à la place de celle qu’il soutient, car son respect de la vérité et sa hauteur de vues font ressortir tout ce qui manque chez Kamala Harris.
Il a été appelé à la soutenir parce que “certains électeurs du Michigan ne veulent pas voter pour les Démocrates en raison de leur engagement à empêcher qu’Israël ne soit détruit”. Quel autre dirigeant occidental prendrait le risque d’être traîné dans la boue islamophobe pour affirmer une évidence aussi vérifiable ?
“Je pense que c’est une erreur. Je pense que nous devons toujours chercher une voie pour partager un avenir commun. Nous n’avons pas le droit de détruire le chemin qui nous permettra de sortir de ce conflit, aucune des parties n’a ce droit. Ne vous y trompez pas, face à nous, il y a l’Iran, un pays chiite, le Hezbollah, une secte chiite, les Houthis, une secte chiite maintenant associés avec le Hamas sunnite dans l’idée fixe que la seule chose à faire est d’expulser tous les Juif d’Israël”.
Non seulement il appelle un chat un chat, mais il se permet de juger entre le bien et le mal, ce qui est passé de mode parmi les dirigeants de la planète :
“Je suis désolé mais je suis contre cela. Je pense que ce n’est pas bien. Cela contredit tout ce que nous représentons et au final, ce sera mauvais pour le peuple palestinien. Je n’oublierai jamais quand Arafat m’a dit qu’il allait accepter cet accord. Je lui ai dit “vous avez compris que je me soucie des enfants palestiniens ?” Il m’a répondu : “Beaucoup plus que les Arabes ne s’en soucient”. Il m’a dit que les Arabes ne se souciaient des Palestiniens que lorsqu’ils pouvaient accuser les États-Unis et Israël de la colère de leur rue”.
Autre originalité de Clinton, il ne prend pas les électeurs pour des crétins. Pire (ou mieux ?), il ose leur dire qu’ils ne savent pas tout et qu’ils ne sont pas légitimes à croire n’importe quoi :
“Le sujet est beaucoup plus complexe que ce que vous connaissez. Je vous demande de garder l’esprit ouvert. Kamala Harris a dit qu’elle voulait parvenir à mettre un terme à la violence et aux morts et entamer un nouveau processus de paix, cela devrait suffire”.
Cela a suffi pour montrer la distance qui sépare un homme d’État d’une marionnette creuse, mais cela ne présume en rien du résultat de l’élection mardi 5 novembre.
© Liliane Messika
Notes
[1] SOS en anglais.
[2] www.youtube.com/watch?v=mKmSHZ5bLH8
[3] www.newsweek.com/clinton-arafat-its-all-your-fault-153779
[4] www.youtube.com/watch?v=6FkmTB56oks
[5] www.youtube.com/watch?v=mKmSHZ5bLH8
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