Lettre au Président de la République, par Marek Halter

L’écrivain Marek Halter. Photo Berzane Nasser/Abaca


Monsieur le Président, 

Cher Emmanuel Macron, 

Voici que, pour la première fois, je vous écris publiquement. Vous le savez certainement, votre dernière sortie à propos d’Israël et de l’ONU a provoqué un tollé. J’avoue qu’elle m’a heurté moi aussi.

Vous êtes, cher Emmanuel Macron, un être spontané, donc sympathique. Mais en diplomatie, cela joue souvent de mauvais tours. Vos déclarations secouent. Parfois exprimées à la hâte, elles ne correspondent pas à la réalité. En désaccord avec la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, et surtout avec sa récente attitude à l’égard de la Finul, vous lui rappelez qu’Israël doit son existence à l’ONU. Comme si l’ONU avait le pouvoir de créer et de défaire des États.

Votre phrase, si elle est exacte, limiterait donc la légitimité d’Israël et de ses millions d’habitants à la décision des Nations unies de 1947. Une décision qui, certains le pensent encore aujourd’hui, fut prise pour compenser la perte de six millions de Juifs européens dans les fours crématoires. Or pour un peuple enraciné dans la mémoire, rien ne compense un génocide.

La vérité, c’est qu’Israël doit son existence à la lutte acharnée de la communauté juive, qui n’a jamais abandonné la terre de ses ancêtres (voir Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, écrit il y a près de deux cent vingt ans). Une lutte contre l’occupation ottomane, d’abord, puis contre l’occupation britannique. Donc bien avant la Shoah. Cette résistance, devenue de plus en plus intense, et plus sanglante aussi, ensuite, coïncidait alors avec celle menée pour leur indépendance par les Indiens contre les colonisateurs britanniques.

Ces deux mouvements anticolonialistes sonnèrent le glas de l’empire britannique. Cependant, avant de partir, les Anglais humiliés ont attisé les tensions communautaires entre les hindous et les musulmans en Asie, et entre les Juifs et les Arabes au Proche-Orient. Aussi, pour mettre fin à ces deux guerres fratricides, l’ONU a reconnu deux États en Asie, l’Inde et le Pakistan, partition actée par une loi du Parlement britannique, le Indian Independance Act, en août 1947, et deux États au Moyen-Orient, Israël et la Palestine.

Je sais, Monsieur le Président, cher Emmanuel Macron, que vous connaissez aussi bien que moi cette page de l’Histoire. Mais ma lettre rendue publique devait aussi rappeler à ses lecteurs les prémices du conflit qui dure toujours et la recherche d’une issue à laquelle j’ai consacré des années de ma vie.

L’indépendance d’Israël a été proclamée par David Ben Gourion le 14 mai 1948. La Palestine, elle, n’a pas vu le jour alors à cause de l’opposition farouche des États arabes.

Malgré cela, malgré les haines accumulées, malgré le massacre du 7 octobre, la coexistence entre les deux revendications nationales, israélienne et palestinienne, reste possible. La fameuse poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin le 13 septembre 1993, en présence du président américain Bill Clinton, et à laquelle j’ai eu le privilège d’assister, a bien eu lieu. Il y en aura d’autres. Surtout après la mort  du président iranien Ebrahim Raïssi et l’élimination, par Israël, des trois personnages qui prônaient la liquidation pure et simple de l’État juif : le chef politique du Hamas en exil Ismaël Haniyeh, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, et maintenant du chef du Hamas Yahya Sinouar.

Il reste, Monsieur le Président, à la France, outre la voie diplomatique classique, le devoir, je dirais sacré, de réintroduire, dans la politique en général, et dans le conflit du Proche-Orient en particulier, une notion que nous avons malheureusement oubliée : la paix.

Paixshalomsalam : une notion, un mot, répété à l’infini dans les Textes des trois religions monothéistes, et qui était si cher aux illustres figures françaises tels Victor Hugo, Anatole France, Romain Rolland, Péguy ou Barbusse. Cette notion, dont dépend l’avenir de nos enfants, la France doit la faire sienne et œuvrer pour qu’elle advienne.

Avec respect.

© Marek Halter

Source: Les Echos

https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-lettre-au-president-de-la-republique-apres-ses-propos-sur-israel-2126803

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