Ah, ma chère lectrice, je ne sais pas quelle est ta vision politique des choses en ce moment, mais moi, je suis de plus en plus perdu! Je fus à gauche, (très à gauche, même), puis, petit à petit, depuis, disons plus de vingt ans, c’est en train de m’échapper. De plus en plus sûrement.
Je crois que le premier déclic a été au moment du forum social européen de novembre 2003, co-organisé par « Attac », organisation à laquelle j’avais souscrit du seul fait qu’un de ses co-fondateurs était en même temps un ami et un homme en qui j’avais totale confiance. Bernard Maris, une des étoiles de « Charlie-hebdo », assassiné par les deux terroristes islamistes dont, eux, je refuse de donner le nom.
Ces abrutis avaient invité Tarik Ramadan à venir y faire une conférence.
Déjà la convergence des luttes désignait comme voués à s’entendre les prolos qui avaient déclaré la guerre au capitalisme et les islamistes qui avaient déclaré la guerre à l’Amérique.
Déjà, inspirés par les communistes iraniens qui avaient pactisé avec l’ayatollah Khomeini, l’extrême gauche française faisait de l’oeil à l’électorat musulman, (celui de préférence pas trop éclairé.)
Mais je vais, ô ma lectrice, pour que mon propos le soit plus, te faire lire l’extrait d’un article paru dans « Le Temps », journal suisse, édition du 24 octobre 2003:
Dans une tribune libre publiée le 23 octobre par « Le Nouvel Observateur » et titrée « M. Ramadan ne peut pas être des nôtres », Jean-Luc Mélenchon, Manuel Valls et Vincent Peillon, porte-parole des trois grandes tendances du Parti socialiste, estimaient que Tariq Ramadan n’avait pas sa place au Forum social européen. Pourquoi? Parce que dans un texte rendu public sur la lettre de diffusion du Forum social, l’intellectuel genevois s’en était pris à « des intellectuels juifs français », suspects à ses yeux de soutenir Israël par réflexe communautaire. Il visait notamment Bernard-Henri Lévy, Bernard Kouchner, Alain Finkielkraut, Alexandre Adler, André Glucksmann ou Pierre-André Taguieff. Ce texte, refusé par « Libération » et « Le Monde », avait finalement été publié sur un site Internet musulman, « ouma.com »
Outre le fait qu’on puisse ici constater le drôle d’effet un peu urticant que provoque chez nous l’association entre les noms de Valls et Mélenchon, encore honorable à l’époque, voici la tribune en question:
« En pointant les intellectuels désignés comme ‘juifs’ et en les plaçant en dehors de la raison commune », écrivent MM. Valls, Mélenchon,donc, hihi, et Peillon, « M. Ramadan s’est inscrit dans la tradition classique de l’extrême-droite. Ce sont les fascistes qui pensent et parlent ainsi […]. Nous sommes altermondialistes. Nous sommes républicains. Et nous voulons pouvoir être les deux ensemble sans contradiction ni gêne. Républicains, nous ne pouvons admettre que l’on trie les citoyens français en fonction de leur race, de leur origine, de leur religion. Ce déterminisme nous fait horreur […]. Ce que vient de faire Tariq Ramadan porte bel et bien à la haine et à la discorde raciale. C’est un crime contre la République ».
Hébédidonc!
Je conclurai donc cette chronique par deux remarques: d’abord, le fait que les gauchistes, qui croient utiliser les islamistes, n’ont rien appris de l’histoire, qui nous dit que, en 79 en Iran, les premiers se sont fait becqueter jusqu’à la moelle par les seconds.
Inconscience, optimisme, foi en Mélen-Che? Je n’arrive pas à me résoudre à considérer qu’il y ait une option moins pathétique que les deux autres.
Ensuite, c’est que Mémélulu est passé d’un refus, en 2003, de cet islamisme à la volonté de faire déployer des drapeaux palestiniens partout pour arroser l’anniv du 7 octobre 2023.
C’est quoi, la prochaine étape, ducon? Aller te faire sauter dans la nouvelle rédac de « Charlie-hebdo » le 7 janvier 2025 pour les dix ans des Kouachi?
© Christophe Sibille
Christophe Sibille a enseigné la musique à de futurs instituteurs durant 32 ans. Il a aussi écrit des brèves pour plusieurs journaux satiriques ou humoristiques dont « Charlie Hebdo ». Dans les années 80-90, il accompagna le duo « Font et Val » au piano. Il anime sur « Radio Balistiq » l’émission « Le Balistiq café » tous les jeudi 19 heures.
Moi aussi j’étais ou je suis de gauche. C’est pour cela que j’ai depuis longtemps cessé d’être dupe au sujet des partis soi-disant de gauche d’Europe et d’Amérique du nord. Dès les années 70-80, ils ont remplacé la lutte des classes par une lutte des « races » : c’est l’essence même du Nazisme.