Le  pogrom génocidaire du 7 octobre, un an après. Par Daniel Salvatore Schiffer

Le totalitarisme islamiste contre l’universalisme juif

7 octobre 2023 : c’est là, à n’en pas douter, la date la plus funeste, depuis la shoah, crime unique dans les annales de l’(in)humanité, pour l’histoire d’Israël et, en particulier, depuis sa création en 1948. Pis : cet abominable pogrom de nature génocidaire perpétré par les terroriste du Hamas à l’encontre de juifs innocents, d’une barbarie inouïe avec le massacre de plus de 1.200 civils et le kidnapping de 251 otages, fut aussi, par-delà son indicible horreur, une véritable, immense insulte à l’humanité tout entière !

Israël face à la menace existentielle pour sa survie comme pour sa sécurité

Non, jamais Israël, à juste titre, ne pardonnera cet incommensurable crime à l’encontre de ses enfants ! D’où précisément, après cette date fatidique du 7 octobre, qui a irrémédiablement changé le cours des choses pour Israël, et déclenché par la même occasion la réplique de ce même Etat à l’encontre de ses ennemis les plus acharnés (au premier rang desquels émerge la république islamique d’Iran, ainsi que ses principaux proxis, dont le hamas dans la bande de Gaza précisément, le Hezbollah au Liban, les houthis au Yémen, et les milices chiites en Syrie comme en Irak), son inébranlable mais surtout légitime volonté, aujourd’hui, de mettre enfin un définitif terme à ce type de menace existentielle pour sa simple survie, comme, plus immédiatement encore, sa nécessaire sécurité !

Car ce qui motive les ennemis d’Israël, dans leur nauséabonde et criminelle entreprise de destruction de l’Etat d’Israël, ce n’est pas seulement – ce qui serait déjà grave en soi ! – l’antisionisme, c’est-à-dire la haine d’Israël en tant qu’Etat précisément, mais bien, plus profondément encore, une haine viscérale, aussi ancestrale qu’irrationnelle, vieille de trois millénaires en ce qui concerne les extrémistes palestiniens (appelés naguère, en termes bibliques, « philistins », dont l’un des chefs les plus célèbres fut Goliath, géant tué d’une pierre reçue en plein front, par l’habile fronde d’un jeune berger nommé David, futur roi d’Israël), à l’encontre des juifs pour ce seul fait qu’ils sont, justement, juifs !

Judaïsme et tolérance selon Emmanuel Levinas

Cet antisémitisme trois fois millénaire qui coïncida, environ dix siècles avant Jésus-Christ, avec la fondation, par le roi David donc, du royaume d’Israël, un penseur tel qu’Emmanuel Levinas, philosophe contemporain auquel j’ai consacré un important ouvrage, intitulé « La philosophie d’Emmanuel Levinas – métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France, 2007), l’a particulièrement bien analysé tout au long de son œuvre, magistrale, et, de manière plus spécifique encore, dans un recueil de petits mais précieux essais ayant pour générique et significatif titre « Difficile liberté« .

De fait, y écrit-il, s’appuyant là sur une tout aussi pertinente interprétation du « Talmud », au sujet du rapport existant, théoriquement, entre « religion et tolérance » (c’est également là l’éloquent titre de cet article) et, partant, entre le judaïsme lui-même et ce concept de « tolérance », éminemment humaniste, intrinsèque à l’authentique esprit juif, mais malheureusement étranger à l’islamisme radical, qui lui est même, par définition, antinomique, comme le prouvent à suffisance, hélas, les nombreux attentats terroristes, ces dernières et sanguinaires années, du « djihad » (ou encore, en bon français, l’impérialiste volonté, par cette même idéologie islamiste, de conquérir le monde ; et ce en anéantissant, parallèlement, les autres religions, considérées comme la satanique et mortelle conséquence des « infidèles » à la loi coranique) : « Dans le judaïsme, la certitude de l’emprise de l’absolu sur l’homme – ou religion – ne se mue pas en expansion impérialiste qui dévore tous ceux qui la refusent. Elle brûle vers l’intérieur, comme une exigence infinie à l’égard de soi, comme une infinie responsabilité. (…). Mais ce fait transforme le judaïsme en religion moderne, en religion de la tolérance. »

Humanisme de l’autre homme

Davantage ! Car si le judaïsme s’avère effectivement, comme l’affirme ici Levinas, « une exigence infinie à l’égard de soi, comme une infinie responsabilité », connexe donc à l’idée majeure de « tolérance » au sein de l’humanité tout entière, c’est qu’il se fonde aussi, et peut-être surtout, sur le souci d’autrui, le respect de l’altérité, que Levinas appelle encore, en un mot, l’autre : cet « Humanisme de l’autre homme« , comme le spécifie l’intitulé d’un autre de ses meilleurs livres. 

Telle est la raison, précisément, pour laquelle l’éthique levinassienne, et juive plus globalement, se présente, en définitive, comme le paradigme, au sens métaphysique du terme, de l’universalisme ! Et, bien plus encore, un universalisme dont, transposé cette fois sur le plan socio-politique, et non plus seulement théologique, Israël, justement, serait, à en croire toujours Levinas dans son article intitulé « Israël et l’universalisme » (inséré lui aussi en sa « Difficile liberté« ), le garant plus proprement, comme essentiellement, ontologique !

Hannah Arendt : l’antisémitisme, insulte au bon sens

C’est ainsi donc, à la lumière de semblable réflexion, qu’apparaît dans toute sa tragique splendeur, et contre tout obscurantisme, l’impérieuse leçon politico-philosophique de Hannah Arendt en ses monumentales, réparties en trois volumes, « Origines du totalitarisme » : le totalitarisme islamiste serait l’exact opposé, pour le pire de l’inhumanité depuis l’épouvantable, démoniaque avènement du nazisme, de l’universalisme juif ; et l’antisémitisme lui-même de n’être alors, comme elle le profère sans ambages dans le deuxième volet, intitulé « Sur l’antisémitisme » précisément, de cette même somme, qu’une  « insulte au bon sens ». C’est, certes, un euphémisme ! Et un euphémisme dont même la très polémique  « banalité du mal », pour reprendre encore ici une expression chère à Arendt dans l’historique témoignage qu’elle rendit lors du fameux procès Eichmann à Jérusalem, le monstrueux et froid théoricien de la « solution finale », ne peut véritablement épuiser conceptuellement !

101 otages à encore libérer du terrorisme islamiste !

Comment, de fait, expliquer, par ailleurs, cet autre « mal absolu » que fut, précisément, le pogrom génocidaire, perpétré donc par les terroristes islamistes et autres abjects tortionnaires du Hamas, de ce 7 octobre 2023, dont on commémore en des circonstances encore aussi dramatiques aujourd’hui – il reste toujours 101 otages à libérer, de toute urgence, de cet enfer sur terre – le premier, triste et pénible anniversaire ? 

Car, oui, notre cœur, meurtri à jamais, saigne encore et toujours, à l’instar de celui de Théodor W. Adorno lorsqu’il déclarait que nulle parole poétique n’était possible après Auschwitz, à la seule mais effroyable pensée que 101 de nos frères et sœurs, juifs et peut-être même non juifs pour certains d’entre eux, hurlent encore en silence, après une cruelle année de détention, d’angoisse noire et de mort lente, dans les tunnels de Gaza.

De grâce, s’il demeure une once d’espoir en cette terre que l’on ose encore nommer « sainte » après tant de sang inutilement versé parmi nos martyrs, sauvons ces 101 âmes innocentes ! C’est là un impératif catégorique, pour reprendre ici une célèbre formule du grand Emmanuel Kant, lumière d’entre les lumières (l’insigne « aufklärung » allemand), en son illustre « Critique de la raison pratique » et autres, mémorables, « Fondements de la métaphysique des mœurs« .

Le ciel, peut-être, en sera-t-il ainsi moins sombre, à défaut de se montrer véritablement plus clément, sur la face, immensément douloureuse aujourd’hui plus que jamais, de la terre…

Un historique combat pour la civilisation 

En cet historique combat pour la civilisation, contre la barbarie, il en va également de la conscience, démocratique et pacifique, du monde, par-delà même l’avenir, cher à nos pères et mères comme à nos fils et filles d’Israël, seule démocratie, au proche et Moyen-Orient, digne, y compris dans sa composante laïque, de ce beau nom !

                                                    Daniel Salvatore Schiffer*

*Philosophe, écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, dont « La philosophie d’Emmanuel Levinas – métaphysique, esthétique, éthique » (Presses universitaires de France) et « Dialogues du siècle – 7 Conversations » (avec Eugène Ionesco, Vaclàv Havel, Günter Grass, Jean Baudrillard, Gillo Dorfles, Francis Fukuyama, Emmanuel Levinas) ; Directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie »  (Editions de l’Aube/Fondation Jean Jaurès), « Repenser le rôle de l’intellectuel (Editions de l’Aube), « L’Humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir. Contre les nouveaux obscurantismes«  (Editions du Cerf). 

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