Cette infamie que le 7 octobre a libérée. par Franz-Olivier Giesbert

Photo Francesca Mantovani pour les Editions Gallimard

Il y a un merveilleux sketch du merveilleux humoriste Jean-François Derec, qui s’appelle : “Comment j’ai appris que j’étais juif”. Moi, je suis en train de le devenir.

Je ne suis pas juif mais depuis le pogrom géant du Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, chaque jour qui passe, je me sens de plus en plus juif. Dans notre pays, en Grande-Bretagne et même aux Etats-Unis, le fond de l’air n’est plus frais pour les différentes communautés juives, il est en train de devenir putride, abject, irrespirable. 

Si j’ai souvent honte de ce qu’écrivent mes confrères sur ce conflit, je suis fier de continuer à travailler au magazine Le Point qui, sous houlette d’Etienne Gernelle, ne lâche rien et où ses éditorialistes se battent pour la vérité, de Luc de Barochez à Kamel Daoud en passant Bernard-Henri Lévy et l’extraordinaire Peggy Sastre qui vient de publier, sur le 7 octobre, un grand livre à lire de toute urgence, Ce que je veux sauver aux éditions Anne Carrère.      

Il a fallu beaucoup de temps aux autruches des médias pour le reconnaître enfin, même si beaucoup font encore de la résistance : l’antisémitisme n’est pas “résiduel”, comme dit Mélenchon; au contraire, c’est même “une valeur” qui monte, comme le prouve l’explosion des actes antisémites qui, depuis le début de l’année, ont augmenté de 200 % en France (1). Pour complaire à plusieurs couches de la population, à commencer par les islamistes et les jeunes, des politiciens au rancart ont donc enfourché sans vergogne le cheval antisémite afin de se faire une santé électorale. 

La suite, hélas, ne leur a pas donné tort. Il y a aujourd’hui en France, si j’ose dire, un gros marché pour l’antisémitisme; il fallait une offre électorale. Nous avons été servis. Et, la preuve a été faite, l’ignominie paye : les pontes de LFI qui jouaient le plus avec l’antisémitisme, ont été bien récompensés, qui ont obtenu des beaux scores aux dernières législatives. Après ces résultats, on peut craindre qu’ils ne fassent des émules. Certes, ils diront qu’ils sont seulement antisionistes. Mais tous leurs éléments de langage prouvent le contraire.

Y a-t-il vraiment un bon et un mauvais antisémitisme ?

La plupart ont adopté sans le dire la stratégie des islamistes qui ne souffrent pas l’idée qu’il reste un seul juif en France. D’où l’injonction qui est sans cesse faite à la communauté juive de retourner vivre chez elle, à Tel Aviv, comme le réclamait en 2019, en marge d’une manifestation de Gilets Jaunes, un certain Benjamin W., soi-disant antisioniste, à Alain Finkielkraut qu’il traita de “sale sioniste de merde”, ce qui change en effet du “sale juif” traditionnel des antisémites d’antan. Une fois là-bas, Dieu sait quel sort il imaginait pour Finkielkraut puisqu’en tant qu’antisioniste, il était partisan de la destruction d’Israël…   

L’antisémitisme n’est plus l’apanage d’une France “rance” ou “moisie”, comme feint de le croire une certaine gauche, mais de nouvelles communautés ou générations, qui prétendent incarner l’avenir. Il y a les quartiers “populaires”, comme dit Mélenchon pour désigner les banlieues musulmanes, mais il y aussi les quartiers chics et friqués sur lesquels flotte un antisémitisme d’atmosphère. La haine du juif est d’autant plus dangereuse qu’elle bénéficie de la complaisance des néo-collabos qui feignent de sous-estimer le phénomène ou qui, comme dans une tribune récente, publiée par Le Monde, distinguent le mauvais antisémitisme (de droite évidemment) et le bon antisémitisme (de gauche bien sûr). Les pouacres!  

Il y a plus d’une décennie, apparurent, à travers l’islamo-gauchisme, les premiers miasmes de cet antisémitisme, déguisé en antisionisme. Il trouva rapidement des échos dans le pays. Je décidai alors d’étudier de près la montée du nazisme en Allemagne pour comprendre le phénomène avant d’écrire un roman sur la période, Le Schmock. A ma grande surprise, je découvris que, contrairement à ce que nous expliquent tant d’historiens français (de gauche), Hitler n’avait pas été porté au pouvoir par la droite, ni par le patronat, ni par les électeurs -tant qu’elles furent libres, il n’a jamais “gagné” d’élections, même s’il est arrivé à son parti de faire des scores de plus de 30%.

En finir avec la molle indolence

En fait, le nazisme a conquis l’Allemagne grâce à la molle indolence de ceux qui auraient dû s’opposer à lui, y compris les communistes qui ont fait un bout de chemin avec lui -en votant des lois ou en fomentant des grèves, ce qui avait tant choqué la philosophe Simone Weil. Tous ses ennemis potentiels sous-estimaient Hitler qu’ils trouvaient, non sans argument,  “bête” ou “fou”. La preuve, les Allemands ne se jetèrent pas sur son livre-programme Mein Kampf dont, contrairement à ce qui a souvent été dit, les ventes furent modestes jusqu’à l’arrivée au pouvoir du Führer  : devenu le livre officiel du IIIème Reich, il fut alors distribué gratuitement, ce qui explique les tirages. Ajoutons à cela que beaucoup de Juifs n’arrivaient pas à croire que le pire était possible.

Pour mesurer l’importance de ce nouvel antisémitisme, il suffit de se souvenir des réactions de joie qui ont suivi, en France, le pogrom géant du 7 octobre 2023, comme s’il libérait les forces du mal jusqu’à présent tapies dans l’ombre. Que faire pour le contenir ? Le contraire ce qu’a fait l’Allemagne quand Hitler s’approchait des portes du pouvoir : dénoncer, hurler, crier, intenter des procès, lutter sans répit contre la désinformation qui, est, avec la construction du bouc émissaire (juif), l’arme principale de l’antisémitisme.

La désinformation bat son plein, ces temps-ci. Elle a réussi à convaincre une partie des Français que les mensonges sont des vérités et inversement : ainsi les Juifs seraient des “colons” -qui plus est, “génocidaires”-  envahissant une terre arabe où ils n’avaient rien à faire alors qu’ils l’habitaient pourtant il y a plus de trois mille ans. Pour comprendre jusqu’où peuvent aller les délires des désinformateurs, il faut avoir lu l’hallucinante nécrologie parue dans Le Monde d’Hassan Nasrallah, l’ignoble chef de l’ignoble Hezbollah,  l’homme qui voulait tuer “tous les juifs de Palestine”. 

Qu’importe si son organisation terroriste et maffieuse qui a racketté et saccagé le Liban, a aussi beaucoup massacré, notamment 58 soldats français en 1983. Après son élimination par l’armée israélienne, le 27 septembre dernier, il a eu droit à un portrait qu’on aurait pu titrer “Nasrallah, saint et martyr”. Qu’on en juge : “chef charismatique”, il était “respecté pour ses talents de stratège” et même “adulé comme un nouveau Nasser ou un Che Guevara arabe”. «”Objet de fascination”, il était, bien sûr,  “intègre”, “la modestie de son train de vie le prouve”. Le Monde oublie, bien sûr, d’évoquer sa fortune personnelle estimée à 1,5 milliard et l’emprise financière du Hezbollah sur le Liban, devenu sa “chose”. Rien non plus sur les suspicions fortes de trafic de drogue qui pesaient sur lui. Une belle personne, Mère Teresa en personne, comme un ange tombé du ciel, on vous le dit.

A propos de Nasrallah, pourquoi les médias n’ont-ils quasiment pas parlé des scènes de liesse spontanées qui se sont multipliées après son élimination parmi les Libanais, les Syriens et les Iraniens qui vomissent la République islamique ? Parce que ces images gênaient ? Parce qu’elles montraient qu’il n’était pas si populaire ?      

Ne rien laisser passer, ré-informer les désinformés et réveiller tous ceux qui dorment encore : tels doivent être désormais les nouveaux mots d’ordre. Comme on disait jadis, ce n’est qu’un début, continuons le combat. 

(1) Déclaration de Gerald Darmanin, ancien ministre de l’Intérieur, le 25 août 2024.

© Franz-Olivier Giesbert

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*