Adolf Hitler nommé pour le prix Nobel de la paix. La blague, qui n’en est pas tout à fait une, cache plusieurs lauréats qui ont, eux, de véritables liens avec le régime nazi, en sciences mais aussi en littérature.
Hitler Prix Nobel de la paix ? Le nom du dictateur allemand figure toujours dans le très officiel registre des propositions. Nous sommes en 1939 et cette année-là, Erik Brandt, député suédois, soumet la candidature du dictateur allemand, « ardent défenseur de la paix ». La proposition – ironique mais incomprise, son auteur passera pour un fasciste – n’est pas étudiée… Et tant mieux, car Adolf Hitler l’aurait probablement refusé. Trois ans plus tôt, en 1936, le Führer a ordonné aux citoyens allemands de décliner le prix à l’avenir. La raison : l’Allemand Carl Von Ossietzky, démocrate et anti-nazi, avait alors reçu la précieuse distinction après que 93 personnalités avaient soumis cette proposition. Depuis, entre le Troisième Reich et le prestigieux prix norvégien, c’est la rupture.
Pourtant, le régime nazi a besoin de la science pour asseoir son idéologie. Les intellectuels lui servent à justifier ses théories, mais aussi à mettre au point certaines armes. Pis, la déportation offre à certains scientifiques la possibilité de mener des expériences sur des êtres humains. Bref : pour « nettoyer » l’Allemagne, le régime se repose sur des médecins, psychiatres, physiciens, chimistes. Et donc sur certains Prix Nobel. Une page difficile à tourner pour la récompense suédoise, puisqu’il est impossible de retirer un prix à un lauréat. Petite histoire des Nobel plus ou moins proches du régime nazi.
PHILIPP LENARD, LA PHYSIQUE ARYENNE
Dans la première partie du XXe siècle, la science allemande a le vent en poupe. 23 des 71 prix Nobel sont attribués à des Allemands. Parmi eux, Philipp Lenard, récompensé en physique en 1905 pour ses travaux sur les rayons cathodiques. Mais il est aussi l’un des promoteurs de la « Deutsche Physik » ou « physique aryenne » après le début du troisième Reich, en 1933. « Il devint un membre convaincu du Parti national-socialiste de Hitler et y adhéra sans réserve. Le parti a répondu en faisant de lui le chef de la physique aryenne ou allemande », lit-on sur sa biographie sur le site du Prix Nobel.
Qu’est-ce que la physique aryenne ? Surtout une façon de promouvoir l’idéologie nazie : liée aux « races», elle sert directement le régime en place. Elle s’oppose à la supposée « physique juive », en dénonçant par exemple par exemple les travaux d’Albert Einstein sur la relativité ou encore la physique quantique. Les relations de Philipp Lenard et Einstein se détériorent d’ailleurs progressivement à partir de la Première Guerre mondiale.
JOHANNES STARK, LA SCIENCE POUR LA NATION
Philipp Lenard n’est pas le seul défenseur de la « physique aryenne » auquel la prestigieuse récompense de physique accorde du crédit. Johannes Stark est lauréat en 1919, après que son nom a été proposé par 11 personnalités. La récompense porte sur « sa découverte de l’effet Doppler dans les rayons du canal et de la division des lignes spectrales dans les champs électriques ».
Comme son homologue décoré quelques années avant lui, il soutient fermement Hitler, et ce dans les quinze années qui précèdent sa retraite en 1939. Il considère que la science doit servir la nation, et donc aider l’industrie allemande d’armes. À l’issue de la guerre, il est condamné à quatre ans d’emprisonnement par un tribunal de dénazification.
RICHARD KUHN, LES ARMES CHIMIQUES
La chimie est une discipline active en Allemagne au début du XXe siècle : entre 1901 et 1933, 7 prix Nobel de chimie sont remis à des Allemands. Et d’autres chimistes sont décorés alors que Hitler est au pouvoir – même s’ils doivent, au vu du conflit qui oppose le Führer au prix norvégien, attendre la fin de la guerre pour recevoir leur Nobel. Ainsi, Adolf Butenandt, est lauréat en 1939. L’homme adhère au parti nazi, mais ne joue pas un rôle particulier pour ce dernier.
Mais son homologue Richard Kuhn, décoré dans la même discipline l’année précédente pour ses travaux sur les caroténoïdes et les vitamines, va beaucoup plus loin et met sa science au service de l’idéologie nazie. « Lorsque la guerre a commencé, Kuhn a étudié les moyens de protection contre la guerre chimique », lit-on sur le site de l’École polytechnique fédérale de Zurich. Il mène des recherches sur les armes chimiques et les gaz toxiques à partir de 1940. « En tant que membre du réseau de recherche sur la guerre, il a également été indirectement impliqué dans des expériences sur les humains », mentionne également le texte. Il n’hésite pas non plus à faire en sorte que ses collègues juifs ne puissent plus exercer. « En 1933, il congédia ses collaborateurs juifs », note également sa biographie : « Il a également dénoncé un collègue qui continuait d’employer des travailleurs juifs ».
KNUT HAMSUN, L’HOMMAGE À HITLER
Cette fois, le lauréat du Nobel pro-nazi n’est pas allemand mais norvégien. En 1920, Knut Hamsun reçoit le Prix Nobel de littérature pour son ouvrage L’Éveil de la glèbe paru trois ans plus tôt. Médaille qu’il offre par la suite… à Joseph Goebbels. En effet, il soutient le parti d’extrême droite pro nazi norvégien pendant la Seconde Guerre mondiale et admire le troisième Reich. Il est même reçu par Adolf Hitler en 1943. Il lui rendra hommage à ce dernier une semaine après son décès, le qualifiant de « guerrier pour l’humanité».
© Margot Brunet
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