Jérusalem, le 26 septembre
Profitant de ce que la langue française nous est commune tout en reprenant le tutoiement que nous offrent l’arabe et l’hébreu, nos autres paysages mentaux dans cette région riche de ses diversités, je m’adresse à toi comme à un ami, excluant donc de cette apostrophe ceux qui, dans ton pays, voient l’altérité comme un danger et la réduction au djihadisme comme une solution.
Car, j’en suis convaincu, malgré et dans la douleur que nous inflige l’actualité, nous avons tout, vraiment tout ou presque, pour que cette amitié s’affirme, se développe, constitue même pour les autres un exemple.
Ces autres qui ont fait de ta patrie la base de tous leurs combats, le champ d’application de leurs idéologies mortifères.
Nous avons tant de choses à partager, à commencer – pour ne pas réduire ce post à des considérations bêtement économiques – par des problématiques communes : comment dépasser le tribalisme de façon à œuvrer pour le bien commun ? comment accepter que d’autres modes de vie puissent bénéficier à tous ? comment repenser la politique pour en faire un espace de dialogue ?
Tu as fait les frais du combat que d’autres ont mené contre nous.
Nous en payons aussi le prix. Et il est élevé : chaque vie perdue de part et d’autre de la ligne dite bleue est un scandale.
Le dire, avec sincérité – accorde-moi le crédit de la sincérité, même si par ici ce mot est souvent perçu comme une faiblesse ; à tort ! – ne doit pas nous épargner une réflexion sur ce qui se passe.
Israël n’est pas un corps étranger dans cette région.
Israël n’a aucune prétention territoriale sur le Liban et rien ne devrait nous empêcher de vivre en excellent voisinage, apprenant l’un de l’autre, donnant l’un à l’autre.
Le peuple d’Israël est de retour sur la Terre d’Israël et toute tentative de lui dénier ce droit s’est, quasi-automatiquement, traduit par une dégringolade de plus dans la descente aux enfers que vivent les Libanais. De l’OLP au Hezbollah, qui vous ont fait tomber de Charybde en Scylla, du dictateur syrien aux allumés à turban qui depuis Téhéran mettent le feu à votre pays, vous êtes davantage victimes de la folie des autres que sujets de votre propre histoire.
Pourtant, le modèle libanais, même s’il est en échec depuis bientôt un demi-siècle, même s’il est issu de quelques traits artificiellement tracés par les grandes puissances d’alors, peut encore représenter un horizon.
C’est de cet horizon pacifié que je voudrais tant parler avec toi. Car les bombes se tairont, et pourra alors commencer, pour autant que tu le veuilles et qu’aient été neutralisés tes bourreaux, un véritable échange dans lequel tu seras vraiment toi et non plus, pathétiquement, l’instrument des plus violents.
© Joel Hanhart
Joel Hanhart est ophtalmologiste au Zedek Médical Retina, Jerusalem
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