Nidra Poller. Cris de guerre XX. 1/2 Élections américaines : Le Débat 

10 – 20 septembre

Je suis perplexe : suite sans fin

Il ne s’agit pas ici de donner des consignes de vote, mais de rendre compte des divergences et interrogations, au cœur du parti Republican et auprès des électeurs potentiels, sur la stratégie menée depuis le retrait de Joe Biden, remplacé par Kamala Harris comme candidate Democrat. On suivra également la montée de courants inquiétants pour les Juifs.

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Élections américaines : Le débat

Si, en conséquence du premier débat, le président Joe Biden a renoncé à sa candidature, le second aurait pu éliminer l’ex-président Donald Trump. Mais c’est trop tard. Les Republicans lui sont liés à la vie à la mort. L’avantage de Kamala Harris dans les sondages ne garantit pas sa victoire dans un concours serré, aux rebondissements fréquents et dramatiques. Si bien qu’on a du mal, aujourd’hui, à se pencher sur les deux heures de confrontation qui ont laissé groggy un Donald Trump grognon, méchant, renfrogné, incohérent et inconséquent. Son Verbe cahotait comme un chevalier jeté par sa monture et traîné sur un chemin boueux.

On voudrait faire croire que l’ex-président parle cash. En fait, c’est le discours pauvre d’un homme qui ne lit pas de livres et, selon John Bolton [The Room Where it Happened ] son ancien conseiller en sécurité nationale, ne lisait pas les briefings préparés par ses collaborateurs. Répétant des formules maladroites –tout est le meilleur ou le pire jamais depuis toujours — animé de rage et de ressentiment, il labourait le terrain avec un marteau-piqueur en Playmobil.

Inconscient ou indifférent aux implications de la référence, l’ex-président s’est vanté de la recommandation du pro-Poutine Viktor Orban, un homme respecté, un homme fort, a strongman, qui insiste sur l’urgence de l’élire, lui, a fellow strongman, pour diriger les Etats-Unis et protéger le monde.

Persuadé qu’il fallait gifler la vice-présidente Harris au sujet de l’immigration incontrôlée, Trump l’a pourtant ratée à chaque coup. On retiendra l’histoire des migrants haïtiens qui mangent les animaux de compagnie des bonnes gens de Springfield, Ohio, et celle des pays, la Venezuela par exemple, qui vident leurs prisons et asiles pour déverser les criminels et les fous sur les Etats-Unis. 

En somme, des arguments à la base porteurs ont été perdus dans la confusion et écrasés par la pièce de résistance : l’élection de 2020 volée.

Libre à chacun de se servir au buffet des évaluations du débat. Pour les disciples les plus fervents, Trump a gagné la médaille d’or dans un combat de trois contre un : les modérateurs ont filé les questions à l’avance à Camarade Kamala, qui recevait les réponses à travers ses boucles d’oreille-écouteurs. Nombreux Republicansinfluents ont avoué que  la performance de leur candidat était désastreuse. Du côté Democrat c’était un mélange de soulagement –on craignait le pire de Harris–et de satisfaction. 

N.B. Rien sur l’antisémitisme qui ravage les USA depuis le 7 octobre, rien sur le jihad à la veille de l’anniversaire de l’attentat du 11 septembre. On dirait que ces sujets sont tabous aux USA.

Sondage Quinnipiac 

Une semaine post-débat: 

Michigan :    Harris 50%  Trump 45%  Stein 2% 

Wisconsin:   Harris 48%  Trump 47%   Stein 1% 

Pennsylvania: Harris 51%  Trump 45%  Stein 1%  Oliver 1%

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WWIII :  le projet, le danger

Du côté de la droite autrefois « anti-jihad » certains se focalisent aujourd’hui sur la troisième guerre mondiale. L’AFA [American Freedom Alliance] en a fait un « projet » : des experts, comme mes amis Frank Gaffney, Robert Spencer et Steve Coughlin, sillonnent les États Unis pour avertir du danger posé par l’archi-ennemi, la Chine communiste. Inspirée et soutenue par Steve Bannon, l’AFA présentait à ses débuts des intervenants de qualité, comme Douglas Murray. Aujourd’hui, ce sont plutôt des illuminés, trainant la valise élimée de l’union des droites européennes promue par Bannon en collaboration avec Marion Maréchal, Viktor Orban, feu Dougina … 

Aux yeux du New York Sun le danger d’une troisième guerre mondiale vient de la faiblesse de l’équipe Biden-Harris. J.D. Vance, le colistier Republican, l’attribue aux interventions hasardeuses dans des conflits étrangers qui ne nous concernent pas. L’Ukraine, par exemple. Il refuse de voir mourir des soldats américains en Crimée.

On regardera tout cela de près. Commençons avec l’analyse pondérée d’Emmanuel Navon.

L’Ukraine : thumbs up 

L’Europe peut en même temps condamner la Russie et soutenir Israël

Emmanuel Navon, auteur d’une œuvre magistrale [L’Etoile et le sceptre ] sur les relations étrangères d’Israël, s’adresse à la question souvent posée par des Européens : Comment justifier vis-à-vis du Sud global notre condamnation de la Russie, alors que nous soutenons Israël ? Le mal-nommé « Sud global »– autrefois connu comme le  « Tiers monde »– est une absurdité. La Corée du nord y est, mais la Corée du sud appartient au « Nord global ». La Chine, avec un PNB de 18 000 milliards, est classée au Sud, la Russie dysfonctionnelle au Nord ; les pro-américaines Argentine et Inde sont regroupées avec les gauchistes Chili et Venezuela et ainsi de suite. « Le Sud global est une fraude».

Voici la vraie polémique :

La Russie, le plus grand pays du monde, est une autocratie agressive déterminée à étendre son pouvoir sur les anciennes républiques soviétiques et à subvertir– en collaboration avec la Chine, la Corée du Nord et l’Iran–l’ordre mondial fondé sur des règles, instauré après la deuxième guerre mondiale. La Russie a déclenché une guerre de conquête contre l’Ukraine, où elle commet sciemment des crimes de guerre.

Israël, l’un des plus petits pays du monde, une démocratie entourée d’États défaillants phagocytés par l’Iran, qui organise des assauts coordonnés, cible d’une attaque barbare par le Hamas le 7 octobre, se défend comme n’importe quel Etat normal (et en conformité avec la Charte de l’ONU).

Il y a des victimes civiles à Gaza, mais on devrait juger Israël selon les mêmes normes que d’autres démocraties. L’expert militaire John Spencer déplore le «  refus de reconnaître qu’Israël a pris plus de précautions pour protéger les civils que n’importe quelle armée dans l’histoire ». 

L’Iran et la Russie sont des agresseurs. Israël se défend contre un projet génocidaire, tout en protégeant l’Occident. « Si Israël et l’Ukraine sont vaincus, l’axe russo-iranien, soutenu par la Chine, déclarera victoire et la chute du Taiwan s’ensuivra ». Les États baltes et l’Europe de l’Ouest seront dans la ligne de mire. Le président Biden a observé (9 octobre 2023) :  « Le Hamas et Poutine présentent des menaces différentes mais partagent une même détermination de détruire une démocratie voisine ».

« C’est aussi simple que ça. Non seulement l’Europe peut condamner la Russie et soutenir Israël, mais elle doit le faire ».

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L’Ukraine : thumbs down  

C’est la Donald-Trump-solution aux conflits misérables qui empêchent de tourner en rond. Si j’étais président, si l’élection de 2020 n’avait pas été une tricherie, la Russie n’aurait jamais envahi l’Ukraine, le Hamas n’aurait pas attaqué Israël et quand je serai de nouveau président, tout sera, et en plus les otages, tout cela sera réglé au lendemain du scrutin et avant que je n’entre dans mes fonctions. Il a brièvement élaboré son plan au cours du débat du 10 septembre : Il prendra son téléphone, il appellera Zelensky et puis Poutine, « je les connais bien », il les mettra ensemble et on fera la paix. 

Je l’avais dit [Cris de guerre XIX] : « comme en Afghanistan ». 

Enfin, dans une longue conversation avec Ryan Shaw, J.D. Vance a étouffé la proposition. Les grandes lignes sont reprises dans un article du Kyiv Independent ainsi que dans le Figaro:  Les deux pays seront séparés par une zone démilitarisée [le Donbass ?], les Russes garderont la Crimée, l’Ukraine restera neutre, n’intégrera pas l’OTAN, l’UE ou tout autre organisation internationale. Le Kyiv Independent publie quelques messages échangés entre le nouvel élu sénateur Vance et le complotiste notoire  Charles Johnson, révélés par le Washington Post. En octobre 2023, Vance se confie: « Je ne réponds même pas à leurs coups de fil, mec. Deux pontes, le chef des renseignements, le chef de l’armée de l’air, ils m’ont cassé les couilles pour ces putains de F16. » 

Quelques semaines plus tard, le Sénat a bloqué l’aide à l’Ukraine et à Israël.

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Kamala Harris : thumbs down 

On apprend, de multiples sources, que la candidate Democrat est boudée par certains électeurs mécontents de sa politique moyen-orientale.  

Matt Margolis de pj media, cite l’enquête de Major Garret de CBS News à Dearborn, Michigan, où un tiers de la population est arabe-américain. Garret a trouvé un soutien solide pour Trump auprès des gens sensibles à la situation à Gaza. Ils pensent tous les jours aux souffrances de leurs proches. Margolis calcule que la marge est étroite et Trump a de bonnes chances de gagner. S’il prend la Pennsylvanie et le Michigan, il ne perdrait pas le Wisconsin, barrant définitivement la route à Harris.

[Special Dispatch | 11550 | September 10, 2024] MEMRI publie un compte rendu du lancement, en North Carolina, de la campagne « Abandon Harris » menée par une équipe basée dans le Michigan et active dans neuf États. Il faut abandonner Harris, déclare l’Imam Abdallh parce qu’elle déshumanise les Palestiniens, tout comme Biden.  La militante écolo, Rania Masril, appelle à abandonner « la suprémaciste blanche grimée en Noir ». Il faudrait créer une alternative aux deux partis criminels,–Republican et Democrat–en commençant par la défaite de Harris en novembre. Fâchés par son refus d’imposer [à Israël] un cessez-le-feu, les militants sont divisés sur les consignes de vote. Trump ? Un candidat d’un tiers parti ? A write-in ? Personne ?

Rachida Tlaib, Représentante de l’Etat de Michigan, d’origine palestinienne, consternée par le refus de Kamala Harris de tenir compte des exigences du mouvement propalestinien, ne soutient pas la candidate de son parti. S’adressant à la Congressional Black Caucus Foundation, elle recommande de voter pour le candidat qui promet un cessez- le-feu [israélien] à Gaza. Ruwa Romman, palestinienne, Représentante de l’Etat de Georgia, dit qu’elle aurait bien voulu soutenir Harris, mais la DNC (Democratic National Convention) l’avait snobée. 

On trouve d’autres détails dans un reportage du Washington Examiner sur le rejet de la vice-présidente/candidate par le mouvement des « uncommitted » [qui ont mené campagne contre Biden lors des primaires Democrat]. Les co-fondateurs Layla Elabed et Abbas Alawieh dénoncent sa prise de position « moralement injustifiable et politiquement myope. Puisque l’administration n’a pas fait subir des conséquences pour l’agression contre les civils de Gaza, Israël a enchainé en envahissant la Cisjordanie.  La vice-présidente devrait s’aligner sur la majorité américaine, opposée à la fourniture d’armes à Israël ».

Interviewée par l’Association des journalistes noirs, Kamala Harris a réitéré la politique de l’administration Biden qu’elle compte poursuivre. Pressée à plusieurs reprises de reconnaître le bien-fondé d’un embargo sur les armes pour Israël, elle a soutenu le droit d’Israël de se défendre, le devoir de le faire en prenant soin de protéger la population civile –il y a trop de morts dont des femmes et des enfants–en rappelant le massacre épouvantable subi le 7 octobre, les otages toujours retenus, dont plusieurs Américains. L’administration travaille jour et nuit pour obtenir leur libération et un cessez-le-feu, avec la promesse d’un avenir meilleur pour les deux peuples, la solution à deux États, la sécurité pour Israël, la libération nationale pour les Palestiniens.

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Outreach antisémite 

On a identifié le pro-Trump Future Coalition PAC [Public Action Committee] comme source d’une publicitédiffusée dans les médias de Michigan– une vidéo sarcastique, vantant les liens entre Kamala Harris et Israël, en soulignant ses liens étroits avec son mari juif.

La suite :

Raining cats and dogs [il pleut des chiens et des chats] / Cris de guerre XX bis à paraître…

N.B. MOYEN-ORIENT :

AVIS AUX INSTANCES NATIONALES ET INTERNATIONALES :

L’escalade, c’était le 7 octobre 2023.

La désescalade c’est la libération sans condition des captifs.

© Nidra Poller

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