Il est impossible de savoir si les Juifs sont la nation qui a le plus souffert dans l’histoire de l’humanité, mais comme c’est la plus ancienne parmi les nations qui aient survécu jusqu’à nos jours, elle est aussi la plus ancienne parmi les persécutées. Il est difficile d’en expliquer les raisons. Signalons tout d’abord que les Juifs ont rarement exercé le pouvoir politique sur leur pays, a fortiori sur d’autres peuples, il n’y a donc aucune place pour des rebellions. Quels autres mobiles justifieraient l’hostilité à leur égard ? Haine gratuite ? Jalousie ?
Pour leurs raisons propres les hobereaux d’Europe de l’Est préféraient confier la gestion de leurs domaines à des juifs plutôt qu’à leurs coreligionnaires chrétiens. Certainement pas par philosémitisme, apparemment, les juifs, bien que pauvres comme leurs voisins slaves, étaient plus instruits et donc plus aptes à l’administration. Autre raison, lors de cataclysmes naturels affectant les récoltes de la saison, une campagne religieuse opportunément orchestrée, permettait de détourner la colère paysanne vers le juif percepteur des taxations domaniales et laisser le châtelain en dehors.
Le Livre d’Esther (3:8) nous fournit l’un des documents les plus anciens d’incitation à l’antisémitisme. “ Alors Haman dit au roi Assuérus : Il y a dans toutes les provinces de ton royaume un peuple dispersé et à part parmi les peuples, ayant des lois différentes de celles de tous les peuples et n’observant point les lois du roi. Il n’est pas dans l’intérêt du roi de le laisser en repos.”
Tout y est vrai, mais le vizir Haman mets l’accent sur l’honneur du roi soi-disant bafoué. Tout au long de l’histoire, l’exhortation anti-juive ne s’est pas privée d’inventer de but en blanc, des mensonges comme le meurtre rituel et le plus connu, les « Protocoles des Sages de Sion », fabriqué de toute pièce par à la police tsariste.
Comment réfuter les campagnes fallacieuses de l’antisémitisme ?
Le Wokisme est une idéologie contemporaine dont l’origine est attribuée à certaines communautés noires nord-américaines. Elle est simpliste, ses affirmations ne sont pas fondées sur des preuves, ce sont des déclarations belliqueuses et tonitruantes mais il semble que les masses aiment être convaincues de cette manière. L’idée de base est l’incitation contre les blancs dans leur ensemble, toute personne blanche, quelle que soit sa génération, porte en elle le péché originel de l’esclavage noir. L’infiltration d’idées de ce type dans les campus américains a effectivement été une surprise, mais il y a probablement un plaisir masochiste à recevoir de plein fouet une telle accusation et pour la gente estudiantine d’aujourd’hui, le plaisir est d’autant plus grand lorsque le texte ne renvoie pas à des notes en bas de page. Ce n’est donc pas sur un tel sol que vous parviendrez à déraciner les mauvaises herbes.
Que dire des masses musulmanes, elles représentent près d’un quart de l’humanité, la solidarité automatique de la Oumma annule toute façon de voir objective. La tragédie du 7 octobre 2023 a été une source de réjouissances dans le monde arabe et leurs manifestations contre notre pays n’ont pas attendu la riposte israélienne. Allez, dans ces conditions, leur faire entendre que les accusations portées contre les Juifs sont sans fondement ? Leurs intellectuels vous diront qu’ils ne sont pas antisémites mais anti-sionistes, une position parfaitement légitime, mais malheureusement l’antijudaïsme musulman est déjà enraciné dans le Coran.
Il n’en est pas moins vrai que la présence des Juifs dans les pays islamiques a laissé moins de cicatrices que celle dans les pays chrétiens. Il s’est trouvé, tout au long de l’histoire, des souverains pragmatiques, musulmans et chrétiens, qui encourageaient les Juifs à s’installer sur leur territoire.
D’aucuns prétendent que la cohabitation judéo-arabe n’a été perturbée qu’avec la création de l’État d’Israël. Comment expliquer alors les abus envers les Juifs dans les pays arabes dans la première moitié du XXe siècle ? « Pogrom » est indéniablement un terme russe, mais « Farhoud » en est la version irakienne et a vu le jour en 1941, pendant la Seconde Guerre mondiale, donc bien avant la naissance de l’état hébreu.
Autre manipulation, verbale cette fois, consiste à introduire les termes colons, colonie pour créer la confusion entre les colons “colonialistes” et les colons juifs de Palestine qui s’organisaient durant les années 1920 à 1950, à une vingtaine de volontaires ou plus, pour mettre en valeur des terres qui avaient été acquises en toute légalité. En français ils étaient des colons et leurs villages des colonies, (settlement en Anglais). Le terme colonie n’était pas encore péjoratif puisqu’on partait sans aucun complexe en “colonie de vacances”.
Après la seconde guerre mondiale a commencé le démantèlement graduel des empires coloniaux, ce qui a fait d’un paysan, à savoir le colon algérien d’origine européenne, l’objet de toutes les haines aussi bien de la part des Algériens indigènes, désormais les “bons”, que de tous les partisans de la décolonisation. Dans le monde éclairé qui soutient aujourd’hui la tendance anticolonialiste la confusion des termes risque d’identifier l’ensemble de l’œuvre sioniste en une entreprise coloniale. Même les colonies établies par des groupes juifs extrémistes en Judée-Samarie sont loin de se rapprocher des critères coloniaux d’antan. 7000 kilomètres carrés de terres arides, sans minéraux, sans pétrole et sans forêts, sont loin d’atteindre l’échelle des ambitions coloniales du passé. Cela dit, les procédés utilisés par nos fanatiques ne légalisent en rien leurs implantations sur un territoire en litige.
De nos jours tout régime musulman en difficulté jette en pâture à son peuple sa solidarité avec les Palestiniens et ce, même quand il entretient des relations avec Israël. La tragédie est qu’aux 700.000 réfugiés de 1948 sont venus s’ajouter ces dernières décennies des millions de musulmans déplacés lors d’affrontements fratricides et autres « Printemps arabes », qu’on ne saurait imputer à Israël. Qu’à cela ne tienne, en terre d’Islam la « cause palestinienne » reste encore le produit fédérateur par excellence.
Aujourd’hui, huit décennies après la décolonisation, la population des ex-empires n’en est pas forcément plus heureuse, les dirigeants tentent de faire endosser l’instabilité et autres carences de leurs pays aux ex-puissances colonisatrices. De fait ces hommes d’état ont été mal préparés aux réalités du XXIème siècle, ils sombrent rapidement dans la corruption, la terreur et les putschs militaires. Les pays d’Afrique et du Moyen Orient semblent être les moins dégourdis, ils n’en ont pas moins obtenu des sièges à l’ONU et ne se privent pas de lever le bras à chaque motion condamnant Israël, ce qui est beaucoup plus aisé que la gouvernance de leur pays. En Extrême Orient les pays qui se sont affranchis de leurs tuteurs semblent mieux assumer leur présent.
Il y a quelque temps, l’Azerbaïdjan (pays musulman) a annexé à son territoire une enclave peuplée majoritairement d’Arméniens (chrétiens) sans que cela ne provoque de protestations, d’émeutes ou de manifestations dans le monde en général, ni même sur les campus américains.
Ce qui nous désole c’est le ciblage inéluctable et massif des Juifs où que ce soit. Il semble que le monde se soit habitué à l’antisémitisme, les pogroms sont perçus comme des fatalités naturelles. “ Les Juifs, avec leurs perpétuelles récriminations, sont des emmerdeurs, il n’y a pas qu’eux qui souffrent ”. Ce genre d’argumentation permet, au moins, de se sentir à l’abri, hors du coup. Hélas ! vous n’en êtes pas moins visés. La terreur islamiste en a contre tout ce qui n’est pas eux, elle n’est la réaction ni à la colonisation, ni à une quelconque répression. Le chauffeur de camion qui au soir du 14 juillet 2016 a froidement écrasé 86 promeneurs à Nice, s’en est pris délibérément à des civils anonymes, il ne pouvait en vouloir à la France, celle-ci s’était retirée de la Tunisie, le pays d’origine de notre assassin, elle avait été l’une des premières colonies à accéder à l’indépendance et ce trois décennies avant la naissance de notre glorieux shahid. La seule erreur de la France aura été de l’avoir accueilli lui, sur le territoire de la République.
Il ne fait aucun doute que diverses confessions chrétiennes ont également laissé derrière elles le souvenir de massacres qui contredisaient leurs propres valeurs morales, éthiques : condamnation du pillage, des abus sexuels et du meurtre, mais nous voulons croire qu’il s’agissait d’actes d’un passé qui ne devraient plus revenir.
L’islamisme pousse sur un terreau d’aigreur perpétuelle d’une population démunie d’ambition et de la capacité de rebondir. Au lieu d’admirer ce qu’ils voient ailleurs, ils ont tendance à vouloir le détruire. Durant des décennies les stratèges du Hamas ont bombardé les villages qui se trouvaient à portée de main. Parfois ils se lançaient plus loin dans le pilonnage de villes, ils n’avaient pas d’autre but que d’atteindre le plus de civils. Ils continuent d’ailleurs dans ce sens même aujourd’hui quand, terriblement affaiblis, ils parviennent momentanément à installer une rampe de lancement depuis laquelle ils tirent à l’aveuglette. Les manifestations dans le monde condamnant le nombre de victimes collatérales causées par les bombardements ne concernent que les croyants, pas les infidèles, peut-être parce que nos civils sont, eux, délibérément visés. Avant le massacre du 7 octobre 2023, les agents du Hamas avaient coutume de rassembler les masses de Gazaouis dans le “no-man’s-land” et de leur faire lâcher des cerfs-volants et des ballons porteurs de torches que la brise marine emportait vers Israël pour y incendier les récoltes et les bosquets qui avaient été péniblement plantés sur la terre récalcitrante du Néguev.
Du temps où je promenais des touristes, j’aimais tout particulièrement longer la ligne verte, comme on appelait alors la frontière libanaise. C’est là, au kibboutz Yir’on, qu’avait commencé mon aventure israélienne, j’étais admiratif de voir les arbustes plantés en 1951 devenus trente ans plus tard des vergers généreux et des forêts touffues. Nous regardions les villages libanais tout proches, confondus avec leur cadre rocailleux de couleur ocre, ce contexte illustrait encore mieux l’appellation “ligne verte”.
Mais est-elle encore verte cette frontière ? Depuis des mois le Hezbollah a choisi la destruction systématique des villes et villages du nord d’Israël, et d’en incendier les forêts alentour. Le gros de la population Galiléenne frontalière a été évacué. Il faut cependant nourrir la volaille, apporter du fourrage au bétail, tailler les arbres fruitiers, arroser les parcelles potagères, ce sont donc encore des civils qui vont trinquer au milieu des ravages. Le groupe terroriste utilise des lance-roquettes, des drones et des bombes pesant jusqu’à une tonne. S’ils avaient investi la contre-valeur de cet arsenal à des fins de modernisation, le Liban aurait pu redevenir la Suisse du Moyen-Orient. Au lieu de çà nous avons un pays terrorisé et affaibli duquel les chrétiens, la minorité la plus dynamique, cherche à émigrer. Le Liban avait réussi à se tirer de la guerre de 1948 sans trop d’égratignures, en tout cas sa frontière avec le jeune état hébreu était restée comme auparavant, soit des bornes espacées l’une de l’autre de quelque centaines de mètres, démarcation particulièrement poreuse. Les populations de plusieurs villages arabes de Galilée avaient fui vers le Liban pendant ou après les hostilités. Ils furent d’abord accueillis là-bas comme réfugiés et bienvenus. Petit à petit les autochtones eurent à se plaindre de groupes armés se présentant comme résistants palestiniens. Dès que leur fragile équilibre politique est menacé, les Libanais se replient sur des milices communautaires armées. Escarmouches, massacres interconfessionnels, assassinats politiques, invasions (Syrie, Israël), gestion défectueuse contribueront au processus de délabrement du pays.
Israël aurait pu servir de modèle à tous les régimes arabes bancals. Durant sa première décennie, le nouvel état accueillait un million de nouveaux immigrants, une grande partie desquels étaient des rescapés de la Shoah ou des réfugiés des pays arabes, dépossédés de leurs biens. L’ONU n’a pas cru bon de fonder une officine spéciale pour leur venir en aide alors qu’elle a créé l’UNWRA une agence qui a pris en charge les besoins des réfugiés palestiniens de la guerre de 1948. Cet organisme a mis en place des camps de réfugiés qui sont restés tels quels depuis lors, il dirige des écoles et a rendu le statut de réfugié palestinien transmissible de génération en génération, précédent unique au monde. Afin de faire face à l’arrivée massive d’immigrants, Israël a dû, elle aussi, installer des camps appelés “maabarot” (transitoires), qu’ils soient de bois de toile ou de tôle, ils n’ont jamais été prévus comme habitations définitives. Dès que leurs utilisateurs se trouvaient un logis, ils cessaient d’être des réfugiés. Cependant toutes les vagues d’immigrations se sont plaintes de l’accueil qui leur avait fait en Israël, mais, comme mentionné plus haut, “ les juifs se plaignent tout le temps “.
Cela dit, trois générations après sa création, Israël ne s’en est pas si mal sortie : l’espérance de vie y est une des plus élevées au monde, lors de sondages les Israéliens se voyaient parmi les plus heureux sur terre. Le système médical du jeune état a permis un raccourcissement notable des contraintes du covid19. Son économie était parvenue aux plus hautes notes de stabilité. Depuis sa création le pays a engendré une constellation d’écrivains, de plasticiens, de musiciens, de cinéastes, de scientifiques (Start-up Nation). En 1988 Israël a rejoint le club exclusif des nations disposant de leurs propres satellites artificiels, conçus et fabriqués sur place. Trouvez donc un autre pays qui, avec ±1% de la population globale, ait récolté en 75 ans, une demi-douzaine de prix Nobel.
En ce début de la nouvelle année juive, nous continuerons à pleurer les victimes du 7 octobre 2023, à ceux des nôtres qui ont péri au cours de cette guerre insensible et insensée ainsi qu’aux victimes collatérales civiles de Gaza et du Liban.
© Yves Friedman août 2024
Merci à Eliane Klein
Merci pour cet article
Merci pour l’illustration de Joan Sfar
Merci pour ce cri d’espoir
Nous vivrons malgré tous les ennemis qui nous entourent
Toujours avec Israël