Une attaque massive et spectaculaire contre des membres du Hezbollah au Liban. Un mode opératoire qui ne l’est pas moins, puisque ce sont les bikers utilisés par la milice libanaise qui ont littéralement explosé dans les poches ou les mains des victimes.
TJ vous a rappelé ce qu’est un biper, petit appareil tombé en désuétude depuis bien longtemps, permettant de recevoir des messages par onde radio, et devenu … bombes de poche.
Après que le Wall Street Journal, se basant sur une hypothèse du Hezbollah, ait écrit que des logiciels malveillants auraient pu été installés sur les appareils, les experts en sécurité s’orientent vers un mode opératoire plus classique mais tout aussi stupéfiant car complexe à réaliser à une si grande échelle: plusieurs milliers de bipeurs auraient tout simplement été piégés, des charges explosives y ayant été intégrées. Une hypothèse compatible avec les déclarations de sources libanaises qui ont déclaré à Reuters que les bipeurs concernés étaient “un modèle moderne très récemment acheté par le Hezbollah à Taïwan via la société Gold Apollo”. ( Sur 5000 bipeurs achetés, 3000 ont explosé).
Sauf que ici, ce sont plusieurs milliers d’appareils qui ont été piégés, ce qui signifie, dans la discrétion la plus totale, une opération d’intercepteption et d’intervention sur toute une chaîne d’approvisionnement, faisant de ladite opération l’une des attaques de chaîne d’approvisionnement physique les plus importantes de l’histoire, aux dires d’experts en sécurité informatique.
Cité par la BBC, un ancien expert en munitions de l’armée britannique que 10 à 20 grammes d’explosif de qualité militaire pourraient avoir été cachés à l’intérieur d’un faux composant électronique, glissé dans chaque bipeur. L’engin explosif aurait ensuite été armé par un signal sous la forme d’un “message textuel alphanumérique”: l’explosif ainsi armé aurait ensuite été déclenché automatiquement dès l’utilisation de l’appareil par son utilisateur.
Unehypothèse corroborée par plusieurs vidéos qui montrent que, quelques secondes avant les explosions qui semblent s’être produites simultanément à 15h30, les membres du Hezbollah ont tous pris leurs bipeurs dans leur poche, indiquant qu’ils avaient reçu un message.
Le processus de fabrication infiltré par le Mossad
“D’après les enregistrements vidéo, un petit explosif de type plastic a certainement été dissimulé à côté de la batterie des bipeurs pour un déclenchement à distance via l’envoi d’un message”, estime sur le réseau social X Charles Lister, expert au Middle East Institute (MEI). Ce qui signifie pour lui que le Mossad a sans doute “infiltré le processus de production et ajouté dans les bipeurs un composant explosif et un détonateur activable à distance, sans éveiller les soupçons”, renchérit pour sa part l’analyste militaire Elijah Magnier, basé à Bruxelles, décrivant “une faille de sécurité majeure dans les protocoles du Hezbollah”.
“Soit en se faisant passer pour un fournisseur, soit en injectant les équipements trafiqués directement dans la chaîne logistique du Hezbollah via ses points de vulnérabilité (camions de transport, navires marchands), ils ont réussi à répandre les bipeurs au sein de l’organisation”, ajoute Mike DiMino, expert en sécurité et ancien analyste de la CIA.
Sky News Arabia cite pour sa part des sources affirmant que l’agence israélienne aurait placé “une quantité de PETN, un matériau hautement explosif, sur les batteries des appareils, les faisant exploser en augmentant la température des batteries à distance”, ce qui expliquerait que certains membres du Hezbollah, alertés par la surchauffe de leur bipeur, s’en seraient débarrassés à temps. ( Wall Street Journal ).
Riad Kahwaji, analyste sécurité basé à Dubaï, émet pour sa part une autre hypothèse: “Israël contrôle une grande partie des industries électroniques dans le monde et, sans aucun doute, l’une des usines qu’il possède a fabriqué et expédié ces engins explosifs qui ont explosé aujourd’hui”, alors que le Washington Post, citant lui aussi des experts, évoque à son tous l’hypothèse d’un “sabotage des appareils avant leurs livraisons”.
“Israël l’a fait soit en se faisant passer pour un fournisseur, soit en injectant les équipements trafiqués directement dans la chaîne logistique du Hezbollah via ses points de vulnérabilité (camions de transport, navires marchands), ils ont réussi à répandre les bipeurs au sein de l’organisation”, estime quant à lui Mike DiMino, expert en sécurité et ancien analyste de la CIA.
Sky News Arabia cite pour sa part des sources affirmant que l’agence israélienne aurait placé “une quantité de PETN, un matériau hautement explosif, sur les batteries des appareils, les faisant exploser en augmentant la température des batteries à distance”. Ce qui expliquerait que certains membres du Hezbollah s’en seraient débarrassés à temps, alertés par la surchauffe de leur bipeur, rapporte le Wall Street Journal.
Autre hypothèse, selon Riad Kahwaji, analyste sécurité basé à Dubaï, “Israël contrôle une grande partie des industries électroniques dans le monde et, sans aucun doute, l’une des usines qu’il possède a fabriqué et expédié ces engins explosifs qui ont explosé aujourd’hui”.
In fine, malgré les nombreuses zones d’ombre, il est probable qu’Israël soit parvenu à infiltrer la chaîne d’approvisionnement que le Hezbollah utilise pour ses téléavertisseurs.
À noter: De nombreux membres du Hezbollah ont commencé à utiliser des bipeurs après que les téléphones portables appartenant à certains de leurs membres ont été compromis par un piratage israélien. Déjà en 1996, le Shin Bet avait assassiné un fabricant de bombes du Hamas avec un explosif placé dans son téléphone.
L’opération “Moked”?
Des analystes israéliens, bluffés par l’intensité de l’événement, évoquent une brillante réalisation dans l’esprit de l’Opération Moked (Amit Segal). Pour rappel, l’opération Moked, lancée par Yitzahk Rabin, alors chef de cabinet de Tsahal, date de 1967 quand l’aviation israélienne a détruit 400 avions de combat Égyptiens Jordaniens et Syriens: vers 4 heures du matin, les pilotes ont reçu leurs instructions pour l’attaque qui aurait lieu à 7 h 45 précisément dans 11 cibles différentes à travers l’Égypte. L’ennemi fut pris par surprise: a.près avoir détruit leurs pistes d’aéroport, les avions de l’IAF ont tiré sur l’escadron égyptien barricadé au sol, détruisant 197 avions égyptiens et mettant hors d’usage six aéroports.
Mais Amir Bohbot nuance la chose: “L’Opération des téléavertisseurs au Liban, il ne faut pas la comparer à l’opération Moked et encore moins à Entebbe. C’est un autre type d’action. La grandeur de celui qui a réalisé l’opération était la sophistication, la créativité, la tromperie, la capacité même de penser que c’était possible. Insondable… un génie !”
Pour info:
Selon le New York Times :
– Les téléavertisseurs commandés par le Hezbollah provenaient de Taïwan, de la société Gold Apollo, spécialisée dans la fabrication de radios. Ils auraient été falsifiés avant d’atteindre le Liban, selon certains responsables. La plupart étaient le modèle AR924 de l’entreprise, bien que trois autres modèles Gold Apollo aient également été inclus dans la livraison.
Une matière explosive d’une à deux onces a été implantée à côté de la batterie dans chaque téléavertisseur. Un interrupteur était également intégré, qui pouvait être déclenché à distance.
– Trois responsables ont déclaré que l’appareil avait même émis un bip quelques secondes avant l’explosion.
– Plus de 3 000 exemplaires de téléavertisseurs ont été commandés et distribués aux militants de l’organisation dans tout le Liban.
– Certains engins ont également atteint des organisations travaillant avec le Hezbollah en Syrie et en Iran, où des explosions similaires ont également été enregistrées. (Barak Betsch)
Pour info:
Le fondateur de Gold Apollo, Ching Kuang, a nié que sa société ait fabriqué les bipeurs du modèle AP924 explosés, affirmant qu’ils provenaient d’une entreprise européenne utilisant sa marque. “Ce n’est pas notre produit, seule notre marque y figurait”, a-t-il déclaré.
En conclusion, cette attaque sophistiquée a frappé les terroristes dans leur talon Achille en leur retirant un moyen de communication central, a déclaré Keren Elazari, analyste israélienne de la cybersécurité et chercheur à l’Université de Tel Aviv: “Nous avions vu ces types d’appareils, des téléavertisseurs, ciblés auparavant, mais pas dans une attaque aussi sophistiquée. Le Hezbollah a été touché là où il était le plus vulnérable.
“C’est pas nous”, se défend Gold Apollo
“Ce ne sont pas nos produits”, dit le taïwanais Gold Apollo, affirmant que les bipeurs du Hezbollah ont été fabriqués par son partenaire hongrois BAC: “En vertu d’un accord de coopération, nous autorisons BAC à utiliser notre marque pour la vente de produits dans certaines régions, mais la conception et la fabrication des produits sont de l’unique responsabilité de BAC”, a indiqué dans un communiqué Gold Apollo démentant des informations du New York Times, selon lesquelles il avait lui-même fabriqué et vendu au Hezbollah les bipeurs du modèle AR924. “Notre entreprise n’apporte que l’autorisation d’utiliser la marque et n’est pas impliquée dans la conception et la fabrication de ce bipeur. Ce ne sont pas nos produits. Ce ne sont pas nos produits du début à la fin”, insiste le directeur de l’entreprise, Hsu Ching-kuang, à des journalistes à Taipei.
TJ
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