Espace Schengen, fin d’un rêve. Deutschland über alles. Par Francis Moritz

Lundi 16 septembre pourrait marquer une date symbolique : le début de la fin de l’espace européen. L’Allemagne fait désormais cavalier seul.

La coalition tripartite a décidé de mettre en place un contrôle strict de ses frontières afin de refouler les demandeurs d’asile et immigrants illégaux. Officiellement, la mesure est prévue pour six mois, mais il ne s’agit pas d’un engagement. L’Autriche, la Pologne, le Danemark, le Luxembourg, la France sont inquiets. La présidente de la Commission, Mme von der Leyen, elle-même issue d’un des partis au pouvoir, se dit concernée et sceptique.  Le plus important pays de l’UE est entré en dissidence frontale avec l’institution européenne.

Cette décision est contraire au droit international sur le traitement des réfugiés, la libre circulation à l’intérieur de l’espace Schengen qui en est un des piliers, et l’accord de Dublin sur les réfugiés. En France, le Rassemblement National, fort de ses près de onze millions d’électeurs, n’a cessé de réclamer le rétablissement du contrôle aux frontières.   Que se passerait-il si le nouveau gouvernement français décidait de revoir radicalement sa politique et adoptait à son tour la position allemande, qui n’est pas impulsée par l’AFD ( bien sûr que non) , mais bien par la  décision de la coalition  ?  En nommant un ministre de l’Immigration ? 

La problématique

L’Allemagne est confrontée à un double problème mis en évidence lors des dernières élections : Faire face à la progression du vote d’extrême droite de l’AFD, avec notamment ses deux succès dans les régions de l’ex Allemagne de l’Est, Thuringe et Saxe, qui entraine des tensions au sein de la coalition, laquelle ne sort pas indemne de ces élections, avec des résultats en demi-teinte. Voudrait-on faire écho aux résultats que ces mesures de contrôle ne seraient pas uniquement une pure coïncidence.

Reste sans doute le sujet le plus important pour son économie et son fonctionnement, l’impérative nécessité pour Berlin de trouver chaque année quatre cent mille immigrants qualifiés pour faire face à son problème aigu de main d’ouvre et au déclin de sa natalité.

Quelle solution 

L’Allemagne est en passe d’instaurer ce qu’on pourrait qualifier de “nouvelle politique migratoire des deux portes”.

On vient d’évoquer la fermeture de la première porte, celle de l’immigration clandestine et des réfugiés. 

L’autre porte

Berlin a conclu un accord inédit avec le président de l’Ouganda, William RUTO,   connu pour son autoritarisme, pour ne pas dire plus. Son parcours politique est parsemé d’incidents sanglants, les derniers en date après avoir voulu taxer le prix du pain et d’autres produits de base, ce qui a provoqué des émeutes et des dizaines de victimes et de blessés. A part manifester leur “inquiétude”, les dirigeants européens n’ont pas eu d’autres réactions.   Porté au pouvoir le 13 septembre 2022, il est pratiquement l’un des seul dirigeant des pays africains à avoir rompu avec la Chine, partenaire de ses prédécesseurs. Il a intégré le Kenya au Groupe de Contact pour la Défense Ukrainienne, mieux connu sous le nom de “Groupe de Ramstein “. A la demande des États Unis,  Il a accepté l’envoi à Haïti d’un millier de policiers pour restaurer un minimum d’ordre dans ce pays contrôlé par les gangs.  Fin mai, premier chef d’état africain depuis quinze ans, il a été reçu à la maison blanche et officiellement désigné comme allié de Washington.  L’accord conclu entre Berlin et Nairobi stipule que le Kenya reprendra ses citoyens expulsés d’Allemagne. Ce qui est très marginal pour ce pays (mais c’est un exemple, après une expulsion collective qui avait eu lieu en 2022).

Le plus important suit : l’accord conclu sur l’immigration de travailleurs kenyans vers l’Allemagne constitue un des premiers accords officiels sur la fuite des cerveaux d’un pays du tiers monde vers le plus important pays d’Europe.  Berlin va “recruter”, on pourrait mieux dire: “aspirer les professionnels qualifiés” dont il a absolument besoin pour son industrie et ses services, en raison de son déficit chronique de main d’œuvre. L’accord a été précédé d’un test grandeur nature, pour recruter plus de huit cents conducteurs de bus pour le Länder de Schleswig Holstein (capital Kiel). Par sécurité, les chauffeurs recrutés devront repasser leur permis à leur arrivée. L’Allemagne a officiellement un représentant spécial pour les migrations, Joachim Stamp. On imagine (peut-être à tort) que la France suivra plusieurs des voies ouvertes par son grand voisin qui prend des décisions fortes et controversées. Dans le fil de ces décisions, on s’attend à ce que Berlin poursuive l’expulsion de milliers d’Afghans, de Syriens, Le chancelier  Scholz ayant signé en Ouzbékistan un accord qui prévoit l’expulsion de réfugiés Ouzbeks (comprendre que l’Allemagne ne peut pas intégrer) et la possibilité de “faire venir des talents” en Allemagne. Le représentant spécial pour l’immigration précise en outre que l’Ouzbékistan est disposé à “adapter la formation” de ces professionnels aux demandes allemandes. Dans les deux cas il s’agit de professionnels qualifiés, formés par leur pays d’origine qui hésiteront à repartir après avoir connu l’Europe. L’accord prévoit également, la possibilité d’y renvoyer les expulsés Afghans. La fuite des cerveaux est désormais en marche. Et on voudrait stopper l’immigration illégale ?

L’immigration irrégulière

En 2023, Berlin a refoulé 35.000 personnes. Contre pas moins de 20.000 au premier semestre 2024. La répartition varie selon la frontière concernée. En provenance d’Autriche d’une année à l’autre, de 14 à 11% des candidats. De Pologne, 57% au premier semestre 2024 contre 23% au deuxième trimestre.

L’impuissance de la Commission devant la décision de Berlin est patente, son porte-parole vient de déclarer “que ces contrôles ne devraient être effectués que s’ils sont incontestablement nécessaires et proportionnés … et devraient rester une exception absolue”. Les plus véhéments à contester ces mesures sont  l’Autriche, très inquiète d’avoir à traiter un nombre croissant de réfugiés, et la Pologne, qui affirme s’opposer catégoriquement à la décision, alors qu’elle-même a érigé un mur de barbelés sur sa frontière avec la Biélorussie. Aux Pays Bas où l’extrême droite co-gouverne, on envisage d’emboiter le pas à Berlin. On connaît la réponse hongroise : Mettre des réfugiés dans des bus et les envoyer à Bruxelles !

La Commission en crise, explosion du plafond de verre

Pendant ce temps, la présidente de la Commission a reporté la présentation de la nouvelle Commission, sans doute à ce mercredi.  

Pourquoi ce report ? La Commission serait sur le point de faire exploser le fameux plafond de verre contre les partis d’extrême droite. Sa présidente s’apprêterait à faire ce que l’Assemblée nationale française s’est refusé à faire – jusqu’à maintenant : nommer un élu du groupe issu de Fratelli di Italia, Rafale FITTO, à un des quatre postes de vice-président exécutif de la Commission. Ce qui mettrait l’extrême droite au même niveau que les 2 partis majoritaires PPE et les libéraux de Renew, fin du cordon sanitaire. 

Rappelons qu’au présidium du Parlement européen, une coopération existe déjà avec le groupe d’extrême droite EKR. Un autre problème a surgi: la présidente n’atteint pas la parité entre hommes et femmes dans la répartition des postes. Au mieux 40%. On vient d’apprendre la démission du commissaire français Thierry Breton suite à un profond désaccord avec Mme von der Leyen, instantanément remplacé par le ministre démissionnaire des affaires étrangères (cherchez l’erreur).  Ces conflits et désaccords provoquent l’affaiblissement des chefs d’état qui l’ont reconduite à la tête de la Commission et sont interprétés comme une perte d’autorité.

Conclusions

On le voit, l’Allemagne, très pragmatique, ne peut pas s’embarrasser de considérations morales lorsqu’il s’agit d’agir au nom de ses intérêts bien compris. L’UE gère plus de conflits internes qu’elle ne gère de solutions. Le problème de l’immigration reste la question majeure et brulante. La présence de l’extrême droite tant dans les gouvernements que dans l’institution devient une question existentielle car les gouvernements ne peuvent indéfiniment ignorer le vote démocratique d’une partie importante des citoyens. Enfin la publication du Rapport Draghi  met en lumière des perspectives plutôt sombres sauf si l’UE se montre capable de se repenser elle-même.

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme “Bazak”, en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


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4 Comments

  1. Celui qui paye décide.
    L Allemagne est le patron de l europe et la France clochardisée et laminée par des generations d incapables est au garde a vous !
    C est la loi du genre.

  2. On nage en pleine novlangue, comme d’habitude. D’abord sur le terme extrême droite : l’islamisme correspond 100% à l’idéologie nazie et en conséquence tous les partis pro islamistes (et non ceux qui combattent le fascisme islamiste) sont de facto d’extrême-droite. Moralité ? La politique d’immigration massive telle qu’elle est pratiquée par l’UE ou l’UK a toujours été d’une immoralité absolue puisqu’elle consiste à faire venir 1) des populations facilement exploitables et une main d’oeuvre à bat coût 2) certaines populations extrêmement racistes, antisémites et sexistes avec pour conséquence fatale une explosion des crimes racistes antisémites et antiblancs, viols et féminicides. Et pour résultat final (nouvelle solution finale) l’exode massif des Juifs d’Europe. La politique migratoire massive, souhaitée par la droite libérale (raisons économiques, loi de l’offre et de la demande) et l’extrême-droite islamiste est ni plus ni moins la mise en œuvre du pacte passé entre le mufti de Jérusalem et Hitler. Chasser les Juifs d’Europe, les mouvements hitleriens en rêvaient, l’UE le fait. L’UE est bien un système politique fasciste et néo nazi. Ce n’est pas pour rien qu’il soutient le régime d’extrême-droite de Kiev, car oui…comment qualifier autrement ces ultra nationalistes admirateurs de Bandera et ayant voulu faire un nettoyage ethnique au Donbass ? soit dit en passant, en dehors de la France où existe une censure totalitaire, les crimes de guerre de l’armée ukrainienne ou des mercenaires de l’OTAN (sur des civils et des prisonniers russes) sont de moins en moins tabous.
    Donc en conclusion que dire de l’Allemagne ? Qu’au contraire de ce que prétend la newspeak habituelle, elle commence ENFIN à adopter une attitude un peu plus démocratique, responsable et morale que par le passé. C’est également le cas de l’Italie. Par contre, rien à attendre de la France tombée aux mains des barbares islaminazis. J’essaie d’être impartial : quoique fort hostile à l’Allemagne, je reconnais que son gouvernement est moins lâche, corrompu et collaborationniste que celui de l’État Islamonazi nommé “France”.

  3. Disons plutôt fin d’un cauchemar…
    Mais ce serait être trop optimiste, l’Europe ayant enclenché une spirale d’autodestruction irréversible. La guerre d’Ukraine, avec sa propagande écœurante et nauséabonde, fait suite aux bombardements du Kosovo en 1999 et constitue aux yeux du monde une trahison des principes que l’Europe prétend défendre. L’Allemagne sait en outre que la destruction de Nordstream (sujet tabou en France, où ce qu’on appelle la presse recopie les communiqués de Kiev et du quai d’Orsay sans vérifier ses informations) a certainement été l’œuvre des USA ou de Kiev _ ce qui a des conséquences désastreuses pour son économie et par extension celle de ses pays voisins. Mario Draghi le dit lui-même : l’économie européenne est au bord du gouffre. Est-ce d’ailleurs si important ? Au point où on en est…L’Europe conquise par les Islamistes est sortie du monde civilisé et sa déconfiture économique n’est pas son plus grave handicap.
    Les règles aussi absurdes que criminelles de l’UE ont été imposées aux peuples européens contre leur volonté et au mépris de toute règle démocratique. Les référendums déplaisant au pouvoir central sont effacés, les élections manipulées, l’Histoire réécrite _ car pour créer l’UE il a fallu déformer totalement les faits historiques. Ces méthodes sont celles du totalitarisme : l’UE est intrinsèquement une négation de la démocratie. Quant à son idéologie, il suffit de savoir qu’elle a été bâtie avec le concours d’anciens nazis ou pétainistes pour comprendre sa véritable nature.

  4. @Cohen M. En effet, la rhétorique européiste est un chef-d’oeuvre de newspeak. La déconstruction ou autodestruction européenne est nommée “construction européenne”.

    En 1941, le Mufti de Jérusalem et Adolf Hitler se rencontrèrent et nouerent un accord : ce fut d’une certaine façon l’acte fondateur de ce qui deviendrait par la suite “””L’union Européenne”””…
    On comprend donc mieux la fascination de l’UE pour les apologistes de Bandera : Arno Klarsfeld a eu raison de le dénoncer. Ce qui est regrettable, c’est que cela ne lui ait pas ouvert les yeux sur le vrai visage de l’Eurofascisme puisqu’il se dit encore pro-européen.

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