“Cris de guerre XIX”. Par Nidra Poller. “Avant le débat Harris-Trump, j’ose réfléchir sur les élections américaines”

“Douleur insoutenable … et pourtant elle tourne. Avant le débat Harris-Trump, j’ose réfléchir sur les élections américaines”

Douleur insoutenable

Survivre plus de 300 jours de tortures, tourments, privations et abus  ; exister, respirer, persister à espérer, inventer sans cesse des stratégies héroïques de survie ; maintenir les liens précieux avec les proches, à des dizaines, des centaines, des milliers de kilomètres de là, qui prient, qui supplient, qui vous parlent, qui pleurent et ne ferment pas l’œil ; survivre jour et nuit, sans air, sans lumière, sans eau et sans nourriture, être encore vivant, par miracle, heure après heure, des jours et des mois interminables, être encore vivant alors que, dans un tunnel voisin, un compatriote, sauvé, revient à la vie auprès des siens, tout maigre, affaibli et vieilli mais preuve qu’on peut survivre jusqu’au jour où, pour les six qu’on pleure aujourd’hui, ligotés, on est exécuté avec une sauvagerie qui dépasse les limites. 

J’entends le shema

Et nous, ici, nous sommes un peu morts avec eux.  Les masses dans la rue qui crient au ciel aveugle sont un énorme cœur brisé.

Ils n’étaient pas otages, ils étaient captifs des mujahidin, traités et maltraités selon les codes ignobles du jihad. 

Aucun Etat démocratique aux temps modernes n’a dû faire face à un drame pareil. Rappelons le rapt et la torture à mort d’Ilan Halimi z »l. Les services de police ont géré l’affaire selon le protocole d’enlèvement pour rançon à l’ancienne.  Sourds aux supplications de la mère de la victime, persuadés de respecter leur devoir sacré, ils ont laissé le jeune homme souffrir pendant 24 jours et mourir atrocement, parce que juif. Aujourd’hui, le monde gère le dossier des captifs selon des protocoles périmés, alors qu’il faudrait étudier l’histoire de la conquête islamique pour comprendre la stratégie menée contre nous. 

… et pourtant, elle tourne : élections américaines

Je suis perplexe.

Inondée de vaines paroles, d’informations partielles et partiales, d’anecdotes en guise d’analyses, de commentaires des commentaires basés sur des commentaires, de dépêches d’agence et de réactions à fleur de peau, comment, votre complice d’origine (lointaine) américaine, peut-elle clarifier… quelque chose ?

Je prends un bateau gonflable à capacité limitée que je m’efforcerai de diriger sans surcharge et sans capoter.

Il ne s’agit pas de donner ici des consignes de vote !

Never-Trumper

G.W. Bush a annoncé qu’il ne soutiendra aucun candidat en novembre. John Bolton, Adam Kinzinger, Liz Cheney, son père Dick, moi et tant d’autres sont estampillés,  par les adeptes du candidat, « never-Trumpers ». Nos questions ne méritent pas de réponse. Nous avons tort.

Or, voter pour Trump en 2024 c’est cautionner les efforts légaux et surtout illégaux de l’ex-président de renverser l’élection–selon lui, volée– de 2020. Une contestation semblable se dessine actuellement pour le scrutin de novembre.

Comment analyser honnêtement cette réalité loufoque aux conséquences immesurables ? Je me bats jour et nuit contre la confusion entraînée par la quantité indigeste d’annonces et de réactions déversée sur moi. Je ferai tout mon possible pour ne pas être emportée par ce glissement de terrain.  

De l’abandon de l’Afghanistan à la misogynie bas de gamme

Celui qui a donné l’Afghanistan aux Talibans se gausse d’insultes misogynes, relayées et brodées par ses admirateurs.

J.D. Vance envoie Harris au diable. Comment ose-t-elle critiquer la photo-op de Trump à l’Arlington National Cemetery, quand elle est coupable, en tant que vice-présidente de Biden, de la retraite bâclée de l’Afghanistan, démonstration flagrante d’incompétence et de faiblesse ?

Or, c’est le président Trump qui a abandonné l’Afghanistan aux Talibans, ne laissant à l’élu Biden d’autre choix que le sauve-qui-peut. L’accord négocié par l’administration Trump en février 2020 a cédé aux Talibans le contrôle militaire et civil du pays, leur laissant toute latitude pour fixer les conditions de la retraite de 2021, exposant les troupes américaines aux dangers mortels et condamnant beaucoup de collaborateurs afghans à l’abandon. 

C’est impossible de comprendre la polémique, l’enjeu, la stratégie de Donald Trump sans étudier soigneusement cet accord :

“Agreement for Bringing Peace to Afghanistan between the Islamic Emirate of Afghanistan which is not recognized by the United States as a state and is known as the Taliban and the United States of America February 29, 2020, which corresponds to Rajab 5, 1441 on the Hijri Lunar calendar and Hoot 10, 1398 on the Hijri Solar calendar”

On ne peut pas savoir ce que veut dire le candidat Republican, en promettant de régler les problèmes créés par l’administration Biden-Harris faiblarde sans avoir connaissance de cet accord conclu avec les Talibans. Il faut le lire pour comprendre pourquoi les MAGA accusent les Democrats de précipiter la troisième guerre mondiale. 

L’ancien et possible futur président des Etats-Unis promet la fin de la guerre en Ukraine, à Gaza, partout. Il apportera paix et sécurité au monde.

Comme en Afghanistan. 

N.B. la retraite « honteuse » est citée à toutes les sauces, sans pour autant suggérer qu’on n’aurait pas dû céder le pouvoir aux Talibans qui, aujourd’hui, interdisent aux femmes, empaquetées en burka, de parler en public !

Kamala Harris est une lunatique, une “defective” et communiste de surcroit

Convaincu de l’efficacité d’une stratégie basée sur des attaques personnelles, l’ex-président Trump lance des insultes misogynes contre sa souriante rivale (au-dessus ou à égalité dans les sondages) :  Elle rit comme une folle ; si elle ne supprime pas ses rires, sa défaite est garantie. Elle est une retardée mentale, tarée, déficiente, souffrant d’un défaut de fabrication. Il suffit de le dire, la foule des convaincus aux meetings de masse s’en exultent.

S’agit-il d’une critique de fond basé sur des faits et gestes observables ? Pourrait-on mener un débat sur la question ? Comment comprendre que des analystes par ailleurs fiables reprennent la litanie de Kamala Harris, l’imbécile ? Mes vieux amis du New York Sun sont dithyrambiques sur RFK Jr. qui, en renonçant à sa candidature (au plus bas dans les sondages) pour soutenir Trump, « a complètement effacé l’effet mirobolant de la DNC [Democratic National Convention] pour Harris ».  Et pourtant, RFK Jr. est carrément, visiblement psychologiquement dérangé. Les preuves sont abondantes. (James Joyce : « the ineluctable modality of the visible  ».)

N’empêche, pour ma plus-que-sœur Ruthie Blum, la candidate Democrat est une imbécile. Mon pote Tom Trento la traite de « knockoff Gucci bag »  [contrefaçon de sac à main Gucci] qu’on arrache des tréteaux du marché pour découvrir aussitôt la duperie. Trento poursuit :  Kamala veut tuer des bébés. Trump est le seul candidat potable pour les chrétiens. Lui, il ne tue pas des bébés. 

Malheureusement, Trump  avait changé de position entre temps. Plus d’une fois. Sans aller jusqu’à soutenir la libération du droit à l’avortement proposée par referendum en Floride, il a déclaré publiquement que la limite de six semaines est trop courte.  En rajoutant que la FIV, qui est merveilleuse, sera remboursée par la sécurité sociale. Ou bien, les assurances privées seront contraintes de la financer.

Dans l’intimité de son réseau privé, Truth Social, Trump donne libre court aux insultes sexistes, grivoises, vulgaires, malsaines. Il a partagé un post montrant Hillary Clinton et Kamala Harris, chacune touchée à sa façon : Clinton humiliée par les pipes faites à son mari à la Maison blanche ; la carrière de la vice-présidente promue grâce à des pipes. Ce n’est qu’un brin de poussière des saletés versées sur sa rivale jour et nuit.

Putain et/ou imbécile, Harris ? Ridiculisée pour ses prestations en « word salad ». Soit.

Interrogé sur son programme en faveur de la famille, notamment sur les crèches, le candidat Trump a répondu ainsi [citation expressément non-traduite].

“I would do that, and we’re sitting down, you know, I was somebody, we had Senator Marc Rubio and my daughter Ivanka was so impactful on that issue, it’s a very important issue, but I think when you talk about the kind of numbers that I’m talking about, that—because childcare is childcare, it’s something, you have to have it, in this country you have to have it. But when you take those numbers compared to the kind of numbers that I’m talking about by taxing foreign nations at levels that they’re not used to, but they’ll get used to it very quickly, and it’s not going to stop them from doing business with us, but they’ll have a very substantial tax when they send product into our country. Those numbers are so much bigger than any numbers that we’re talking about, including childcare, it’s gonna take care. I look forward to having no deficits within a fairly short period of time, coupled with the reductions that I told you about on waste and fraud and all of the other things that are going on in our country. Because I must stay with childcare. I want to stay with childcare. But those numbers are small relative to the kinds of economic numbers that I’m talking about, including growth, but growth also headed up by what the plan is that I just told you about. We’re going to be taking in trillions of dollars and as much as childcare is talked about as being expensive, it’s, relatively speaking, not very expensive compared to the kind of numbers we’re taking in.”

La question juive

Comment évaluer l’idée enracinée dans la tête de beaucoup de juifs sionistes que Kamala Harris et son colistier sont antisémites, antisionistes et s’apprêtent à abandonner Israël ?  L’ex-président Trump, selon cet argument, est le meilleur ami d’Israël et des Juifs. Peut-être le seul ?

Le soutien militaire et moral d’Israël par l’administration Biden-Harris depuis le 7 octobre ne pèse rien dans cette équation. Pourquoi ? Parce qu’ils ont refusé de fournir certain matériel militaire à des moments donnés. Ils expriment de la sympathie pour  les « victimes gazaouies innocentes » et, encore pire, attribuent des motivations honorables aux manifestants « propalestiniens ». Ils ont tenté d’empêcher Tsahal d’agir à Rafah et, plus largement, empêchent Israël de vaincre le Hamas. Les diverses propositions de cesser-le-feu mettent toujours la pression sur Israël, pas sur le Hamas. On accuse les Democrats de détester les Juifs et Israël, on méprise la judaïté de l’époux de Harris et on accuse le colistier Walz de s’acoquiner avec des Islamistes.

Pas la moindre ombre à ce tableau ?

Le  JNS reprend les propos du candidat Trump 12 heures après la tragique découverte, dans un tunnel de Rafah, des corps des six otages exécutés par le Hamas.  « Camarade  Kamala Harris est faible, incapable et n’a pas la moindre idée de ce qu’elle fait ». Il répète la rengaine : « la crise » [sic] du 7 octobre ne se serait pas produite s’il était président. Biden est responsable de la mort « inutile » de treize soldats lors du retrait bâclé d’Afghanistan et encore de tant de morts  israéliens inutiles. L’Amérique retrouvera sa puissance et le monde vivra en paix et sécurité, promet le candidat Trump, quand il sera réinstallé dans le bureau ovale.

Intervenant par vidéo dans une réunion de la Jewish Republican Coalition, l’ex-président Trump sonne l’alarme : Israël sera annihilé s’il n’est pas élu. Lui, il agira pour qu’Israël reste parmi nous pendant des milliers d’années. Si les autres gagnent, Israël disparaîtra… oubliez Israël, il sera fini. Alors qu’avec lui, Israël will be great again [sera de nouveau grand]. Sans faire de distinction entre les Israéliens et les Juifs américains, il regrette l’épreuve terrible qu’ils subissent, « la mort, la destruction, le gâchis et la ruine d’une civilisation ». S’il était toujours président [en 2020-24] « quasiment tous les pays auraient adhéré aux Accords d’Abraham ».  Quand il était président, les Juifs n’avaient rien à craindre dans la rue.

Tucker Carlson, Candace Owens, Elon Musk, Donald Jr., J D Vance 

Mais il y en aura qui ne seraient pas malheureux si Israël devait disparaître. Vous direz « certainement… chez les Democrats antisémites et antisionistes ».

En fait, non. Et on s’inquiète, au sein du parti Republican de l’influence des personnages douteux.

La star Tucker Carlson, viré de la chaîne Fox News en 2020, poursuit ses activités journalistiques, avec des millions de followers sur le réseau X. La semaine dernière, 19 millions ont suivi une émission négationniste de deux heures, brièvement approuvée par Elon Musk (qui a aussitôt supprimé son commentaire). Carlson, proche ami de Donald Jr. et invité fréquent à Mar a Lago, a joué un rôle important dans le choix du colistier, J.D. Vance. Honorée par un créneau important lors de la RNC [Republican National Convention], sa prestation a été massivement applaudie. Carlson figurera dans une tournée nationale de la campagne de Trump pendant tout le mois de septembre, en compagnie des célébrités, dont la journaliste Megyn Kelly, l’ancien candidat à la candidature, Vivek Ramaswamy, les nouveaux  conseillers Tulsi Gabbard et Robert F. Kennedy Jr., des marginaux comme le complotiste Alex Jones et … Donald Trump Jr &  le candidat à la vice-présidence, Sen. J.D. Vance.

Sans me vanter, je note simplement que j’avais signalé l’antisémitisme de Tucker Carlson il y a sept ans.

Aujourd’hui, quand les anciens collègues de Candace Owens ont pris leur distance, elle est toujours copine-copain avec Carlson. Appréciée autrefois comme conservatrice noire et sioniste, Owens a tout renié sauf sa couleur de peau. Dans un livestream sur X “The Truth about Zionism,” elle se moque de la « version courte » : « Oh, il y a eu l’Holocauste et soudain nous nous sommes rendu compte que Israël est comment dire un Etat ». Ce ne s’est pas passé comme ça ! « Des catholiques et des chrétiens disparaissaient pendant la Pâque juive, on trouvait des corps—tu piges ?—à travers l’Europe, des corps qu’on a pu retracer aux Juifs. » Et le tout à l’avenant.

Amadouer les Islamistes

Joe Biden n’avait pas cédé à la pression des étudiants enragés, des « uncommitted » qui le boudaient aux primaires Democrat, des « propalestiniens » et des notables musulmans qui exigeaient l’arrêt de son soutien aux Israéliens « génocidaires ». Devenue candidate à la présidence, la vice-présidente Kamala Harris se déclare fidèle à la politique ainsi décriée. 

 Le Washington Examiner rend compte de l’insatisfaction des “uncommitted. Le refus de la vice-présidente de céder à la demande des Democrats d’extrême gauche d’imposer un embargo sur la fourniture d’armes à Israël risque d’empirer le rapport avec les groupes propalestiniens qui ont manifestés en marge de la DNC. Elle avait insisté sur l’importance du deal (cesser-le-feu et libération des otages) pour les familles, les gens de la région, pour mettre fin à la guerre et préparer un avenir meilleur.

L’équipe de campagne de Trump poursuit son outreach [sollicitations] vers les musulmans

18 août : Cette semaine dans la ville de Detroit [Michigan], Massad Boulos, le beau-père de la fille cadette de Trump, organise  des réunions avec plusieurs groupes de la communauté. Boulos, qui est à la tête des efforts d’outreach vers les Arabo-américains, s’est souvent rendu dans le Michigan en compagnie de Bishara Bahbah, président des Arab Americans for Trump. Bahbah précise que leur pitch [discours] souligne la situation désastreuse des Palestiniens à Gaza sous l’administration Biden et la promesse de l’équipe de Trump de donner à leur communauté une place à la table s’il est élu.

Aujourd’hui le New York Sun rend compte de l’activité d’un groupe pro-Republican qui s’adresse aux électeurs arabo-américains en soulignant le grand tort de Kamala Harris : elle soutient Israël. 

La suite : LE DEBAT

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2 Comments

  1. Ce tissu d élucubrations me parait bien peu crédible :
    K Harris est bel et bien issue de l extrême gauche américaine anti sioniste.
    Ses bavardages ne font pas illusion, je ne doute pas de son élection prochaine,la puissance des médias a son unique service et la puissance du deep state obamien agiront comme de coutume.
    Mme Poller devrait nous parler des etats democrates US qui autorisent le vote sans présentation de piece d ideentité , ou des émeutes fomentées par BLM et favorisees par les gouverneurs démocrates avant l élection de 2020 .

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