Michel Barnier, Premier Ministre d’Emmanuel Macron: de la chaotique comédie du pouvoir au déni de démocratie. Par Daniel Salvatore Schiffer

Tout ça pour ça ! Oui : une inopportune dissolution, de la part du Président de la République, Emmanuel Macron, de l’Assemblée Nationale après son désastreux résultat des élections européennes, l’humiliante porte de sortie pour le Gouvernement d’un éphémère Premier Ministre (Gabriel Attal) qui n’avait pourtant pas démérité, la convocation précipitée d’élections législatives et plus de cinquante et chaotiques jours de vacances du pouvoir exécutif, pour en arriver finalement à cela : la nomination, par ce même Président de la République, d’un Premier Ministre, Michel Barnier, issu, non seulement de l’ancienne et quasiment éculée garde politique, mais d’un parti, les Républicains, qui n’est arrivé péniblement, lors de ces mêmes élections législatives, qu’à la quatrième place, loin derrière le NFP-LFI, le RN et même le parti, Renaissance, de ce même Président, encore et toujours. 

UN PATHETIQUE BOND EN ARRIERE

Avec à la clé, pour corser cette lamentable affaire, l’arrivée du plus vieux Premier Ministre, Michel Barnier donc (âgé de 73 ans), de la Ve République, pour remplacer, à ce poste tant convoité par les opportunistes de tous bords, le plus jeune (35 ans à peine). Quel pathétique, plus encore qu’incompréhensible, bond en arrière, sans même le difficile mais intéressant défi d’une véritable, digne, respectable, tolérante et courageuse cohabitation !

UN FRAUDULEUX TOUR DE PASSE-PASSE DOUBLÉ D’UN CONSTERNANT SENS DU RIDICULE

C’est dire donc si, en cette absurde comédie du pouvoir, cet inacceptable et même coupable déni démocratique, au vu du résultat de ce scrutin législatif, se double là, par ce frauduleux tour de passe-passe, d’un consternant sens du ridicule ! 

Je le dis d’autant plus objectivement, sinon sereinement, que, par-delà même ce coup ainsi porté, peut-être de manière irrémédiablement fatale, à la crédibilité même des institutions de la Ve République, j’ai toujours manifesté ouvertement, pour ma modeste part, mon hostilité, comme le prouvent sans la moindre ambiguïté plusieurs de mes tribunes critiques dans la presse française et européenne, à l’encontre du NFP-LFI, dont je n’ai eu cesse de dénoncer, surtout après l’abominable pogrom perpétré le 7 octobre dernier par les terroristes du Hamas à l’encontre des juifs d’Israël, les nauséeux propos antisémites chez trop de ses représentants.

Davantage : si le NFP-LFI, et son leader maximo, l’inénarrable Jean-Luc Mélenchon, au premier chef, considèrent, non sans une certaine raison sur ce point précis, que les élections leur auront été ainsi volées par cet antidémocratique coup de force d’Emmanuel Macron, ils n’ont qu’à s’en prendre tout d’abord à eux-mêmes à partir de ce funeste moment où ils ont refusé, brandissant pour cela le spectre de la censure, le nom de Bernard Cazeneuve, issu pourtant de la social-démocratie, en même temps que politicien à la réelle stature d’homme d’Etat, à ce même poste de Premier Ministre.

UNE ERREUR STRATEGIQUE AUSSI GROSSIÈRE QU’HISTORIQUE DE LA PART DU NOUVEAU FRONT POPULAIRE (NFP-LFI) ET DES SOCIALISTES (PS) EN PARTICULIER

Conclusion ? Il apparaît donc clairement, à l’aune de pareil contexte politique, qu’Emmanuel Macron, nonobstant le chaos institutionnel qu’il aura ainsi généré de manière aussi intempestive, avec cette dissolution bancale, aussi mal pensée que mal préparée, s’en sort, une fois de plus, plutôt bien : Michel Barnier, qui ne sera finalement censuré à l’Assemblée Nationale que par le NFP-LFI, sera effectivement accepté, à une majorité relativement confortable (avec la conjonction des votes du RN, de LR et de Renaissance) par les élus de cette vénérable institution. 

La faute, aussi grossière qu’historique, en incombe donc en premier lieu, une fois encore, à l’incompétence, plus encore qu’à ses profondes divisions idéologiques, de cette gauche, et des socialistes en particulier (l’actuel PS, dont on se demande ce que l’inconsistant Olivier Faure y fait à sa tête de secrétaire général) que d’aucuns réputent, non sans raison manifestement, la plus bête du monde !

Morale de cette mauvaise fable : autant dire, au vu de pareilles déroutes politiques, qu’Emmanuel Macron n’est finalement fort que de la faiblesse intellectuelle, voire la médiocrité partitocratique (c’est un euphémisme), de ses adversaires, qui ne sont manifestement pas à la hauteur. Le paradoxe est, certes, énorme ! Mais le gâchis, surtout, pourrait s’avérer ainsi, à tous points de vue (politique, social, économique et institutionnel), catastrophique, sinon encore fatal, pour l’avenir même de la France !

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

*Philosophe, écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, dont « Les Intellos ou la dérive d’une caste » (Editions L’Âge d’Homme), « Grandeur et misère des intellectuels – Histoire critique de l’intelligentsia du XXe siècle » (Editions du Rocher), « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (PUF), « Lord Byron » et « Oscar Wilde (Gallimard-Folio Biographies), directeur des ouvrages collectifs « Penser Salman Rushdie » (Editions de l’Aube/Fondation Jean Jaurès), « Repenser le rôle de l’intellectuel » (Editions de l’Aube) et « L’humain au centre du monde – Pour un humanisme des temps présents et à venir » (Editions du Cerf). 

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5 Comments

  1. Il y a quelque chose de contradictoire dans toute cette analyse. Si, dans toute cette ténébreuse affaire, Macron, je cite, « s’en sort, une fois de plus, plutôt bien », c’est reconnaître alors qu’il a eu raison de faire cette dissolution, qualifiée en prémisse, d’ « inopportune », puis de « bancale », « mal pensée », « mal préparée ». En effet reconnaître qu’il s’en sort bien, obligerait plutôt à conclure qu’il aura bien joué. Autrement dit que loin d’être « inopportune », cette manœuvre tactique s’avère plutôt une opération réussie, bien qu’audacieuse voire hasardeuse, si l’on veut bien juger la valeur de cette entreprise à l’aune de son résultat. Et Barnier, c’est un peu Macron qui aurait pris de l’âge… Vingt-six ans exactement. Qualis artifex pereo !

    En outre, où y a-t-il déni démocratique ? Le déni ne vient pas de Macron, mais de la gauche qui confond parti et coalition, majorité électorale et majorité parlementaire. Qu’elle aille suivre des cours du soir de droit constitutionnel.

    Quant à la solidité du NFP, faut-il vraiment s’en étonner ? Elle tient d’abord à des intérêts bassement électoraux. Faure et Mélenchon, c’est Sganarelle condamnant Dom Juan mais attaché à lui jusqu’au bout en raison des gages qu’il reçoit. Si les socialistes veulent encore exister, ils doivent rester les alliés des insoumis, sous peine de disparaître. Il s’agit donc de tout faire, et de tout accepter, pour se faire élire, et notamment aux prochaines municipales, non pas forcément pour exercer des fonctions, en vue de « répondre aux besoins des Français », selon la phraséologie en usage, mais pour conserver des mandants et obtenir des subsides. Sganarelle, donc, sans oublier Tartuffe. Les socialistes sont prêts pour cela à fermer les yeux sur toutes les saillies du Prophète, et même sur son antisémitisme « résiduel », puisqu’il est entendu que, pour la gauche, l’antisémitisme est ontologiquement d’extrême droite. Fort de cette certitude commode, Faure l’ectoplasme peut se vendre en toute bonne conscience, et tancer tous ceux à droite tentés de venir nourrir ou caresser la bête.

    L’antisémitisme est devenu le mal le plus universellement partagé à gauche comme à droite de par le monde en raison de ce qu’est devenu le monde et de ce que sont restés les Juifs. Un monde qui autrefois condamnait les Juifs parce qu’ils n’étaient pas une nation. Un monde qui aujourd’hui les condamne parce qu’ils en sont une. Et peut-être une des dernières… Bref des Juifs toujours intempestifs, jouant un fois de plus une petite musique à contretemps.

  2. La « démocratie » en France et en Europe de l’ouest ressemble à un couteau sans lame et sans manche, ou à une fleur sans tige, sans pistil, sans nectar et sans pétales : il s’agit d’une pure abstraction dépourvue de toute réalité, d’un concept désignant quelque chose qui n’existe pas (ou n’existe plus). La démocratie en France et en Europe aura duré approximativement un siècle, ou un peu plus.

    Voici la réalité politique et humaine de la France des indigènes de la République :

    Le Fascisme dans un gant de velours et la Barbarie dans un bas de soie.

  3. On peut reprocher à Macron la dissolution.
    Surtout qu’il est une vérité archi-connue de tout politicien français : les Français se vengent de qui leur pose une question ; qu’elle soit par referendum ou par législative anticipée. Ils répondent à la personne et non à la question posée ; et comme ils sont toujours mécontents, ils en profitent pour régler son compte au pouvoir….
    Exemples entre autres : le referendum de CDG en 1969, la dissolution de Chirac en 1997…
    Macron aurait dû s’attendre à une raclée ; surtout vues les résultats des européennes….
    Il est donc impardonnable et c’est tout.
    MAIS une fois la législative anticipée votée avec les résultats que l’on connait, pouvait-il faire autrement que de tenter de garder le cap ? Pouvait-il nommer une gouvernance inféodée à Mélenchon qui le réclame à cor et à cri ? Quitte à plonger le pays, déjà en mauvaise posture comptable, dans un naufrage moral et financier et une crise sociale profonde ? La faillite ?
    Bref, dès les résultats de la législative anticipée connus il fait (strictement dans le cadre de la Loi et de la Constitution, hein ?) ce qu’il peut avec les moyens qu’il a (dont une assemblée nationale majoritairement hostile) pour éviter la cata.
    Autrement dit : bon courage et bonne santé à Michel Barnier ; la nôtre, de santé, en dépend.

  4. Naufrage moral, financier et crise sociale profonde ? Non seulement on y est, mais ce stade a depuis longtemps été dépassé ! Le couple Macron Mélenchon a tué le peu de démocratie, de culture et d’humanité qui restaient à ce pays. Combien de Sarah Halimi et de Lola la France laisse-t-elle mourir de façon atroce ? Combien de femmes violées et torturées puis ayant le droit de se taire ? Ou d’handicapés traités comme des sous-humains ? Et qu’est ce que la « France  » aujourd’hui culturellement parlant ? Et à part exalter la guerre et la désinformation quel est son rôle sur la scène internationale ?
    L’intelligence et l’humanite existent toujours en France …mais uniquement chez ceux qui ont pris conscience qu’ils vivent désormais dans une dictature et un territoire perdu de la République, où eux et leurs enfants sont en pays ennemi.

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