Benjamin Netanyahou et Yoav Gallant s’opposent sur la nécessité de maintenir le contrôle de Tsahal sur le corridor de Philadelphie, au risque de perdre les otages. Explications de Raphaël Jerusalmy.
Le contrôle du Corridor de Philadelphie, qui sépare Gaza de l’Egypte, est-il aussi indispensable que l’affirme Benjamin Netanyahou pour prévenir un second 7 octobre ?
Raphaël Jerusalmy : Sur le plan sécuritaire et militaire, l’axe de Philadelphie est un point stratégique très important dans la mesure où il est effectivement le point de passage principal par lequel le Hamas et d’autres factions terroristes peuvent s’approvisionner en armements, blanchiment d’argent et autres marchandises. Il est donc impératif de pouvoir en assurer un contrôle qui, jusqu’à présent, avait été délaissé. Les Égyptiens patrouillaient et surveillaient l’axe, mais n’ont pas empêché les tunnels, la contrebande bédouine et la corruption de la police. Tout ceci a permis des ravitaillements de façon mafieuse et clandestine pendant des années.
« Yoav Gallant et le chef d’état-major de Tsahal Herzi Halevi disent que oui, nous pouvons évacuer temporairement l’axe de Philadelphie, quitte à y revenir plus tard si une menace se dessine »
Alors pourquoi le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant défend-il un retrait de ce Corridor à la faveur d’un accord de libération des otages ?
Raphaël Jerusalmy : Cet endroit peut effectivement être abandonné physiquement et temporairement par les troupes de Tsahal, dans la mesure où le Hamas a été affaibli, de nombreux tunnels ont été détruits, et surtout parce qu’il y a des accords avec l’Égypte qui permettraient de laisser sur place des outils technologiques tels que des caméras de surveillance, des capteurs, etc. qui assureraient une surveillance côté israélien, accompagnée d’une promesse des Égyptiens d’augmenter leurs patrouilles. Yoav Gallant et le chef d’état-major de Tsahal Herzi Halevi disent que oui, nous pouvons évacuer temporairement l’axe de Philadelphie, quitte à y revenir plus tard si une menace se dessine.
Benjamin Netanyahou a pourtant réitéré ne pas vouloir céder sur ce point, au risque de ne pas conclure d’accord avec le Hamas ?
Raphaël Jerusalmy : Pendant vingt ans, Israël n’a pas contrôlé l’axe de Philadelphie… Donc tout à coup, en vouloir d’urgence le contrôle absolu semble un peu étrange. Philadelphie peut attendre. Mais ceux qui ne peuvent pas attendre ce sont les otages qui meurent l’un après l’autre. Benjamin Netanyahou a raison d’insister sur l’importance stratégique de cet axe pour que le Hamas ne se refasse pas une santé, mais il a tort d’insister maintenant. Les experts israéliens de la Sécurité disent tous que cela peut attendre. La libération des otages, elle, ne peut pas attendre et le Hamas a fait de ce retrait une condition sine qua non à un deal.
Propos recueillis par Eve Boccara pour i24News
Oui , il faut tout essayer pour sauver les derniers otages , mais retenons les leçons de l histoire svp :
Dire qu apres avoir evacué l axe de philadelphie , nous pourrons le reinvestir facilement est historiquement faux et archi faux .
Les americains et leurs amis egyptiens et qataris s opposeront a notre retour et nous plierons !
Lorsque Sharon a evacué Gaza , certains ont evoqué la possibilitė evidente d attaques transfrontalieres , Sharon a repliqué qu a la premiere attaque il ecraserait Gaza et en ferait …..un parking ! Nous savons la suite et les 15 ans de guerre larvée sans reponse serieuse de Tsahal puis ….le 7/10 !!!!
Celui qui abandonne le terrain peut toujours claironner qu il y reviendra de suite : c est faux , et l histoire regorge d exemples edifiants .
Lorsque nous aurons quitté l axe philadelphie , rien n empeche notre » grand ami » Al sissi d y etablir enfin une force militaire consequente et de nous interdire d y revenir : quel gouvernement israelien risquera un affrontement avec l egypte ? Reponse : aucun , strictement aucun .
Devant le cynisme des egyptiens qui ont certainement collaborė avec le hamas durant des années , a t on entendu les remarques de Bibi ? De Ben gvir ? De Gantz ? De Bennet ? Non pas un mot , juste de la pommade a nos ennemis egyptiens , trop heureux de nous mettre en difficultė si facilement .
Donc , oui , nous pouvons trouver une solution sans presence dans cette zone , et non , nous n y remettrons plus les pieds .
D’accord avec T+amouyal ci-dessus. Et je surenchéri:
Les adversaires de Netanyahou dans ce débat, notamment Gantz, Eisenkott, les familles des otages et leurs nombreux soutiens maintiennent que l’importance de la voie Phiadelphi est secondaire et que, quoi qu’il en soit, évacuée par Israël dans l’immédiat afin de libérer des otages dans le cadre d’un accord négocié, elle pourrait être reprise par Tsahal ultérieurement au besoin. Admettons.
MAIS l’argument de « reprendre Philadelphi » après la « libération des otages » passe outre la question « à quel prix » ? De combien de vie de soldats israéliens couterait la « reprise ultérieure » de Philadelphi ? De combien de blessés ? Ce nombre ne pourrait-il pas être supérieur au nombre des otages vivants (éventuellement) libérés ? Auquel cas, de quel droit libère-t-on un otage au prix de la vie d’un (plusieurs ?) soldat israélien ?
Et surtout ATTENTION : un terme important est absent, et pour cause, du débat en Israël et ailleurs : « la procédure Hannibal ». Pour qui cela intéresse voir Wikipedia en Hébreu mais aussi, entre autres, en Français : « Directive Hannibal ».
Il s’agit d’un mode opératoire informel, jamais avoué, encore moins officialisé, de l’armée israélienne pratiqué en cas de prise d’otages (en principe, des militaires israéliens) par des « terroristes » (« palestiniens » ou assimilés).
Le principe Hannibal étant qu’il ne faut jamais céder au chantage et donc ne jamais payer une rançon ; vu que cela libérerait peut-être des otages mais encouragerait la prochaine prise d’otages. En revanche, les preneurs d’otages sont condamnés à mort ; et dès que possible.
Quitte donc à la limite, si possible et nécessaire, de les tuer en prenant le risque de tuer des otages qui se trouvent avec et qui servent de bouclier humain.
L’exemple le plus flagrant de non-respect de la procédure Hannibal est donc l’affaire Gilead Shalit qui a vu la libération, en contrepartie de ce seul soldat israélien, d’un millier de prisonniers palestiniens dont le dénommé Yahya Sinwar ; lui-même à l’origine du 7 octobre dont la prise d’otages…
Netanyahou et ceux qui le suivent sont guidés, sans jamais se permettre de le dire, par le principe Hannibal dont personne ne parle ; le refus de payer une rançon. Donc le renoncement à « libérer » des otages en payant un prix.
D’où les obstacles à toute négociation posés par Israël (en vérité, par Netanyahou) ; Philadelphi ou pas est, en vérité, secondaire voire hors sujet.