Alain Delon, le non-vendu. Par Antoine Desjardins

Bourreau des cœurs ? Oui mais bourreau, à l’évidence et avant tout, de lui-même

Alain Delon, dans « Le cercle rouge », 1970. © NANA PRODUCTIONS/SIPA

Certes, tout le monde dira que c’était « un monstre sacré », « une légende du cinéma ». Mais il ne faut pas oublier qu’il était aussi un gaulliste et un patriote, fier et amoureux de la France.


Acteur, certes, mais avant tout un homme d’honneur et de fidélité, de parole brève, qui fut, derrière des yeux glaçants de beauté, des yeux de givre bleu, un homme-braise : une braise ardente d’amour, de vérité, de passion, d’engagement filial, un homme-cri, cri muet de l’âme navrée et du souvenir meurtri, cri porté en silence, cri retenu, comme fait le loup de Vigny.

Un homme décent, pudique à l’extrême, un homme soucieux de la dette symbolique, attaché aux liens invisibles et immatériels de la transmission et de la parole donnée ou reçue, de l’affection.

Un nostalgique et un non-commerçant, c’est-à-dire de toute façon déjà un voyou pour notre époque actuelle.

Un homme du respect et de la distance, fuyant la fusion et ses mensonges simulacres, un dangereux aristocrate naturel venu du peuple, un non-transparent, un mystère.

Un homme-mystère, oui et qui emportera toujours du Mystère. Nous n’aimons pas, nous autres, ce qui n’est pas mystérieux. Nous n’aimons pas les bons, les gentils, les objectivables et les objectivés, les gens qui sont rendus, ou se sont rendus, ceci ou cela par désir d’emporter l’adhésion ou de plaire. Delon n’était pas « sympathique ».

Nous aimons les « monstres indéfinissables » de Pascal, d’autant qu’ils ont le talent, le charisme, la grâce même, dont souvent Delon sut faire preuve dans quelques chefs-d’œuvre.  

Dur, arrogant, imbu de lui-même, lit-on parfois. Sûrement. Et le contraire aussi.

Bourreau des cœurs ? oui mais bourreau, à l’évidence et avant tout, de lui-même, bourreau ombrageux, consumé sans gémir par ses propres démons et son enfance chaotique. Un sale caractère ? Non, du caractère. « Un homme sans défauts est une montagne sans crevasses : il ne nous intéresse pas » dirait René Char.

Nous aimons l’infini de la Question, nous aimons, parmi les êtres, ceux dont nous ne faisons pas le tour. Les escarpés. Les indéfinissables qui rayonnent, les grands déçus et les misanthropes, les solitaires magnifiques.

Alain Delon, l’indéfinissable

Les énigmes à eux-mêmes et aux autres. Ceux qu’on connaît bien et qu’on ne comprendra vraisemblablement jamais : il y aura toujours un reste, un trouble, un possible. Nous aimons ce qui nous échappe et qu’on n’a pas stabilisé bêtement. Delon n’est pas un objet défini.

Un homme imparfait et droit, un homme viril, fort et fragile, un tigre souple avec, à peine passante, la séduction magique et ambiguë du féminin reprise par l’autorité brusque ou belliqueuse du mâle.

Un homme, acteur fascinant, qui brûlera longtemps dans ses films et dans les souvenirs car il incarna la France.

Car, oui, épris profondément de Romy ou Mireille, icônes et fées délicieusement vivantes et proches du cinéma de la France des années 70-80, il fut aussi un amoureux de la France : un vrai gaulliste, un patriote, n’ayant jamais eu honte de faire savoir hautement qu’il aimait son pays et le visage singulier de celui-ci.

Un non-vendu, en somme.

© Antoine Desjardins

Source: Causeur

https://www.causeur.fr/alain-delon-le-non-vendu-289708

Professeur de Littérature, Antoine Desjardins est co-auteur de “Sauver les lettres – Des professeurs accusent” (Editions Textuel). Membre du Comité Les Orwelliens, il écrit dans le Figaro Vox, Marianne, Causeur, Tribune juive.

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4 Comments

  1. C’était l’époque où la France incarnait la grandeur et la fierté. De Gaulle a contribué à l’essor de ce pays. Alain Delon était un gaulliste et un patriote fier et amoureux de la France. Etre de droite actuellement en France, c’est être considéré comme un fasciste. Il y a le bien la gauche et le mal la droite. Avoir des valeurs, immoral pour certains. De Gaulle, c’était le Président qui payait son électricité, son essence, belle probité dont pourrait s’inspirer ses soi-disants héritiers. Le fleuron de l’époque, c’était de grands entrepreneurs, Louis Renault, André Citroën, Marcel Dassault, c’était la grandeur de la France, une autre époque. Cela fait longtemps que la France ne compte plus dans les domaines de l’innovation scientifique et technologique. (Regardez plutôt Israël). A la base de notre civilisation, il y a la liberté de chacun dans sa pensée, ses croyances, ses opinions, son travail, ses loisirs (Charles De Gaulle).

  2. @Nathalie Il faudrait plutôt dire « Être un fasciste actuellement en France, c’est être considéré comme être de gauche »
    La FI est un parti d’extrême-droite, un parti néo nazi chimiquement pur. EELV, le PS, le PCF, Le Monde, Liberation et tutti quanti appartiennent à la même famille politique.
    Macron, c’est le collaborationnisme à l’état pur. En outre, son discours anti pauvres, son mépris pour les faibles et son bellicisme outrancier aux dérives de plus en plus xénophobes suffisent déjà en soi pour le classer à la droite de la droite de l’échiquier politique (comme Thatcher, mais Thatcher ne collaborait pas avec l’islamisme d’une telle façon).
    Pendant des années, on a agité en Europe l’épouvantail d’extrême-droites imaginaires ou révolues. Résultat : la France, l’Angleterre et presque toute l’Europe ont basculé dans le Nazisme bien réel : https://www.tribunejuive.info/2024/04/07/la-bete-immonde-les-sept-signes-de-son-retour-par-jerome-onyx/

  3. @Jérome O. Bonjour, c’était de l’ironie quand je dis « être de droite », c’est être considéré comme un fasciste. Je me moque de tous ces gens, les médias, les personnalités de gauche, les bien-pensants de la classe politique qui nous rabâchent à longueur de journée ce discours. Quant à Macron il m’indiffère complètement. Le Président le plus médiocre, il n’est pas à la hauteur de son rôle et de sa fonction de Président. Je suis d’accord avec vous dans votre analyse et sur votre article la bête-immonde. Bonne journée. Amicalement.

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