L’Autorité Palestinienne à l’épreuve de la Guerre de Gaza. Le mythe de la modération. Par Georges-Elia Sarfati

Georges-Elia Sarfati

La récente réconciliation des factions palestiniennes sous l’égide de la Chine laisse entendre que si un tel rapprochement est possible[1], c’est que sur le fond les principaux motifs de dissension n’ont plus lieu d’être, mais que surtout les nuances de conceptions stratégiques n’ont pas pour autant raison d’un projet commun : rechercher par tous les moyens la destruction d’Israël.

Si beaucoup d’observateurs ont fait à Israël le reproche de ne pas observer le cadre des Accords d’Oslo, les récents développements historiques montrent à tout le moins que depuis le 7 octobre, le Fatah, que les medias s’évertuaient à présenter comme le seul interlocuteur fiable en vue de l’application de ces accords de paix, ne leur reconnaît plus la moindre valeur. A échelle historique, la parenthèse de ce énième mensonge médiatique aura tout de même tenu l’opinion en haleine pendant au moins trois décennies. Il reste que le discours diplomatique qui se soucie davantage d’entretenir les rapports de force que d’exiger l’épreuve de la vérité, persiste, bien au-delà des medias, à entretenir l’illusion de la « solution à deux États », alors que les représentations palestiniennes ne souhaitent à l’évidence ni Etat, ni solution de nature pacifique.

L’idéologie d’Oslo avait notamment servi à lisser le passé terroriste du Fatah et de l’OLP, tout autant que permis de faire oublier la proximité de principe que la centrale palestinienne, fondée par Y. Arafat, continuait d’entretenir avec ses dissidences, qu’elles fussent celle des responsables du massacre des athlètes israéliens lors des jeux olympiques de Munich (1972) ou des auteurs de l’attentat de la rue des Rosiers (août 1982), dont le procès se fait encore attendre.

Les développements politico-militaires en cours depuis la riposte d’Israël à l’invasion sanglante du Hamas attestent que l’image de modération, longtemps cultivée par l’Autorité Palestinienne, n’est plus que le vestige d’un système idéologique qui a fait long feu[2]. Il est désormais acquis que l’AP de M. Abbas n’est guère plus crédible que le Hamas d’I. Haniyeh et de Y. Sinwar, puisque le Fatah s’est avéré aussi entièrement impliqué dans la guerre contre Israël que ses rivaux. En l’espèce, la droite palestinienne partisane de l’action violente (le Hamas)  et la gauche palestinienne partisane non démentie de la stratégie par étapes (l’OLP) viennent de consolider leur alliance de vues. Certes, en comparaison des Frères musulmans conséquents, l’aile gauche de l’Autorité Palestinienne s’est faite discrète, mais la part qu’elle prend au cycle interminable des violences perpétrées contre Israël n’en est pas moins constante[3].

Dans le même ordre d’idée, la banalisation du lieu commun longtemps étayé, selon lequel l’AP était entrée en diplomatie, et qu’elle constituait un interlocuteur valable, sinon le seul interlocuteur légitime pour Israël, est allée de pair avec l’effacement délibéré de la théologie politique dont se revendiquent tout uniment ses différentes composantes[4]. De tenir sous le boisseau cet aspect de la réalité ne suffit certes pas à transformer en son essence une organisation – ou plutôt un agrégat d’organisations djihadistes- en un bloc institutionnel « laïc et démocratique »[5]. Une simple revue de presse des déclarations de représentants civils mais aussi religieux de l’Autorité Palestinienne permettra de l’établir.

Rappelons d’abord qu’en date du 7 Octobre 2023, sur sa Chaîne Telegram (« Palestine-Terre occupée »), l’aile militaire du Fatah, les Brigades des martyrs d’El Aqsa, a appelé les forces de sécurité de l’AP à massacrer les Juifs :

« Allahu Akbar, venez au djihad venez au djihad. A tous nos fils et frères des forces de sécurité palestinienne dans toute la Cisjordanie : aujourd’hui est votre jour. Entrez dans les colonies, frappez les fils de singes et de porcs, tuez tous les colons, massacrez tous les Israéliens, par Allah, ce sont les plus lâches de hommes. Aujourd’hui est une nouvelle ère de jours de victoire, si Allah le veut- car c’est le djihad, la victoire ou le martyre. »

Le 11 janvier 24, sur sa page Facebook, le secrétaire du Comité central du Fatah, Jibril Rajoub , postait cet appel :

« J’appelle toute la rue palestinienne et toutes les forces politiques palestiniennes à se lancer contre les colons par tous les moyens possibles (y compris le recours au terrorisme) et tout colon qui vient vers eux et les attaque n’a pas besoin de repartir vivant »

Le 9 février 24, dans le cadre d’une émission de la télévision de l’AP, Mahmoud Al-Habbash, conseiller du président M. Abbas, s’exprime en ces termes :

« Cette lutte (contre Israël) se présente sous diverses formes… C’est la même lutte entre Satan et l’homme, entre le bien et le mal, entre la vérité et le mensonge, entre ceux qui sont fidèles au Miséricordieux (Allah) et ceux qui sont fidèles à Satan. »

Une caractéristique récurrente du discours palestinien « modéré » consiste dans la négation de l’histoire juive, à commencer par la négation de tout lien entre les Israéliens et la portion de terre sur laquelle est établi l’Etat d’Israël à l’échelle historique longue :

« Votre meilleur djihad est le Ribat[6], et votre meilleur Ribat est à Ashkelon » (Hadith). Où se trouve Ashkelon (la ville israélienne) ? Sur la côte de Palestine. Ces villes côtières palestiniennes, qui ont été construites par les Palestiniens, cette terre ici, elle leur appartenait il y a des milliers d’années, même avant l’arrivée de notre seigneur Abraham. Cette terre appartenait aux Palestiniens, elle appartient aujourd’hui toujours aux Palestiniens, et elle appartiendra aux Palestiniens. Et le tableau final – je le vois comme si je vous voyais- est palestinien par excellence. C’est la promesse du prophète Mahomet, et c’est la promesse d’Allah. La bande de Gaza d’aujourd’hui est la sœur d’Ashkelon. Personne n’a de lien avec le mur d’Al-Buraq[7] à part les musulmans, absolument ! Notre seigneur Salomon n’était pas ici. Et même si c’était ici, Salomon est un musulman, sur le chemin de Mahomet et d’Abraham (le musulman). »

Le 8 mars 2024, le même responsable déclare en direct à propos de la riposte d’Israël contre le Hamas :

« Ce qui nous arrive (la guerre de Gaza) fait partie d’une guerre contre notre religion, contre notre nation, contre notre existence. Allah a dit : « Et ils continueront à vous combattre jusqu’à ce qu’ils vous détournent de votre religion s’ils en sont capables » (Coran 2 :217). Ne devrions-nous pas défendre notre religion ? La nation (islamique) ne devrait-elle pas défendre sa foi, sa Jérusalem, sa mosquée Al-Aqsa son Coran ? »

Pour sa part, Abdallah Harb, le 31 mai 2024, en sa qualité de juge pour la charia de l’AP, se livre à une approbation en règle du terrorisme, au cours d’une émission de télévision de l’AP :

« Depuis plus de 75 ans notre peuple est soumis à l’agression, depuis l’occupation (c’est-à-dire la création de l’Etat d’Israël) au moins. Il est opprimé et  souffre, et tout ce que fait notre peuple (le terrorisme) est une réponse acceptable. C’est notre droit, et notre peuple ne doit pas être blâmé pour cela, et il ne doit pas être tenu responsable pour cela. »

Le 5 juillet 2024, le chef religieux déclare encore :

« Allah, frappe tes ennemis, les ennemis de ta religion… Allah, frappe les Juifs agressifs, frappe-les ainsi que leurs alliés, ô Maître de l’Univers, et ceux qui les soutiennent politiquement, par les armes et l’argent. Ô Allah, tue-les un par un, et n’en laisse pas un seul, ô Maître de l’Univers. »

La lecture de ces propos laisse peu de doute sur l’identité de vues, quant aux Juifs et à Israël, entre les deux principales représentations de l’AP, qu’il s’agisse du Fatah ou du Hamas[8] . Une affiche arborée dans le même contexte proclame :

« Ô fierté de Salah Shahada, ô sagesse d’Imad (Aqel[9])/ Ô les explosifs de Yahya Ayyash[10] / Le martyr et les amoureux de la gâchette:/Tuer les occupants est un acte/ d’adoration qu’Allah a transformé en loi./ Tuer les occupants est un acte/ d’adoration qu’Allah a transformé en loi.

Levez-vous, ô hommes déterminés./La couleur du sang du Martyr/protège la terre…

Ô toi qui es masqué et qui porte un/keffieh et qui terrifie les Juifs… /Appel au sionisme : « L’armée de Mahomet/ a commencé à revenir »

Si les propos publics que nous venons de passer en revue s’adressent à un auditoire d’adultes, le public des enfants n’est pas oublié par cette machine de propagande et d’endoctrinement qui suit son cours depuis plusieurs décennies. La création de l’Etat d’Israël aura été, pour les tenants du djihad en Palestine, depuis Hassan El Banna et son successeur, Saïd Ramadan, fondateur de la branche palestinienne des Frères Musulmans, le point de condensation renouvelé de la propagation de ce discours.

L’enseignement précoce de la haine, psycho-affectif, avant que d’être conceptuellement fondé, passe par la définition de nombreux signes et témoignages de culture populaire, à laquelle appartient fortement le patrimoine des chansons pour enfants. En première place des canaux de transmission de ce folklore cultivé depuis quatre générations, la comptine suivante, véhiculée par les programmes éducatifs de l’Unrwa[11] :

« Ma sœur s’appelle Yasmina/ C’est une belle jeune fille…/Mon oncle est Saladin[12] / Il m’a donné le livre de religion de Palestine

La Palestine est notre terre, notre terre,/ notre terre

Et les Juifs sont nos chiens, nos/chiens, nos chiens

Ils ont frappé à nos portes,/ nos portes, /nos portes

Comme des mendiants…/Vive, vive la Palestine/Mort à Israël

Ils ont frappé à nos portes, /nos portes,/ nos portes…

Comme des mendiants…/Vive, vive la Palestine/Mort à Israël »

Tout cela doit-il se passer de commentaire, ainsi que les journalistes, les intellectuels, les vecteurs d’opinion, les militants de bonnes causes, et les progressistes de tout bord en ont pris l’habitude ?

Georges-Elia Sarfati : Philosophe, linguiste, psychanalyste existentiel. Fondateur de l’Université Populaire de Jérusalem. Poète, lauréat du Prix Louise Labbé.


Notes

[1] Cf. Notre article : « La Chine à la recherche de l’unité palestinienne », Tribune Juive, le 16 Août 2024.

[2] Cf. Notre article : « Feu les Accords d’Oslo », Tribune Juive, le 15 Mai 2024.

[3] Ce qu’atteste l’élimination ciblée, le 21 Août 2024, dans la ville de Saïda, au Liban, de l’un des chefs de la branche armée du Fatah, en charge de l’organisation des attentats perpétrés en Judée-Samarie.

[4] De manière constante, le lecteur peut se reporter à la source de ces données, régulièrement actualisées, le site : Palestinian Media Watch.

[5] Selon la propre définition de l’OLP, en suivant les termes de sa Charte.

[6] C’est-à-dire le conflit religieux sur une terre islamique

[7] Désigne le mur occidental.

[8] L’un des clips du Hamas, enregistré à l’initiative du bureau des Brigades al Qassam, responsables du massacre du 7 octobre, professe ceci (TV du Hamas, le 18 Nov 2012  : « Tuer les Juifs est un culte qui nous rapproche d’Allah ».

[9] L’expression désigne les dirigeants du Hamas.

[10] Artificier du Hamas, également surnommé l’ « ingénieur », éliminé par Israël à la fin des années 90 du XXè siècle.

[11] Source : « Quds News Network, Hamas », Compte Twitter, 30 Novembre 23.

[12] Référence au chef militaire musulman du 12è siècle.


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1 Comment

  1. Nous connaissons bien l OLP ( pseudo autorité palestinienne) et les israeliens reveillés ( 90% apres le 7/10) ne pretent aucune moderation a ces islamo fascistes du camp d en face , neanmoins le realisme a poussé , jusqu alors, les gouvernements a traiter avec abbas et sa clique pour obtenir un semblant de calme en judée samarie et Israel a favorisé un debut de développement economique bien plus encourageant que les tunnels du hamas .
    Nous devons survivre sur une etroite bande de terre avec 4 a 5 millions d arabes dont 70% souhaitent nous eradiquer jusqu au dernier , et cette realité oblige a choisir la moins mauvaise solution , meme lorsque celle ci est …….mauvaise comme la dictature de l OLP /fatah .

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