Cris de guerre XVIII. Géopolitique hors sol. Par Nidra Poller

L’Iran  frappera / oui, non, peut-être ?

Paris le 14 août : Accablée de tristesse ce matin. Un reportage hier soir sur i24 news félicite le courage extraordinaire d’un jeune soldat israélien  … je n’arrive même pas à l’écrire … un jeune soldat, beau, fort, musclé, souriant, indomptable… les images avant-après passent en alternance … avant, au retour d’un grand voyage … puis, le 7 octobre … l’engagement … le combat rapproché … avant, en pleine forme, dressé devant l’objectif, après, ce qui reste de ce jeune homme qui ne se laisse pas abattre. L’horrible expression. Cul de jatte. Amputé de ses deux jambes jusqu’à la cuisse. Sa vie sauvée par la médicine héroïque. C’est cela, la civilisation. Et aujourd’hui, il se bat avec la moitié d’un corps entièrement animé de la rage de vivre et d’agir. Il fait de la boxe. Du tennis. Il glisse du volant de sa voiture jusqu’à la plateforme et saisit d’une main déterminée le fauteuil qu’il jette par terre, qu’il ouvre d’un coup sec, qui l’accueille. 

Je ne l’accablerai pas de mes sentiments.

J’élargirai le cadre, lui accordant le respect pudique qu’il mérite.

Je me suis réveillée, accablée de tristesse. Un soldat amputé de ses deux précieuses  jambes : l’image de l’impact de cette géopolitique hors sol qui agace mon esprit et tourmente ma parole.

Que faire de / avec / à l’Iran jihadiste qui poursuit un objectif clair et net : amputer le monde de l’Etat d’Israël, des Juifs, de la civilisation, des kuffars, des mécréants, de la vie ? L’Iran, encadré de ses trois H, Hamas, Hezbollah, Houthi, pourrait frapper à n’importe quel moment. Quand et avec quelle force  et quelle ampleur ?  Je me lève chaque matin, les doigts sur la gâchette de la télécommande, avant de démarrer le café. 

Des médias annoncent, des sources anonymes révèlent, tout laisse à croire que c’est pour demain, hier, jamais, plus que jamais. Mais ce ne sera pas, pour moi, encore un parmi les malheurs qui secouent ce bas monde, sans me laisser indifférente. Si l’Iran frappe, je serai touchée dans la chair de mon peuple, de ma famille, de la mishpocha. Mes proches seront en ligne de mire et je ne serai pas là, physiquement, pour partager leur sort. Israël c’est ma lifeline, c’est notre éternité.

Je vaque à mes occupations. Le redoutable assaut iranien, voire de toute la panoplie, l’anneau du feu, ce pourrait être maintenant.  Je suis à la cuisine, au marché, au jardin, dans la rue où les roquettes et les missiles ne me visent pas… encore. Des explosions monstres, des dégâts affreux, des morts et des blessés, ce pourrait être maintenant et je ne le saurais pas avant d’allumer l’écran. En fait, non. Le whatsapp se mettrait immédiatement en branle.

Je suis là, les bras ballants. Tout comme nos dirigeants qui se comportent comme des moniteurs de colonie de vacances, affairés à raisonner le petit Iran turbulent. Tantôt menaçants—si tu tapes tu seras frappé encore plus fort—tantôt cajoleurs—sois gentil et on te laissera garder tes jouets nucléaires, tes proxies génocidaires et, éventuellement, l’axe de Philadelphie pour tes chouchous. 

Wooah, il n’a pas l’air commode, ce gamin. Les moniteurs s’abattent sur Israël. S’il te touche, retiens-toi. Un petit coup pour l’honneur et on arrête. Pas d’escalade, pas de conflit régional, pitié, on n’a pas besoin de ça.

Si je comprends bien, une belle frappe iranienne provoquerait une magnifique riposte israélienne qui pourrait mettre fin à la mainmise islamiste sur la Perse. Un coup de grâce pourrait libérer le peuple perse de ce régime mortifère, délivrer l’Etat juif d’une guerre jihadiste sans fin et sans répit, enlever  le chantage nucléaire iranien du cou du monde libre, interrompre le flot d’armes vers la Russie bourreau de l’Ukraine, laisser à ce qui reste du Liban une chance de survie, ouvrir un horizon pour les Yazidi, les Kurdes, les Chrétiens d’Orient. On couperait le souffle de l’incursion jihadiste par immigrés manipulés en Europe. La Turquie, le Qatar et l’Autorité palestinienne seraient mises en demeure de choisir leur camp …

On reconnaitra enfin que les deux États sont dar al harb et dar al islam. Et la solution, pour les épris de liberté, est de résister et de vaincre.

Si je comprends bien… mais comment comprendre qu’on  veuille à tout prix éviter l’escalade qui pourrait mettre fin aux interminables escalades  ?

Le ruban jaune en bande de Moebius

15 août : Plus de 300 jours de mises en scène sur la Place des otages. Des défilés, des manifestations, des blocages de  route, des cris de colère contre le gouvernement et surtout contre Bibi, tenu pour responsable du calvaire qui dure au-delà de tout ce qui est supportable. Des t-shirts et des baillons, des tables de shabbat, des oursons en peluche et des portraits géants  qui s’éloignent de plus en plus de la réalité des captifs. Devenus des morts vivants, des cadavres abandonnés, des damnés sous terre, des restes humains mutilés, abusés, tourmentés, torturés, affamés, assoiffés, souillés.

Si c’est un homme au bout du tunnel, si c’est une femme rescapée des pires outrages, s’il y a eu des survivants des camps de la mort, comment savoir si la haine génocidaire jihadiste n’a pas créé des conditions de confinement absolument insurmontables ?

L’énergie du théâtre Bring Them Home Now, la beauté des visages tenus à bout de bras, les slogans et les cris contre un Etat qui les abandonne, les larmes des familles amputées de leurs membres, le tout en quadrichromie et en trois dimensions, c’est trompeur. La réalité est cendres et poussière noire. C’est trompeur, tout comme les négociations, les dernières des dernières des dernières chances. Toute cette vitalité animée du sang de l’espoir est un monument à l’impuissance.

C’est cela l’escalade. C’est ça la conflagration régionale, globale. La civilisation bouche bée ! Le désordre de la syntaxe internationale : 

Cessez-le-feu, retour des otages ?

Non ! 

Retour des otages, cessez-le-feu.

A force de crier à l’envers, la conscience morale s’étrangle et se meurt. Le monde libre aurait dû parler d’une seule voix et ceci depuis le 8 octobre : libération sans condition des captifs.

Pourquoi ?

Tu te rends compte ? Il faut demander pourquoi. 

Parce qu’ils ne sont pas des otages maintenus dans un état à peu près décent afin de servir de monnaie d’échange dans un conflit négociable. Ils sont des captifs livrés à la cruauté des mujahidin afin de terroriser nos populations visées par le jihad qui nous soumettrait à la sharia

Et tu te demandes pourquoi la France, les Etats-Unis, le Thaïlande, l’Irlande, bref, toutes les nations dont les citoyens ont été enlevés ce maudit 7 octobre n’arrivent toujours pas à comprendre qu’elles sont visées ? Ils ne voient pas que le kibboutz Be’eri est le voisin d’Oxford, Orléans, Charlotte,  Londonderry, Malaga, Bruges, Phuket, Odessa, Detroit… ? Qu’une soldate israélienne de 19 ans c’est leur fille, toutes leurs filles ? 

C’est trop facile d’exiger des concessions d’Israël, entouré des bataillons de la Conquête. Comme si quelques tunnels de contrebande, une demi-douzaine de brigades de Hamas, des milliers d’assassins remis en circulation et la promesse d’un mignon petit Etat paisible pourraient assouvir leur rage de te réduire, toi, à l’esclavage, toi, abdul mohamed.

Nous sommes otages d’un récit toxique [lethal narrative] : le conflit moyen-oriental, la dispute territoriale entre Israël et la « Palestine », le refus de concessions de part et d’autre, les négociations, le processus de paix.

Les captifs sont torturés. 

Pour nous faire plier. 

On répond quoi ?

© Nidra Poller

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