Ils ne viendront pas à bout de nous[1] Par Daniella Pinkstein

Crédits : Paul Goldman. “Terrorists attack, Kibbutz Nahal Oz”, 1956 ( Eretz Museum).

Il y a dix ans, 219 jeunes lycéennes étaient enlevées au Nigéria par les terroristes de Boko Haram. L’indignation, le dégoût furent aussi unanimes qu’internationaux. L’horreur frappait l’innocence. Michèle Obama fit, à raison, de longues et offusquées déclarations, des fonds furent levés, des reportages dépêchés. Le terrorisme avait très mauvais goût.

De Doha au Caire, il est question de 120 otages israéliens. Des enfants de quelques mois, une famille entière enlevée encore dans leur tenue de nuit, des cadavres, des femmes torturées, des jeunes hommes violés, des jeunes filles dont on sait parfaitement le sort, tous suppliciés depuis presque un an, sont aujourd’hui négociés.

Et pas une seule déclaration révulsée par l’horreur ? Rien ? Si ce n’est par inadvertance ? On négocie un nourrisson kidnappé dans son lit, sans ciller ? Mais de quel « cessez » sont-ils le prix ?

Qui hurle pour eux ? Le terrorisme a donc soudain si bon goût ?

Le monde vient incontestablement de s’éteindre. Juifs sidérés, nous le voyons marcher « en plein midi comme un aveugle dans la nuit[2] », comme si être aveugle ne lui suffisait plus.

En ce shabbat 17 août, nous avons lu la Paracha Vaet’hanane, « J’implorai » incitant à la connaissance et au respect des Lois dont celles des Dix Commandements. Premiers pas vers la distinction entre le jour et la nuit.

On mesure toujours mal son siècle, son époque, son lieu de regard et de pensée, on mesure mal son passé, la trace que l’on objecte au présent qui pourtant creuse déjà, et si l’on résiste sans doute trop tard, on s’illusionne toujours trop vite.

« La Tora, l’enseignement d’Israël, est un enseignement de la différenciation. De même que la Création se fonde sur la distinction – spatiale entre les eaux supérieures et les eaux inférieures, temporelle entre le jour et la nuit, etc… l’humain, situé au terme de la Création, étant lui-même divisé entre l’homme et la femme. Ainsi dans la Révélation, il est commandé à l’homme de différencier : entre Dieu et les idoles, entre les vrais et les faux prophètes, entre le pur et l’impur, entre le bien et le mal, entre le saint et le profane, entre ce qui correspond à Dieu et ce qui ne correspond pas à lui. Il n’y a pas de place ici pour une pluralité indéterminée[3]. »

Nous y avons cru, il est vrai, à cet universalisme pluriel que nous avions encouragé, à ce monde heureux dont nous étions l’une des nations retrouvées. Comme un temps retrouvé.

Mais il faut bien reconnaître à présent que si une barbarie révulse en tout point de la terre, à l’exclusion d’Israël, c’est qu’il n’est désormais plus question ni de jour ni de nuit, mais de ténèbres.

En ce shabbat 17 août, devant ce chaos qui monte, nous sommes pourtant là, toujours là : à Doha, à Paris, à Varsovie ou à Nir Oz. N’en déplaise aux anophtalmes de l’obscurité.

En ce shabbat matin 17 aout, une fois encore, nous avons psalmodié :

« Levez les regards vers les cieux et voyez ! Qui les a appelés à l’existence ? Qui fait défiler leur armée en bon ordre ? Tous, il les appelle par leur nom et telle est sa puissance et son autorité souveraine que pas un ne fait défaut[4]. »

© Daniella Pinkstein


[1] A l’inauguration, après plusieurs décennies d’absence et de silence, de la réouverture d’une synagogue à Moscou, on pouvait lire sur le « Livre d’or » écrite d’une plume anonyme « Ils ne viendront pas à bout de nous » (rapporté par Claude Sarraute).

[2] Deutéronome, 28-29

[3] In Le message hassidique, Martin Buber.

[4] Haftara Vaet’hanane – Livre d’Isaïe.


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