Turquie, antisémitisme d’état exemplaire. Par Francis Moritz

Alors qu’au Moyen Orient, les déclarations et les menaces de l’Iran et de ses satellites terroristes se multiplient – le président Turc a ajouté sa voix et ses menaces à celle des ennemis d’Israël. La Turquie et le Pakistan sont les deux pays musulmans qui ont déclaré vendredi dernier « jour de deuil », hommage à la disparition du responsable terroriste I. Hanyeh. Le président Turc, soutien des Frères Musulmans, n’a pas hésité à déclarer vouloir envahir Israël et l’attaquer comme il l’avait fait au Nagorno Karabakh et  et en Libye.

Les racines

À la fin de l’empire Ottoman on trouvait déjà largement des clichés antisémites. En 1949, malgré un antisémitisme ancré de longue date, la Turquie sera cependant le premier état musulman à reconnaitre Israël. On était en pleine guerre froide, il s’agissait de lutter contre le communisme, voire contre les Arabes. Il est remarquable de constater que tout au long de la période qui a précédé et suivi cette reconnaissance, une théorie du complot juif a perduré. Si l’empire Ottoman s’était effondré, c’était de la faute des Juifs. Les politiciens turcs n’ont jamais remis en cause cette théorie, ni renié leurs auteurs originaux, Necim Kisakürek et N. Erbakan, père adoptif en politique du président turc et auquel il se réfère souvent. Officiellement les fondateurs de l’AKP ont rompu avec Erbakan, mais jamais avec Kisakürek qui reste leur référence. C’est véritablement après la guerre des six jours que cet antisémitisme chronique s’est doublé d’une haine viscérale. Lors de manifestations anti-israéliennes les noms des assassins du consul général israélien, Efraîm Elrom, en 1971, sont scandés. Ce sujet n’est même pas abordé par la gauche turque, qui a relégué l’affaire aux oubliettes.

En avril 2024 le président Erdogan reçoit avec tous les honneurs une délégation du Hamas. Pour lui – comme pour l’UNWRA – il s’agit d’une « organisation de résistance » or depuis plus de cent ans, la tradition antisémite existe et s’est développée non seulement parmi les acteurs politiques de la droite, de l’extrême droite et des islamistes mais dans tout le spectre politique, dans les médias et la culture officielle, gauche comprise. L’antisémitisme fait désormais partie intégrante de la culture turque.

L’antisémitisme comme arme politique

Pour discréditer un opposant ou une personnalité en vue, la recette est simple. On les accuse d’être ou Juifs ou Arméniens ou associé à des intérêts de l’une ou l’autre communauté. Le génocide arménien est bien entendu nié, la Shoah plus ou moins contestée. On en trouve la justification dans divers ouvrages d’écrivains des plus célèbres dont Aziz Nesin pour qui « les Juifs affichent un comportement qui justifie ce qu’Hitler leur a fait ». Quelle que soit leur appartenance politique, gauche, droite, extrémisme, tous les responsables ont au moins un dénominateur commun : la conspiration juive, « notre ennemi »: déjà en 2015, un rapport de l’Anti-Diffamation League indiquait que 70% de la population turque se déclarait antisémite. Depuis, ce pourcentage n’a fait qu’augmenter.

L’antisémitisme comme raison d’être

Pour retenir le terme lourd de sens « Antisémitisme d’état », le constat est fait de la convergence des institutions, de leur expression, avec celle des réseaux sociaux et des partis politiques. Le pays globalement est passé d’une réthorique anti israélienne à une haine sans retenue contre sa minorité juive, qui désormais craint pour sa vie. Le génocide arménien est dans toutes les mémoires. Immédiatement après le 7 octobre, les incidents se sont multipliés à tous les niveaux du quotidien. Taxis refusant de charger des touristes israéliens, magasins affichant ouvertement refuser de servir des Juifs. Un libraire proche de l’université placardant sur sa vitrine « Interdit aux Juifs », formule qui précéda la Nuit de cristal en Allemagne. De nombreux posters fournis par certains mouvements Islamique (Brigade al Quassam) furent visibles sur les murs d’Istanbul avant d’être supprimés par la municipalité ( de l’opposition). Les déclarations et affiches furent suivies d’agressions contre les lieux de cultes, indifféremment juifs ou chrétiens, la synagogue Etz Hayim à Izmir, une église orthodoxe et une école religieuse orthodoxe chrétienne à Istanbul. Une manifestation filmée eut lieu aux portes de l’hopital juif Or Haayim d’Istanbul avec des manifestants mains peintes en rouge.

« Mein Kampf », la bible nazie, est très populaire au sein de la jeunesse turque, d’autant que cet ouvrage peut être utilisé et traduit sans aucun droit depuis 2015. De plus, contrairement à la majorité des éditions occidentales, toutes références ou notes au contexte de l’ouvrage, à la shoah, ont été supprimées.

Le président turc a franchi une étape de plus en qualifiant récemment le premier ministre israélien de « Hitler » et « Führer », banalisant ainsi la chasse aux Juifs et réalisant ce que d’autres se sont évertués à faire depuis le 7 octobre :  l’amalgame entre Juifs et Israël, tous des ennemis du peuple turc et des Musulmans.

En octobre 2024, une parlementaire interpelle le ministre de l’intérieur pour accuser les citoyens de confession juive de trahison au profit d’Israël. Un autre, membre du parti kurde islamiste qui a des liens très proches avec le Hezbollah, veut promouvoir une loi permettant l’expulsion des citoyens (Juifs) ayant la double nationalité israélienne, au prétexte de leur responsabilité (probable, possible ?) dans « le génocide de Gaza »: on est allé un pas plus loin dans cette chasse antisémite, en affirmant que tous les Juifs turcs sont naturellement israéliens et à ce titre doivent être jugés pour le « génocide ».

On a exhumé un ancien décret de juillet 1993 (ça c’était avant, au temps de la lune de miel encore en vigueur), qui exemptait les binationaux (turco- israéliens) de service militaire s’ils avaient déjà effectué ce service en Israël. En novembre 2023 le procureur d’Istanbul a ouvert une enquête sur le bien-fondé de ce décret. Les médias ne sont pas en reste. Certains animateurs s’appliquent à changer le narratif, en rappelant l’ancien mythe de l’accueil « des  exilés Juifs séfarades » par l’empire ottoman en 1492 et s’en prenant aux Juifs turcs comme complices implicites du « génocide de Gaza ». C’est historiquement de la désinformation pour modifier le narratif turc et stigmatiser les Juifs comme venant de nulle part et à renvoyer ailleurs. Les premiers Juifs dits romaniotes se trouvèrent déjà en Anatolie entre le VI siècle et 135 avant notre ère ( à la suite des Romains). Non seulement les médias ont réussi à gommer les atrocités commises le 7 octobre, mais font désormais peser les plus lourdes menaces sur ce qui reste de la déjà très petite communauté juive. Le Parlement s’est vu proposer une loi d’expulsion qui s’inscrit dans les soi-disant « valeurs de la Turquie ». L’arrestation et l’expulsion de deux footballeurs israéliens qui avaient osé s’exprimer sur la tragédie des otages constituent un précédent et un sinistre présage. Les Nazis avaient eu une démarche similaire. Dans un pays de près de 70 millions d’habitants, il y aurait encore entre 25 à 30.000 Juifs, soit moins de 0,1% de la population. Ce qui constituait encore l’exception est devenu la règle au pays d’Ataturk.

On observe que la vague antisémite prospère à mesure que la situation économique de la Turquie, déjà catastrophique, continue de se dégrader. Même l’opposition ne peut se priver d’une réthorique antisémite – qui fait désormais partie intégrante du narratif national – si elle veut le rester. Le régime a fait des Juifs un bouc émissaire pour cristalliser toutes les misères du peuple.  Après avoir menacé Israël, le grand mamamouchi d’Ankara s’est déclaré près à accueillir les dirigeants du Hamas au titre de « l’axe de la résistance » dont il se vante de faire partie. Espérons qu’il n’y aura pas de Nuit de cristal dans un pays membre de l’Otan. Mais cela n’intéresse pas certains des hommes politiques français qui ont aussi pris fait et cause pour les théories des terroristes, comme tout ceux qui se réclament de « l’axe de la résistance »:

antisioniste et antisémite, c’est la même chose. Judenrei, Juden raus. Rappelons la trop célèbre maxime: « Les états n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts.

© Francis Moritz


Francis Moritz a longtemps écrit sous le pseudonyme « Bazak », en raison d’activités qui nécessitaient une grande discrétion.  Ancien  cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine. Fils d’immigrés juifs, il a su très tôt le sens à donner aux expressions exil, adaptation et intégration. © Temps & Contretemps


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4 Comments

  1. Il existe un lien historique et idéologique profond entre Nazisme et Islamisme. Pas seulement du fait de la poignée de main entre Hitler et le mufti de Jérusalem mais également sur le plan idéologique : totalitarisme, mépris de la vie humaine, hyper machisme, volonté de détruire le christianisme et haine des Juifs etc…Le génocide arménien commis par les Ottomans a précédé et inspiré la Shoah.
    L’UE a toujours été l’alliée de la Turquie. La Turquie est un État negationniste qui commet notoirement de nombreux crimes de guerre et atrocités barbates contre les populations kurdes. La Turquie d’Erdogan est un État fasciste : cela n’a jamais posé problème à la France l’UE et l’OTAN _ ce qui suffit d’ailleurs à démontrer le caractère grossierement mensonger de ses prétentions à incarner le droit international et la démocratie.
    L’UE islamiste est en conséquence une UE nazie. Un 4eme Reich, pourrait-on dire.

  2. Effectivement l UE rappelle de plus en plus le reve d hitler
    Tous au garde a vous, une pensée unique et obligatoire, le nazisme soft qui précède le déchaînement de violence comme on l a vu en France et comme il explose en GB

  3. L’Ukraine en ce moment même tue des civils innocents à Koursk, comme elle l’avait déjà fait de nombreuses fois avant _ comme l’armée russe. Ni plus ni moins. Mais les crimes de L’Ukraine, qu’on peut qualifier de régime ultra nationaliste voire de banderiste ne posent aucun problème moral aux pourritures d’Europeistes. Au sujet de la Turquie et du génocide arménien, les atrocités commises par le régime azerbaïdjannais n’ont pas empêche Ursula Von der Leyen de serrer la main au boucher de Bakou…Au moment même où les SS azerbaïdjannais commettaient des atrocités (viols et tortures de femmes même filmées) dignes de celles du Hamas. Désormais, l’on sait que le terme « Eurofascisme » n’est absolument pas excessif. Et j’approuve les deux commentaires ci-dessus.

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