Sabine Aiache. Nous sommes juifs. Nous rentrons au pays avant que le ciel se déchaîne

Il a bien fallu que je me résigne, la menace grandissante, à anticiper mon vol retour Paris/TLV, deux jours avant la date prévue.

Deux jours, à tout prendre, qu’est-ce ? me direz-vous.

Deux jours ce n’est rien, ou pas grand chose, ou si peu. Deux jours sur une échelle mondiale, c’est infime. Deux jours sur l’échelle de l’humanité, c’est ridicule. Mais sur une période qui a commencé un 7 octobre à 6h30 et qui, dans une torpeur indicible a été percutée par un 23 juin à 19h30, deux jours c’est une respiration enchanteresse, que mon organisme réclamait.

“Pourquoi rentres-tu” m’a-t-on dit. “Le pays va s’embraser et tu viens t’y engouffrer?”

Venez donc faire un tour sur le vol Transavia TO 3458; venez le constater par vous même. Vous y verrez un vol archi plein où on ne parle qu’une seule langue: l’hébreu. Pas un seul touriste, juste des israéliens de retour prématurément au pays.

La majorité des voyageurs étaient venus assister aux JO. La plupart ont économisé des mois, certains des années pour vivre ces instants historiques et festifs. Tous ont eu l’insolence de croire, pauvres naïfs, qu’ils étaient des mordus de sport comme les autres, comme les milliers de touristes ayant fait le déplacement.

Mais pendant que le cœur du monde bat au rythme des records et des ola, nous, Israéliens, nous précipitons dans un des seuls avions ayant été maintenus pour rentrer au pays avant que le ciel se déchaîne. Nous y avons nos enfants, parents, amis, animaux de compagnie, nos disparus y reposent, nous y avons notre âme et, ne faisant qu’ UN, nous nous dépêchons de fusionner.

Ce n’est pas que nous sommes portés par la fierté d’une tragique destinée, ce n’est pas que nous soyons pétris d’héroïsme ou d’autres belliqueuses pulsions, c’est uniquement et simplement parce que nous sommes juifs et, qu’en ayant parfaitement conscience, nous ne nous y dérobons pas.

Le Peuple d’Israël vit.

Peut être y aura-t-il des missiles. Peut être que, peut être pas.

Arborons nos signes austentatoires. Parlons haut. Rions fort.

Nous rentrons au pays…

© Sabine Aiache

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