L’affaire de l’Abbé Pierre, où se révèle qu’il fut prédateur sexuel, n’est pas sans intérêt du point de vue de la vérité. Au-delà du niveau grossier où le dévot se révèle imposteur, ce que Molière a déjà fait dans son Tartuffe où un dévot subjugue un riche pour lui lever des fonds et soulever la robe de sa femme. Au-delà de ce dévoilement de vérité, il y a autre chose de plus profond, c’est le lien entre l’attitude louche envers les femmes et celle tout aussi louche envers les juifs.
Envers les femmes, le dragueur compulsif est à la fois dans le mépris et la capture fascinée, il est aux prises avec le lien incestueux : il voit en toute femme le reflet de sa mère, attirante quand il était enfant, il tente en vain de la rejeter pour se défendre de l’inceste ; résultat, il s’en tire par un mélange de mépris et d’attirance. Avec les juifs, pour ce saint homme, ce fut pareil : il dit qu’après la Shoah, « on a donné aux juifs ce qu’ils voulaient mais sur le dos des arabes qui eux n’avait rien fait » (sic) ; sous-entendu : les juifs n’avaient aucun droit sur cette terre et c’est une (mauvaise) charité qu’on leur a faite après les avoir fait souffrir. Voilà donc bien installée l’idée que l’État juif est un corps étranger, au mieux un État colonie, même si l’on ignore de quel pays ç’en serait une. Mais le saint homme, pour mieux asseoir son argument, s’est mis à invoquer la Bible. Lisez Josué, disait-il, les massacres fait par les juifs quand ils conquirent la terre promise ! Et là il se lançait : qu’est-ce qu’une terre promise si elle a été conquise ! En somme, il voulait que Dieu livrât l’objet de sa promesse clefs en mains à son peuple. Une ignorance aussi crasse du texte mérite d’être corrigée ; on sait que Moise envoya d’abord douze hommes pour explorer ladite terre, et ils revinrent dire : elle est très bien cette terre, quant à la conquérir on n’y arrivera pas. Alors Yahvé entra en fureur, traduisez : ils furent la proie d’une fureur divine d’où émergea ce message : ah bon ? Vous n’y arriverez pas ? Eh bien… vous n’y arriverez pas ; vous mourrez tous dans ce désert et ce sont vos enfants qui hériteront de cette terre. Cette violente punition se comprend : le péché de ces Hébreux fut de croire que s’ils y arrivaient, ce serait par leur mérite, et non grâce au soutien divin qui justement leur était promis. Ils n’ont pas assez cru à la terre promise Ils auraient dû y aller avec cette promesse, et faire la guerre comme on la faisait à l’époque, en éliminant l’ennemi, sans état d’âme. On voit que le saint homme exige de ces Hébreux qu’ils soient comme des anges devant lesquels les ennemis se dissolvent ou s’inclinent. Cet angélisme qu’il se paie sur leur dos ne serait-il pas l’exacte réplique de l’abjection qu’expriment ses menées sexuelles sur des femmes ? soumises d’avance à son aura spirituelle et sur lesquelles il opérait, comme tous les chefs vicieux, un abus d’autorité ?
Les femmes, ça reste en travers de la gorge à ceux qui n’ont pas digéré leur mère (ou qui n’ont pas intégré l’interdit de l’inceste) ; et les juifs, en travers de la gorge à ceux qui n’ont pas intégré le sens de la loi symbolique, qui la confondent avec la loi des députés, ou pire, avec la loi de leur bon plaisir que j’ai aussi appelée « loi narcissique ».
© Daniel Sibony
Daniel Sibony, écrivain Psychanalyste dernier ouvrage paru : « L’entre-deux sexuel » chez Odile, Jacob, 2024. À paraître le 7 octobre : « Les non-dits d’un conflit ; le Proche-Orient après le 7 octobre ». Ainsi que le livre : « Cinéma ou réalité ? » Éditions Hermann.
« Un gros effet de vérité ? » Ce n’est vraiment pas l’effet que me font les accusations d’une de Haas, prétendue féministe à deux vitesses, de celles qui sont connues pour accuser en meute les hommes blancs, souvent sans la moindre preuve et de refuser d’écouter et même de rejeter les femmes qui ont été sans le moindre doute violées, si elles ne sont pas du camp voulu et leurs agresseurs non plus.
Je vois surtout un gros effet de malveillance.
Je ne crois pas que l’Abbé Pierre ait jamais prétendu être un saint. Mais il a été sans le moindre doute un bienfaiteur pour les sans-abris. A ce titre, il mérite le respect, surtout dix-sept ans après sa mort. Des accusations aussi tardives et aussi dénuées de sens révèlent surtout une grande bassesse et une grande malveillance de la part des accusateurs.
@Carole, j’approuve complètement vos 3 commentaires sur le sujet concernant l’Abbé Pierre. Bonne journée à vous. Cordialement.
Trois témoignages de touche pipi (seins en l’occurrence) et l’Inquisition psychanalytique se met en branle. Haro sur l’abbé qui avait déjà le tort d’être catholique et antisémite. Le voilà « prédateur » (rien que ça) de femmes.
Bizarrement, Sibony s’était montré plus indulgent à l’égard du très douteux Dominique Strauss-Khan après l’affaire du Sofitel. Et pourtant, l’abbé Pierre était un amateur à côté de lui.
Daniel Sibony, à mille fois raison, mais cet abbé est un « saint laïc » de substitution plus infaillible que le Pape, son antisémitisme ne dérangeait pas les belles âmes du genre Kouchner ( fondateur de msf) ou Roni Brauman ( ancien président de msf).
L’humanitaire » mis en avant pour le prestige et masquer des abominations (UNRWA) et une haine d’Israël c’est exactement ce que dénonce le livre des proverbes :
« צְדָקָה תְרוֹמֵם גּוֹי, וְחֶסֶד לְאֻמִּים חַטָּאת. » Si certains estiment que c’est une vétille d’être antisémite et l’essentiel c’est qu’il soit « humanitaire » c’est bien la différence entre la tartufferie commune et l’exigence morale du judaïsme.
« Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. »