Le balagan à l’Assemblée

Le communiste André Chassaigne et le patron de La Droite républicaine Laurent Wauquiez
 AFP / Ludovic Marin / AFP / Bertrand Guay

« Tu te comportes comme un marchand de bestiaux » : vives tensions et bourrage d’urnes à l’Assemblée

RÉCIT – Vendredi matin, au cours d’une réunion électrique, les présidents de groupe n’ont pas réussi à se mettre d’accord, comme le veut la tradition de l’Assemblée. Avant que l’après-midi ne soit marquée par un bourrage d’urnes.

« Vous êtes des marchands de tapis ! » La tension est à son comble dans cette petite salle du Palais Bourbon. Presque collés les uns aux autres autour d’une table, dans une promiscuité déplaisante au vu de leurs différends politiques, les onze présidents de groupe s’affrontent depuis maintenant plusieurs minutes, ce vendredi matin. Objectif : tenter de s’entendre pour la répartition des postes clés de l’Assemblée nationale, au lendemain de la réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir, devant le communiste André Chassaigne. La tradition veut que dans un système de points officiellement établi par le règlement de l’institution, les groupes se répartissent les différents postes clés à la proportionnelle en fonction de leur poids politique.

Sauf que ce vendredi, les présidents de groupe ne parviennent pas à s’entendre. Pire, ils s’invectivent vertement au lendemain de la victoire surprise de la macroniste Yaël Braun-Pivet grâce à une alliance nouée avec la droite. Parmi les présents, le premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, l’Insoumise Mathilde Panot, le communiste André Chassaigne, le patron de La Droite républicaine Laurent Wauquiez, ou encore la présidente du groupe RN Marine Le Pen. L’ambiance est électrique.

« Tout le monde s’est tiré dessus à balles réelles »

Les patrons du Nouveau Front populaire sont très remontés. Ils estiment s’être fait voler la présidence de l’Assemblée, qui, selon eux, aurait dû revenir au communiste André Chassaigne. Ce dernier est en colère. Et le fait savoir. « Vous vous êtes comportés avec des méthodes de chiffonniers, vous avez craché sur la République », s’emporte-t-il avec sa verve habituelle, notamment à l’adresse de Gabriel Attal et de Laurent Wauquiez. Autour de lui, certains s’agacent. « Tu devrais te reprendre, ce que tu dis n’est pas digne », lui répond notamment le patron du groupe Horizons, Laurent Marcangeli. Passablement agacé, Laurent Wauquiez lui lance : « Et toi, tu te comportes comme un marchand de bestiaux. »Avant d’expliquer : « Il n’y a pas d’accords secrets ou de combines de coulisses. Nous avons juste convenu qu’il était hors de question de laisser nos institutions à l’extrême gauche ! »

« Laurent Wauquiez a été odieux, particulièrement dur avec André Chassaigne », juge un présent, marqué par la violence des échanges. «Tout le monde s’est tiré dessus à balles réelles », poursuit un autre président de groupe. « J’ai l’impression que la gauche a mis deux semaines à comprendre qu’elle n’avait pas gagné les élections. Elle l’a finalement compris hier et le vit mal. Mais ce n’est pas une raison pour devenir insultant », tempête Laurent Marcangeli.

Au cœur des discussions, la volonté de la gauche de priver le Rassemblement national de postes clés. Des responsabilités qui leur avaient pourtant été confiées depuis 2022, Sébastien Chenu et Hélène Laporte ayant présidé pendant deux ans les débats dans l’Hémicycle. «Nous devons absolument appliquer le système à points, mais exclure le RN », plaide en substance l’Insoumise Mathilde Panot. « Si vous ne voulez pas que le RN ait de poste clé, alors nous ne pouvons pas trouver de solution pour appliquer le système de points », répond alors Gabriel Attal.

Marine Le Pen, elle, fait savoir sa désapprobation quant aux propos tenus par la gauche. Et quant aux manœuvres du camp présidentiel et de la droite. « Depuis le début, nous plaidons pour que le système à points soit respecté. Ainsi, nous demandons que nos deux vice-présidents soient reconduits, un poste de questeur et deux secrétaires », fait-elle savoir. Avant de reprendre : « Nous n’accepterons pas les miettes. Nous voulons avoir ce que nous représentons, ou rien. »

Les chefs de groupe actent leurs désaccords

La réunion se termine, comme prévu, sans accord entre les partis. Il va donc falloir aller au vote pour départager tous les candidats. Dans les couloirs du Palais Bourbon, le pessimisme s’empare des députés de gauche. « Depuis hier, je n’ai plus aucun espoir. On s’est pris un grand coup sur la carafe », avoue un cadre du Nouveau Front populaire. Avant de reprendre : « J’avais gardé le secret espoir que Braun-Pivet ne soit pas réélue… Maintenant, ils vont faire comme s’il ne s’était rien passé ? Ça fait chier ! »

À 15 heures, la séance pour l’élection des vice-présidents commence. Huit candidats sont en lice, pour six postes : les Insoumises Clémence Guetté et Nadège Abomangoli, la philippiste Naïma Moutchou, le macroniste Roland Lescure, les députés RN Sébastien Chenu et Hélène Laporte et les élus LR Xavier Breton et Annie Genevard. Le « deal » conclu entre macronistes et députés de droite voudrait que les deux députés LR soient élus. Le RN, lui, pourrait perdre ses deux postes, privé des voix de la gauche et de certains macronistes.

Selon nos informations, en début d’après-midi, dans les couloirs du Palais Bourbon, une discussion s’engage entre Laurent Wauquiez et Marine Le Pen. Ce dernier lui propose que ses députés fassent « ce qu’il faut » pour que le RN obtienne au moins une vice-présidence. Refus tout net de l’intéressée, qui s’en tient donc à sa ligne tenue un peu plus tôt en réunion des présidents. Tout ou rien. « Pendant ce temps, le RN annonçait sur Twitter que ses députés voteraient pour les candidats Insoumis. Tout ça pour alimenter leur posture de victime, qui leur va très bien », tance un élu LR. Avant de reprendre : « Sauf que son plan ne fonctionnera pas. Elle va faire élire deux Insoumises au perchoir et les députés LR vont hurler à la connivence du RN avec l’extrême gauche. »

Bourrage d’urnes au Palais Bourbon

Contrairement à jeudi, c’est dans les salons attenant à l’Hémicycle que le vote, à bulletins secrets, a lieu. Les députés défilent les uns après les autres et déposent dans l’urne les noms des différents candidats qu’ils souhaitent voir devenir vice-présidents. Une élection en trois tours si six des candidats ne sont pas élus à la majorité absolue des suffrages lors des deux premiers. En fin d’après-midi, l’heure des résultats du premier tour approche, quand, soudain, une rumeur se propage dans les couloirs : des irrégularités auraient été découvertes lors du dépouillement du scrutin.

La présidente de l’Assemblée va constater le litige auprès des scrutateurs désignés pour veiller au bon déroulement de l’élection. Et se présente, quelques minutes plus tard, au perchoir, pour confirmer l’information. « À l’issue du dépouillement est apparu que dix enveloppes en trop avaient été déposées dans les urnes. Nous allons devoir refaire le scrutin dans la mesure où les résultats aboutissaient à de trop faibles écarts », annonce Yaël Braun-Pivet sous les cris indignés des parlementaires de tous rangs. « Du jamais vu au Palais Bourbon », commente, ébahi un fonctionnaire de l’Assemblée. « Hier un député LFI qui tentait d’impressionner physiquement un élu RN dans l’Hémicycle, aujourd’hui un bourrage d’urnes. Cette législature s’annonce difficile et pleine de tensions », lâche un député LR, « dégoûté » par « le spectacle désastreux » donné aux Français.

Quelques heures plus tard, le verdict tombe finalement : la philippiste Naïma Moutchou, les Insoumises Clémence Guetté et Nadèle Abomangoli, le macroniste Roland Lescure et les députés LR Annie Genevard et Xavier Breton sont élus vice-présidents de l’Assemblée. Et contrairement à 2022, le RN est donc privé de poste-clé à l’Assemblée. Un «mépris total de la démocratie qui laissera des traces», fustige, salle des Quatre Colonnes, le député RN Thomas Ménagé. Amer, son collègue Laurent Jacobelli anticipe, sarcastique : «J’espère qu’on ne nous interdira pas aussi le droit de déposer des projets de loi. Au point où on en est, tout est envisageable».

Wally Bordas

Source: Le Figaro

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2 Comments

  1. C’est la cour de récréation l’Assemblée Nationale. Je ne comprends pas la stratégie de Marine Le Pen. Laurent Wauquiez lui propose que ses députés fassent ce qu’il faut pour que le RN obtienne la vice- présidence. Elle refuse et appelle ses propres députés à faire élire des Insoumis. On ne comprend plus rien. Et les autres présidents des autres groupes qui s’invectivent. C’est la tambouille politique. Il ne faudra pas s’étonner de l’absention dans l’avenir.

  2. vraiment qu elle honte Nathalie a raison cœur de récréation non foire d empoigne ils deviennent fous je suis pas vraiment Rn mais c est vraiment une incroyable qu ils n aient pas de poste c est un déni des institutions honte à tous les crétins Lfi Lr etc.. vous devriez vous cachez vous êtes la honte de la république tous tant que vous êtes perso. je vote depuis 50ans TERMINÉ

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