7 octobre : Nommer les choses, dire le vrai

Livre collectif, « 7 octobre Manifeste contre l’effacement d’un crime » rassemble des textes percutant, désenchantés ou rageurs de plusieurs dizaines de personnalités sur le pogrom perpétré par le Hamas.

L’exemplaire sous mes yeux porte le nom de Dor Lazimi. Visage rond, regard kaki au diapason de son uniforme, le jeune homme de 21 ans aimait la guitare et les enfants. Héroïque, le sergent-chef a combattu les terroristes du Hamas à l’avant-poste de Nahal-Oz ; ses cris d’alerte ont permis à une vingtaine de ses camarades d’aller se mettre à l’abri et d’avoir la vie sauve. Pas lui. Il est mort le 7 octobre 2023.Délibérément, David Reinharc, à l’origine du projet, a baptisé chaque exemplaire de 7 octobre, Manifeste contre l’effacement d’un crime du nom d’une des 1160 victimes de ce « crime contre l’humanité à visée génocidaire ». L’ouvrage est sous-titré : « Un livre, un nom ».

Déjà, en avril 2023, la publication de L’Invisible de la rue Vaucouleurs avait restitué à Sarah Halimi, assassinée en 2017 à Paris, la densité humaine de son existence pour que la mort n’emporte pas l’exclusivité de son patronyme. Et pour que l’oubli marque le pas. Ici, la démarche est la même et la forme également puisqu’à nouveau, l’écriture a été confiée à un collectif de quelque 80 personnalités.« À rebours du négationnisme d’atmosphère qui se répand dans la rue comme sur la toile, l’ouvrage examine la portée du 7-octobre et s’érige contre ‘l’amnistie morale’ accordée aux assassins qu’évoquait Vladimir Jankélévitch », explique l’éditeur David Reinharc, qui a dirigé ce travail avec Sarah Fainberg.  Il brocarde Les Insoumis qui ont accusé le Hamas de « crimes de guerre » alors que, selon lui, l’attaque du 7 octobre est un crime contre l’humanité.

Antisémitisme et wokisme

Ponctué de photos et divisé en six parties, le livre est une succession de textes courts, qui torpillent l’innovation dans l’horreur, le viol comme arme de terreur islamiste, le féminisme à géométrie variable, le saccage des affiches des otages ou encore les vases communicants de l’antisémitisme et du wokisme.Dans un texte  à fleur de peau, Elisabeth de Fontenay invoque son âge – 90 ans – pour s’autoriser « pour une fois » à dire tout simplement  ce qu’elle « a sur le cœur ».


 7 octobre, Manifeste contre l’effacement d’un crime,Sous la direction de Sarah Fainberg et David Reinharc,Editions David Reinharc, 286 p., 20 €   

Apôtre du droit à l’existence de deux États, la philosophe aurait aimé s’appesantir sur « sur la disproportion de la riposte israélienne », même si l’État hébreu ne pouvait répondre que par les armes à « cet abominable massacre ». Mais elle a préféré confier comment le Hamas, en perpétrant un pogrom en Israël, a percuté son histoire familiale et mis à nu ses terreurs. Après cette barbarie, à la portée symbolique « irréversible », l’espoir d’un projet politique crédible est-il encore de mise ? Barbarie. Un mot qui ne ferait plus l’unanimité dans les démocraties occidentales, selon Eva Illouz, « parce que le statut des juifs (y) a changé ». Faisant écho aux manifestations qui ont agité les campus, particulièrement aux États-Unis, elle analyse le défi que pose ce nouvel antisémitisme, proclamé au nom d’idéaux semblables à ceux brandis contre le racisme.

« La danse : acte de résistance »

Chez Michel Houellebecq, cet antisémitisme venu de l’extrême gauche a entamé un moral, que l’écrivain a déjà coutume d’avoir en berne. Dans un entretien, il raconte la désillusion profonde que lui a inspiré la multiplication des actes antisémites de l’extrême gauche après le 7 octobre, reflet selon lui « d’une sorte de mutation tératologique » de cette frange de l’échiquier politique.

Lisez aussi le texte éblouissant d’Éliette Abécassis, hymne à la danse à la mémoire des victimes du festival Nova. La danse : acte de résistance, de légèreté, de fantaisie, de vie. Dans une envolée fiévreuse, l’écrivaine exhorte à laisser parler les corps « pour survivre, dire et proclamer : nous sommes bien vivants ».

Si l’attaque du 7 octobre nous a laissés démunis, sidérés face à l’épouvante et la haine, ce livre offre des regards, des analyses et des témoignages qui, faute de nous réconforter, nous éclairent. Contre l’obscurantisme, c’est précieux.

© Claudine Wéry

© Éditions David Reinharc

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