Droit du sol, droit du sang, naturalisation, double nationalité. Francis Moritz

Un nouveau sujet de discorde vient de surgir qui divise les citoyens français. C’est une hydre à deux têtes, l’acquisition de la citoyenneté et la naturalisation. De plus comme ça ne suffisait manifestement pas, on a ajoute la double nationalité.

Une fois de plus, tapie au coin des professions de foi, surgit l’exception française, qui ne souffre aucune comparaison avec ce qui se passe ailleurs et pour cause. Ne sommes-nous pas les héritiers de la révolution de 1789, celle-la-même qui aura coupé en un temps record un maximum de têtes et dont le slogan sommeillait au fond des livres d’histoire : « La Fraternité ou la mort ». Nous disposons également de l’héritage des lumières, parait-il. Petit rappel pour ceux qui aurait un peu laissé de coté leur part de cet héritage des philosophes du 18e siècle : en très bref « combattre les ténèbres de l’ignorance par la diffusion du savoir. Rousseau, Montesquieu, Voltaire en France, nous avaient laissé de quoi penser et agir pour la suite, à propos de la connaissance, l’égalité, l’intolérance, la tyrannie ».

Manifestement, il y a eu dilution de ce deuxième trésor. Il semble en revanche qu’on ait voulu ne conserver qu’une partie du premier. Alors revenons en 2024.

L’Allemagne, premier pays de l’Union Européenne, de 83 millions d’habitants et forte de sa puissance industrielle, est l’exemple-même d’une démocratie gouvernée par une coalition et avec seize véritables réglons disposant de la plupart des pouvoirs sauf régaliens. Elle a traité ces sujets, mais nos hommes politiques n’ont pas jugé utile de s’y intéresser.

Sur la citoyenneté,

Un enfant acquiert la nationalité a sa naissance si l’un de ses parents en dispose déjà. Si seul le père a la nationalité et n’est pas marié à la mère, la loi allemande exige une reconnaissance effective ou une détermination de paternité avant l’âge de 23 ans.

Depuis l’année 2000, les enfants nés en Allemagne de parents étrangers, acquièrent automatiquement la nationalité si l’un des parents réside de façon continue en Allemagne depuis au moins huit ans, y constitue sa résidence principale et dispose d’un permis de séjour en vigueur.

Même si les deux parents n’ont pas la nationalité allemande, les règles suivantes s’appliquent : Si l’enfant est né en Allemagne, il est automatiquement allemand à la naissance si certaines conditions sont remplies. L’un des parents doit :

  • Résider habituellement et légalement en Allemagne depuis au moins huit ans
  • être titulaire d’un permis de séjour ou d’un permis de séjour de l’UE ou être citoyen de l’Union bénéficiant de la libre circulation ou ressortissant équivalent d’un État de l’EEE (Islande, Liechtenstein, Norvège) ou citoyen suisse bénéficiant de la libre circulation.

Si le père ou la mère remplit ces conditions, aucune demande supplémentaire n’est nécessaire. L’enfant devient automatiquement allemand à la naissance. 

A propos du droit du sol

Le droit du sol qui fait couler tant d’encre se retrouve sur le continent américain, au Pakistan, au Soudan, en Tanzanie et avec diverses restrictions en Allemagne (voir ci-dessus) en France, en Grande Bretagne, en Irlande, en Australie et en Nouvelle Zélande. Son application est devenue une énorme source de problèmes en Guyane et à Mayotte. On voit bien que la seule véritable réponse sera le passage au droit du sang. Le droit du sol est donc loin d’être une valeur universellement partagée.

Naturalisation, nouvelle loi Allemande de juin 2024

C’est un sujet qui interpelle l’ensemble de l’Union. L’Allemagne fait preuve d’un grand sens des réalités et d’efficacité, dont nos experts en col blanc devraient très utilement s’inspirer au lieu de spéculer pour inventer « un modèle français » ingérable.

Naturalisation ET intégration 

Extraits du texte légal :
Si vous résidez de manière permanente en Allemagne mais que vous n’êtes pas devenu Allemand à la naissance d’une des manières décrites ou pour d’autres raisons particulières en relation avec une activité lucrative, vous pouvez vous faire naturaliser. Cela ne se produit jamais automatiquement, mais uniquement sur demande.

Le droit à la naturalisation naît si les conditions suivantes sont remplies :

  • Au moment de la naturalisation, vous disposez d’un permis de séjour, d’un permis de séjour ou d’un permis de séjour UE, ou vous êtes un citoyen de l’Union bénéficiant de la libre circulation ou un citoyen équivalent d’un État de l’EEE (Islande, Liechtenstein, Norvège) ou un Suisse citoyen ayant droit à la liberté de mouvement.
  • Vous résidez légalement et habituellement en Allemagne depuis huit ans.
  • Vous pouvez subvenir à vos besoins et à ceux des membres de votre famille à votre charge sans aide sociale ni allocation de chômage.
  • Vous avez une connaissance suffisante de l’allemand.
  • Vous n’êtes coupable d’aucun crime et en avez été reconnu coupable (les condamnations mineures ne sont pas pertinentes).
  • Vous êtes attaché à l’ordre fondamental libre et démocratique de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne.
  • Vous ne devez plus renoncer à votre ancienne citoyenneté avec la nouvelle loi.

Si l’une de ces conditions légales fait défaut, il n’existe aucun droit légal à la naturalisation. 

La preuve de la connaissance de l’ordre juridique et social et des conditions de vie en Allemagne a été récemment introduite comme condition préalable à la naturalisation. Toutefois, cette connaissance ne doit être prouvée qu’au moment de la naturalisation. 

Maîtrise de la langue allemande
Une parfaite connaissance de la langue allemande, tant parlée qu’écrite, n’est pas requise pour la naturalisation. Une connaissance suffisante de la langue est requise si vous devez vous déplacer en allemand dans la vie quotidienne, y compris pour les contacts normaux avec les autorités, et – en fonction de votre âge et de votre niveau d’éducation – soutenir une conversation en allemand. Cela implique d’être capable de comprendre des textes de la vie quotidienne et de les reproduire oralement. 

Depuis le 28 août 2007, une preuve de compétences linguistiques orales et écrites au niveau du test de langue pour le certificat d’allemand (du Cadre européen commun de référence pour les langues) est régulièrement exigée. Cela s’applique à la fois à la naturalisation avec droit et à la naturalisation du conjoint. Des exceptions ne s’appliquent que si une personne ne peut pas acquérir les compétences linguistiques requises en allemand en raison d’une maladie ou d’un handicap physique, mental ou émotionnel ou en raison de son âge.

L’engagement en faveur de l’ordre fondamental libre-démocratique
C’est le cœur de la Constitution allemande: la Loi fondamentale. Certains principes y sont particulièrement protégés. Il s’agit par exemple des droits de l’homme, de la souveraineté populaire, de la séparation des pouvoirs de l’État, de l’État de droit et du droit à une opposition parlementaire. Ces principes visent à garantir qu’il n’y a pas de tyrannie, que les décisions de l’État, par exemple concernant les élections et le parlement, sont légitimées par la volonté du peuple, que les droits s’appliquent à chacun et que des opinions et des partis multiples sont possibles.

Quiconque souhaite se faire naturaliser doit s’engager à respecter ces principes et déclarer qu’il n’a pas participé à des efforts anticonstitutionnels. Si l’autorité estime qu’une personne a agi de manière anticonstitutionnelle et a mis en danger l’ordre fondamental libre-démocratique, elle ne peut pas devenir citoyenne allemande. Avant chaque naturalisation, les autorités de naturalisation doivent introduire à cet effet une demande auprès des autorités de protection constitutionnelle. Si une personne avait auparavant des convictions anticonstitutionnelles, cela ne l’empêche pas nécessairement de se faire naturaliser. Il y a une chance de convaincre l’autorité de naturalisation que vous vous êtes éloigné de cette voie. Des témoins pourront éventuellement être cités à cet effet. Si les autorités peuvent être convaincues que l’attitude de la personne a changé, elle peut toujours être naturalisée. Voilà peut-être un héritage des Lumières version allemande.

Le Land de Saxe-Anhalt ( ex Allemagne de l’Est) autonome dans l’application de la loi fait exception en exigeant que les candidats souscrivent une clause supplémentaire reconnaissant l’existence de l’état d’Israël. Cette clause pose problème car rien ne prouve qu’elle diminuera l’antisémitisme. Elle nourrit le debat public et exacerbent les antagonismes politiques. Il existe également une naturalisation dite discrétionnaire. Les autorités se donnent la possibilité de prendre une décision si certaines conditions sont remplies, elle existe partout, de fait.

Les points forts de la nouvelle loi du 19/01/2024

Réduction de 8 à 5 ans du séjour préalable.

Naturalisation après 3 ans sous reserve de satisfaire à certaines obligations : obtention d’un certificat CI de langue allemande, justificatifs concrets d’une intégration exceptionnelle, dont bénévolat, pompier volontaire, activités sociales, Qualifications et réalisations professionnelles ou universitaires particulières  documentées par l’employeur.

Pour la génération précédente des Gastarbeiter, travailleurs temporaires, une procédure très largement allégée s’applique.

La double nationalité est conservée.

Rien dans ces textes n’est en opposition avec les aspirations de la société Française. Encore faudrait-il qu’on cesse de toujours prétendre à la création d’un « modèle français » unique mais rarement simple.

Décret du droit à l’existence de l’État israélien

« Le droit à l’existence de l’État israélien est la raison d’être de l’État allemand », précise le décret, dont l’agence de presse allemande a obtenu une copie. « L’obtention de la nationalité allemande exige l’adhésion au droit d’existence d’Israël ». C’est pourquoi les candidats doivent confirmer par écrit, juste avant la naturalisation, « qu’ils reconnaissent le droit d’existence d’Israël et qu’ils condamnent tout effort dirigé contre l’existence de l’Etat d’Israël « .

Lors des naturalisations, il convient de vérifier « s’il existe des termes concrets ». Si les candidats refusent de faire une déclaration, le décret de naturalisation ne peut pas être délivré. « Cela doit être mentionné dans le dossier et la demande de naturalisation doit être rejetée », est-il précisé.

© Francis Moritz

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